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Critique d'album

N*E*R*D


In Search Of


(12/03/2002 - Virgin - funk rock - hip hop - R'n'B - Genre : Autres)
Produit par

1- Lapdance / 2- Things Are Getting Better / 3- Brain / 4- Provider / 5- Truth Or Dare / 6- Tape You / 7- Run to the Sun / 8- Baby Doll / 9- Am I High / 10- Rock Star / 11- Bobby James / 12- Stay Together
Note de 4/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
""
Maxime, le 10/07/2005
( mots)

Il va bien falloir se résoudre à voir la vérité en face. Que retiendront les futures pages de l'histoire musicale de la première décennie 2000 ? Les crachotements d'un néo-garage déjà asthmatique ou bien l'excellente santé du r'n'b moderne ? Ce Rhythm & Blues aux origines si nobles, qui s'est vu amalgamé dans les nineties à la soul nigaude de Boyz II Men et autres Babyface sans que l'on sache vraiment pourquoi, vit en ce début de millénaire une seconde jeunesse inespérée. Une nouvelle génération de producteurs arrive à maturité, celle qui a vu le hip-hop et l'électro prendre progressivement le relai du rock au sommets de charts, et pond une pop d'un genre inédit, une Motown new look, glossy, sexy et smart, affutée pour alimenter les téléchargements hauts débits et truster les playlists I-Tunes, mais sachant faire rimer ingéniosité avec efficacité. Le rap cesse alors de ressasser l'héritage de Dr. Dre (trois notes de piano samplées ad nauseam) et de Tupac (le chant passé au vocoder) pour s'ébrouer sur des rythmes moites et débridés poussés à incandescence par de puissants alchimistes.

Parmi toute cette clique, nul doute qu'il convient de retenir les noms de Pharrell Williams et de Chad Hugo. Tous deux sont originaires de Virginia Beach, future capitale de la nu-soul qui verra également éclore Timbaland et Missy Elliott avec lesquels les lascars ont squatté quelques bancs durant leur adolescence. Là, entre deux parties de Playstation et une virée sur la plage en BMX chromé, le duo fait la paire, s'assemble sous la bannière The Neptunes et s'attèle à brouiller un peu plus les frontières entre musique noire et blanche. Leur métissage musical est plus affaire d'impitoyable écrémage que d'humanisme niais : ne retenir que le meilleur de chaque genre pour agencer les beats et les pieces sous des assemblages nouveaux. Kraftwerk, Afrika Bambaataa, Buffalo Springfield, Funkadelic, Coltrane, AC/DC et tant d'autres s'entrechoquent dans les éprouvettes de leur laboratoire fou.

Après s'être fait les dents aux côtés de SWV, Wreckx'N Effects et Mase, les compères prennent leur envol à la fin des années 90 lorsqu'ils deviennent les producteurs attitrés de leurs potes Clipse et surtout Kelis, ravissante chanteuse qui montre, armée d'un premier album détonnant (Kaleidoscope), qu'elle en a autant dans la caboche que sous son string pailleté. Les singles "Good Stuff" et "Caught Out There" exhibent à la planète entière la Neptunes touch, alliage irrésistible de beats punchy, de claviers filtrés et de vocalises légères comme une guirlande de dentelles. Très vite, Williams et Hugo tombent dans les petits papiers de tout ce que le gotha américain compte en matière de superstars avides d'un salutaire ravalement de façade. Sous leurs doigts, les prodiges s'accomplissent : Jay-Z étend son règne sur le hip-hop, Busta Rhymes groove comme jamais, Britney Spears flirte aux limites de l'indécence ("I'm A Slave 4 U"), Snoop Dog reconquiert de sa superbe et Justin Timberlake devient soudainement digne d'intérêt.

Les deux surdoués pouvaient se contenter d'accumuler les commandes et de compter tranquillement leurs dollars affalés sur leur canapé, sauf qu'une lubie les taraude depuis des années : former un groupe de chair et d'os, dans la lignée des rock bands des seventies qu'ils admirent tant. Leur rencontre avec Shay Haley (dont on n'a jamais bien compris l'utilité) concrétise leur utopie à l'orée du nouveau millénaire. Ainsi nait N*E*R*D, luxueux side-project leur permettant de passer de l'ombre des studios à la lumière des projecteurs. Si le mot forme un acronyme signifiant No one Ever Really Dies, on retiendra volontiers son sens premier, mettant en valeur la figure du geek binoclard et socialement handicapé qui deviendra l'emblème de la décennie qui s'ouvre, de Matrix à l'hégémonie Facebook. Les machos du hip-hop sont prévenus : ici, on s'attardera plus sur ce que cache le capot que l'ampleur de la carrosserie. Composé en pointillé entre deux séances studio, le premier album paraît en septembre 2001, pratiquement en même temps que le hold-up médiatique des Strokes. Mais le groupe renie aussitôt ce premier jet, car sa production très électronique s'avère trop similaire à celle des Neptunes. La formation power-pop Spymob, un de leurs protégés et future signature de leur label Star Trak, est dépêchée à leurs côtés pour ré-arranger les morceaux. Guitares et batterie font leur incursion et se mettent à jouer au coude-à-coude avec les synthés et les sampleurs, tandis que Pharell et Chad perfectionnent leur pratique des instruments en vue des futures tournées. Délesté de quelques scories (les interludes passent à la trappe) et doté d'un son plus tranchant, le nouveau lifting d'In Search of débarque en mars 2002 et se voit affublé d'une pochette différente en Europe (voir ci-dessus) pour marquer la césure.

On peut assister sur certains recoins de la Toile à quelques menus débats quant aux mérites comparés de ces deux versions. La dernière mouture a notre préférence, sans doute en raison de notre tropisme rock, surtout parce qu'elle pousse dans ses retranchements l'oecuménisme prôné par In Search of, pur manifeste de soul mutante compactant rap, rock, pop, folk, électro, psychédélisme, funk et drum'n'bass en une irrésistible bacchanale. Pas de contrôle au faciès exigé à l'entrée pour rejoindre l'auberge espagnole tenue par ces hybrideurs du troisième type. Les genres et les sonorités se voient dévalisés, soumis à l'autorité impérieuse de la caisse claire qui cogne et suture les grands-écarts les plus risqués. Pulsé par cette rythmique tonique, l'album ne tolère aucune divagation oiseuse, constamment ramené à sa nécessité de faire taper du pied et de déboiter les hanches. Plus hardis que lorsqu'ils coiffent leur casquette de producteurs, les compères alternent les moments de frime et les plages plus introspectives dans un va-et-vient permanent aussi euphorisant qu'éreintant, une science du beat qui fait mouche donnant aux genres sus-cités un sérieux coup de polish. On pointe ici le funk primesautier, légèrement cynique sur les bords, de "Things Are Getting Better", et son rythme libératoire tout en halètements, comme celui du clinquant "Tape You", le psychédélisme tunné façon Pimp My Ride de "Am I High", l'électro lascive et poisseuse de "Truth Or Dare" sur laquelle Kelis minaude comme Salammbô au milieu d'une Carthage en flammes, la techno sans pointe de gras déballée par "Brain" et son refrain lobotomisé chipé au Retour des Morts-Vivants, le hip-hop à la musculature sèche de "Lapdance", strié de riffs effilés. Mais le groupe s'illustre également quand il consent à ralentir la cadence. Le blues synthétique de "Provider", tout comme la soul blafarde de "Bobby James", récit d'un junkie au bout du rouleau, démontrent toute l'étendue du songwriting de Pharrell Williams, chanteur à la gueule d'ange (on peine à croire qu'il a aujourd'hui 38 ans !) et au falsetto de velours.

Les rock stars de cette nouvelle ère qui s'ouvre, comme clamé sur le titre éponyme où les guitares crachent autant que les boites à rythme, ce sont finalement bien eux. Les Converse et les jean slim sont les mêmes que chez le cousin Casablancas, seules une casquette à visière plate et quelques chaines autour du cou se sont substituées au décorum ordinaire. Ce premier coup d'éclat atteste surtout du dépassement des expérimentations menées dans les années 90, dont la fusion, le simple accouplement de deux chapelles supposées s'exclure mutuellement (rock/rap, techno/punk), ne constituait que l'étape intermédiaire. Les genres sont désormais devenus poreux, chacun musarde en se contrefoutant des zones de démarcation, la musique jailli en un flux libertaire qu'aucun dogme ne peut contenir, les étiquettes et les hiérarchies valsent, définitivement obsolètes (au même moment les Transplants font subir au punk une jouissive cure de vidange à base de hip-hop et d'électro). Déclarer en 2002 ne pas aimer le rock ou ne pas aimer le rap n'a tout simplement aucun sens, ce qui se vérifie toujours 10 ans après. Mieux vaut un bon Jay-Z qu'un mauvais White Stripes, tel est le crédo martelé par In Search of. Grisés par cette entrée en matière flamboyante, les sorciers soniques redoubleront d'audace sur son successeur, Fly Or Die (2004), plus foisonnant et du coup un peu moins tubesque que son grand frère. S'ils ont connu une petite baisse de forme au milieu de la décennie (leur troisième opus ainsi que l'effort solo de Pharrel, plutôt décevants) s'expliquant sans doute par l'inévitable sensation de répétition provoquée par leur rythme de production stakhanoviste ainsi que l'arrivée d'une concurrence sans merci (Timbaland, Kanye West, Spank Rock, Danger Mouse), les Neptuniens semblent avoir repris quelques couleurs sur leur récent Nothing. Espérons qu'ils retrouveront un jour le mojo et qu'ils feront à nouveau de culot et inventivité leurs maîtres mots, car tels sont les N*E*R*D de la guerre.

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