Curved Air
Air Cut
Produit par Martin Rushent
1- The Purple Speed Queen / 2- Elfin Boy / 3- Metamorphosis / 4- World / 5- Armin / 6- U.H.F. / 7- Two-Three-Two / 8- Easy
La guerre fratricide entre Darryl Way et Francis Monkman avait fini par trouver une issue avec le départ des deux musiciens, et le troisième album du combo, Phantasmagoria, apparaissait comme le baroud d’honneur de cette lutte intestine – et comme une vraie réussite, aussi étonnant que cela puisse paraître. On ne donnait donc pas cher de la peau de Curved Air, mais c’était sans compter la volonté de Sonja Kristina, accompagnée de Mike Wedgwood (basse), de maintenir la flamme et de trouver de nouveaux compagnons de route. Eddie Jobson (violon et claviers, futur grand nom de la scène progressive), Jim Russell (batterie) et Kirby Gregory (guitare) rejoignent donc la deuxième version du combo à l’origine d’Air Cut en 1973.
Ces changements ne sont pas sans effet sur l’esthétique du groupe qui perd légèrement en progressivité pour gagner en accessibilité, même si les albums du groupe ont toujours possédé des passages plus directs et parfois pop. Les hostilités s’ouvrent ainsi sur le hard-rock direct "The Purple Speed Queen", un Deep Purple soft et féminin, puis se poursuivent sur la ballade folk "Elfin Boy", tandis que "Two Three Two" offre du pur rock léger et aguicheur. Plus surprenant, "U.H.F." commence dans une veine hard-rock très accessible pour ensuite mettre en place, de façon un peu brutale, un intermède musical plus introspectif.
La construction de ce dernier titre montre que le groupe n’a pas abandonné son ambition progressive. Longue pièce de dix minutes, "Metamorphosis" s’inscrit pleinement dans ce genre et anticipe le Camel de Mirage (1974). Les claviers dominent et dans une grande diversité sonore, long développement instrumental reposant jusqu’à l’arrivée des orgues et de la guitare pour un passage intense, avant de retomber sur le thème central puis le final, plus surprenant, en mode saloon. De son côté, "Easy" propose un heavy-prog’ au tempo soutenu.
Quant au violon, si on l’entend sur le bref "World", dans un esprit jazz-manouche, l’instrument s’avère plus savoureux sur l’instrumental "Armin" qui évoque le Curved Air des premier temps jusque dans son dialogue avec la guitare électrique.
Album solide et varié, Air Cut impressionne en ce qu’il est avant tout le résultat d’un pari risqué : celui de permettre à un groupe de survivre à une guerre interne normalement destructrice. Parvenir à remonter une formation suite au départ de deux membres fondateurs et sortir un nouvel album dans la foulée sans perdre l’âme du groupe, relevait de l’exploit. C’est pourtant ce que Kristina et alii réussirent à réaliser, au moins le temps d’un album.
À écouter : "Metamorphosis, "Armin"