Enforcer

Piliers de la New Wave of Traditional Heavy Metal (NWOTHW, en référence à la NWOBHM des 1980’s) à tendance speed depuis la fin des années 2000, les Suédois d’Enforcer avaient surpris et, pour tout dire, déçu une partie de leur public en offrant en 2019 un Zenith à la direction peu claire, qui adoptait parfois une touche glam/FM. Le retour post-pandémie du groupe était donc attendu de pied ferme, non sans circonspection, et celui-ci se fait sur une pochette dantesque : la vanité y est figurée par les thèmes classiques du sablier et du crâne, ce dernier s’évaporant dans un espace sidéral digne des plus belles photographies d’Hubble, comme la poussière d’étoile s’écoule dans l’instrument de mesure du temps. Tout étant relatif, le temps et l’espace se confondent comme pour signifier que le Heavy est intemporel, et que la nouvelle vague n’est qu’un mouvement supplémentaire dans le jeu des marées.

Avec le court instrumental "Armageddon", Enforcer semble vouloir ouvrir son album en adressant un clin-d’œil à l’incompréhension du public lors de la sortie de Zenith. En effet, les synthés 80’s qui ouvrent et enrobent "Unshackle Me" n’empêchent en rien le titre d’être purement Heavy – un peu comme avait pu le faire Judas Priest durant les 1980’s. Tout se passe comme s’ils voulaient affirmer que le kitsch pouvait se marier au Metal traditionnel ; il semble d’ailleurs que ce paradoxe apparent, ou ce pied-de-nez, serve de boussole à l’ensemble de l’album.

Aux plus intransigeants, Enforcer offrira du speed Metal sur "Coming Alive" (quel cri introductif !), du Power Metal enlevé avec "At the End of the Rainbow", un mélange d’Hard-US et d’Helloween sur "Demon" - un titre doté de refrains diablement accrocheurs, du Heavy pur et dur sur "Kiss of Death" dans la veine de Riot (groupe auquel fait également penser "When the Thunder Roars (Cross Fire)") … Le propos peut même être volontairement caricatural quand s’élance "White Lights in the USA" et "Metal Supremacia", ce dernier étant chanté en espagnol comme une version alternative de Zenith avait été enregistrée dans cet langue pour rendre hommage au public sud-américain. On pourrait attendre un peu de portugais par la suite, pour répondre à la maxime impérative : "Come to Brazil !".

Parallèlement, Enforcer s’engouffre dans un registre volontiers FM/Hard-US, de façon très aguicheuse (mais tellement bien faite) sur "Heartbeats" qui ferait pâlir Ghost, et sur la ballade épique "Nostalgia" qui a tout du plaisir coupable. Enforcer est tout de même moins pertinent, moins subtil et peut-être moins jusqu’au-boutiste sur "No Tomorrow", malgré un très bon solo, à l’inverse de "Keep the Flame Alive" qui se permet quelques excès sur son introduction et ses refrains.  

Très bien fait, doté d’un sens de la mélodie et du refrain imparables ainsi que de guitares acérées et d’un chant ampoulé, Nostalgia parvient à être très Heavy, parcourant différents sous-genres du Metal traditionnel, mais ne lésine pas sur le registre FM/glam/US. Un beau divertissement musical qui n’est pas si loin de leurs ancêtres, également suédois, d’Europe.

À écouter : "Unshackle Me", "Heartbeats", "Nostalgia"