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Critique d'album

Bästard


Radiant, Discharged, Crossed-Off


(22/05/1996 - Ici d'ailleurs - Post Rock / Noise / Experiment - Genre : Rock)
Produit par

1- King Kong / 2- Travelgum / 3- 200 Miles From Hanoï / 4- From the Hillside / 5- Chinatown / 6- Hatching / 7- It Ain't No Funny At All / 8- 6:45 Pm / 9- Growing Daisies / 10- Locate Radiation
Note de 5/5
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Note de 5.0/5 pour cet album
"Lyon. 1996. Quand la France touche à la grâce."
Geoffroy, le 22/10/2012
( mots)

Il était tard. Le tard des petits matins levants et dominicaux de Châlon-sur-Saône - qui ont autrement plus de verve que ceux de Dijon, même en décembre. On était une petite dizaine à avoir joué ce soir au Purple Bar, dévorée jusqu’aux dents par des quantités innommables au sortir d’un accueil de la plus chaude générosité. Plus de douze heures de rade. Un sacré samedi soir. Mon choix fut peu judicieux d’accompagner ce vieux bourlingueur de Nick Al Banam sur cinquante bornes dans une quête insouciante du « home sweet home » - les yeux grands ouverts tournés vers la première ampoule et la lumière clignotait tout autant. Ce choix m’a cependant sauvé quelques heures de sommeil puisque les derniers loulous à être restés sur place pour pioncer chez notre noiseux en chef ont fini affalés sur son canapé à subir les derniers assauts sonores du guerrier, et malgré l’état laborieux de ce petit monde, un des disques a retenu l’attention, une toute petite attention qui a fini par tout chambouler, enfin.  

Si j’étais resté sur place au lieu d‘en entendre parler le lendemain, je ne me serais alors certainement pas couché. J’aurais débourré notre hôte et son visage rougi, l’aurait secoué par les épaules à le faire vomir pour avoir la réponse à cette question désespérée: pourquoi nom de dieu, personne ne croit en le rock français quand des trucs comme Bästard existent ? Si vous devez écouter ce disque, appuyez sur play maintenant.


Il y a de ça encore quelques années, n’ayant pour être honnête jamais rien rencontré de vive oreille pour subjuguer mon être dans l’hexagone, je me persuadai que la faute ne venait pas de moi mais du fait que mon pays ne valait pas un clou en inventivité, que toutes ces belles gueules de premiers de la classe fils-à-papa se donnaient un genre possédé-par-la-fièvre alors qu’ils brulent tous de cette même flemme, rabâchant de manière scolaire - et avec un retard conséquent - des authenticités parfois précieuses, souvent décrépies, de nos confrères outre Manche et Atlantique, bien plus occupés à baver devant des jambes sveltes de huit ans leur cadettes qu‘ils finiront par couvrir de leurs doigts. Je ne peux donc pas jeter la pierre à ceux qui continuent de le croire puisqu‘il est vrai que l‘on ne voit que ça. Partout.

Au fil de concerts assourdissants, rencontres surhumaines et beuveries matinales, le bouche à oreille s‘est opéré et la vérité est tombée. Ce qui se cache dans les ombres est véritable. J’ai fini par tomber sur une poignée de résistants dans ces lieux obscurs qui m’ont ouvert aux joies du rock made in France - bien que souvent anglophone. Et sincèrement, j’ai encore du mal à croire à l’écoute d’un groupe comme Bästard qu’il pouvait avoir œuvré à deux cent bornes de chez moi dans la première moitié des années 90, faisant à sa terre une offrande maturée et à mes pensées naïves du dessus, un pied de nez plus que conséquent. Béatitude. 


Arborescence.

Radiant, Discharged, Crossed-Off. Ô phosphorescence, ô densité. Avec cet album, les Lyonnais ont enfoncé de larges clous dans le cercueil des mauvaises langues, et ce sans s’en rendre compte le moins du monde. Des textures d’un enfer riche et vaporeux sur lesquelles se déposent les ramifications de guitares volatiles, lignes de basse intestinales et improbables à s‘en écorcher la tronche d’un plaisir trop souvent refoulé - "200 Miles From Hanoï", bam. Rien n’est laissé de côté, les explosions noisy te pètent au visage au détour d’un cheminement mécanique et d’une seconde à l’autre tu vas te retrouver devant la plus belle mélodie au monde sans comprendre ce qu’il t’arrive. Les climats… Et bien entendu, tu ne sauras pas où tu en es, quoi penser de ces premiers morceaux qui déroutent, littéralement, et "Chinatown" va débouler et là tu vas comprendre enfin… La ligne de basse de cette fin de siècle, l’envolée sublime, l’abandon… on est en 1996. Quand les Etats-Unis s’ouvrent à Tool, la France laisse Bästard dans son coin. Marrant que cette comparaison revienne si souvent d’ailleurs.

Bästard, c’est la rencontre de l’instinct et de la technique, comme frangins, pas comme ennemis. Samples et bourdons omniprésents, parts essentielles de la dynamique, mélodies nouvelles, sinueuses, fluides, une idée neuve de la musique quand beaucoup trop se contentent de celle qui se trouve avant et ailleurs. Le choix de l’anglais reste certes une part de non-acceptation mais peu sont ceux qui ont assez de couilles pour s’imaginer savoir écrire en leur langue. Nul n’est prophète en son pays ou en tout cas, il le devient à la bourre.

Eric Aldéa avouait sincèrement n’avoir pas eu l’impression d’apporter grand-chose à la musique française. « Si certains ont eu envie de faire de la musique après les avoir écouté, ce serait déjà terriblement gratifiant ». Brave garçon... L’influence de Bästard est partout dans la France de l’underground désormais. De souterraine, elle est devenue majeure, apparaissant aux moindre recoin de l’énième groupe de post-quelque-chose de Lille sans même que l‘un des membres en ait jamais écouté. Nul ne les cite de peur de tomber dans les évidences puisque dans ce milieu, il vaut mieux bien cacher ce que l’on sait… Chacun ses petits secrets.  

Alors tandis que certains vont poursuivre leur envie de se pavaner sur toutes ces mouvances à succès, éphémères modes réchauffées vite essoufflées qui constituent la hype moderne, moi je reste dans mon trou paumé à rêver en secret que dans les prochaines années, les obscures salles moites des tréfonds de l’Amérique profonde - les mêmes que chez nous - accueilleront à leur tour une vingtaine de pélos réunis pour un concert tout aussi obscur, et que scindés au bar après l’exutoire sonore et les litres de bière écoulés, l’on vantera avec fougue que le cinquième album de Papier Tigre est une tuerie (on devrait déjà le faire avec le troisième), et que bordel, la France est vraiment un bastion massif de la musique contemporaine.

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