Green Lung

Dans son étroitesse d’esprit caractéristique, le christianisme associa le paganisme au satanisme, comme il condamna toute déviance qui remettait en cause l’institution et ses dogmes. C’est en retournant ce stigmate que Green Lung mobilise l’imagerie occulte qui lui est chère (ici le mot "Heathen", littéralement païen) pour l’associer au diable, dont le nouvel hérault sur terre n’est autre que Ghost. Car le combo anglais, à l’heure de sortir son troisième opus (on ne vous refera pas la théorie du troisième album), s’appuie avec insistance sur l’esthétique de la tête de gondole des musique saturées.

De la secte suédoise satanique, Green Lung reprend de nombreuses caractéristiques à commencer par le chant de Tom Templar, très similaire à celui de Forge, mais aussi plusieurs gimmicks de compositions si bien que certains titres auraient pu apparaître sur un album de Ghost. Dès "The Forest Church", introduit par un "Prologue" synthétique en guise de bande annonce, ce parallèle peut être dressé sans grande difficulté : orgues analogiques employés dans une perspective moderne, mélodies accrocheuses au chant, guitares puissantes, tout y est ou presque. Alors que dire de "Maxine (Witch Queen)", dont même l’intitulé est Ghost-ien, du brûlot hard-rock "Hunters in the Sky", des lignes de guitare de l’entraînant et Heavy "Mountain Throne", nouvelle pépite parmi les pépites de l’album ? Et que dire du merveilleux final "Oceans of Time" qui aurait fantastiquement pu conclure Impera ?

Toujours à l’image de Ghost, Green Lung déploie une musique très riche par ses hybridations : hard-rock, pop, doom, power Metal, Heavy … Le groupe se montre à la fois moderne et retro, en témoignent, par exemple, la diversité des approches aux claviers (voir "The Ancient Ways" et "Hunters in the Sky" à ce sujet) dont les soli sont parfois impressionnants ("The Forest Chruch"). D’ailleurs, c’est au moment des chorus (de guitare ou de claviers) que le combo s’avère particulièrement excellent, avec de sublimes transitions qui servent de rampe de lancement et des soli eux-mêmes magistraux – on frise la perfection sur celui de "Mountain Throne".

Alors certes, ces comparaisons répétées avec Ghost pourraient rebuter mais en réalité, bien qu’elles soient impossibles à ne pas relever, elles ne font pas de Green Lung un simple ersatz tant la formation s’avère talentueuse et suffisamment inventive pour dessiner son propre univers. Allant de chef-d’œuvre en chef-d’œuvre, Green Lung nous entraîne sur les voies pavées des nations païennes en suivant "The Ancient Ways", un titre aussi épique qu’épais, puis nous emmené dans les  profondeurs inquiétantes du gothique (et parfois doomesque) "One for Sorrow" ou dans la brume mélancolique qui sert d’écrin aux dolmens chanteurs de "Song of the Stones".

Publiée plus de trois mois après la sortie de l’album, notre chronique tardive partage l’enthousiasme de bien d’autres qui se sont multipliées dans la presse et sur la toile, si bien que Green Lung semble bel et bien avoir franchi le cap du troisième opus (on avait promis de ne pas trop évoquer cette théorie) pour s’installer avec force dans le paysage musical. La revanche des païens, en somme.

À écouter : "The Forest Church", "One for Sorrow", "Mountain Throne", "Song of the Stones", "Oceans of Time"