Nazareth
Loud 'n' Proud
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1- Go Down Fighting / 2- Not Faking It / 3- Turn On Your Receiver / 4- Teenage Nervous Breakdown / 5- Free Wheeler / 6- This Flight Tonight / 7- Child In The Sun / 8- The Ballad Of Hollis Brown
En 1973, Nazareth est un groupe pressé. Pressé par la vague du succès qui s’est soulevée avec Razamanaz et sur laquelle ses membres comptent bien surfer : le kairos n’est rien s’il n’est pas saisi par l’homme habile capable de sentir le vent du destin. Il faut donc jouer, plus de 70 concerts au Royaume-Uni et une tournée aux États-Unis à l’automne, et composer pour sortir un nouvel opus. D’autant plus qu’ils sont aussi pressés par leurs fans assoiffés de nouveaux morceaux et par leur label qui, comme ses homologues à l’époque, voulait faire pondre la poule, ou plutôt le paon, aux œufs d’or jusqu’à la dernière omelette.
C’est ainsi que sort, à peine six mois après Razamanaz, Loud’n’Proud, au titre manifeste et à la pochette … chatoyante (personnellement j’adore mais le paon est une mascotte originale). Deux albums la même année, c’est loin d’être exceptionnel dans les 1970’s, mais cela reste un exploit dont on mesure aisément les difficultés. Le groupe s’en sort avec une astuce qu’il a reconnu sans trop tergiverser : les compositions originales étaient déjà dans les bagages depuis l’album précédent et l’opus est complété par trois reprises – question covers, Nazareth fut au hard-rock ce que Manfred Mann’s Earth Band fut au rock progressif.
Commençons par les reprises. L’influence américaine se fait sentir à travers la version musclée du boogie-rock "Teenage Nervous Breakdown" de Little Feat (Sailin’ Shoes, 1972), mais c’est "This Flight Tonight" de Joni Mitchell (Blue, 1971) qui s’avéra être un choix réellement pertinent. Entre les deux interprétations, c’est le jour et la nuit puisque Nazareth sature à outrance un titre assez folk : le succès est immédiat, immense, si bien qu’Heart s’en rappela quand il fallut mettre au monde le hit "Barracuda" (Little Queen, 1977). Enfin, l’album se termine par une très longue conclusion avec les neuf minutes de "Ballad of Hollis Brown" de Bob Dylan (The Times They Are a-Changin’, 1964). La country-folk narrative cède la place à un mid-tempo acide et proche de Black Sabbath, presque space-rock par moment (Hawkwind n’aurait pas rejeté toute la seconde partie) : actuellement, on qualifiera cela de stoner psychédélique, et c’est vraiment brillant.
Du côté des compositions originales, il devient vite flagrant que la gestation était intervenue au même moment que Razamanaz tant Loud’n’Proud fait figure de petit frère. Leur boogie-rock classique et braillard ouvre l’opus avec "Go Down Fighting" dont les couplets évoquent parfois d’autres Ecossais (devenus Australiens) qui s’apprêtaient à lancer leur carrière. Le groupe s’amuse à circuler entre les différentes facettes du hard-rock direct et accessible : "Not Faking It" est aussi énervé qu’il peut évoquer les 1960’s, "Turn on Your Deceiver" a des côtés pub-rock et "Free Wheeler" séduit par son minimalisme glam-rock et sa rythmique latine. Enfin, on mesure à quel point le timbre éraillé de McCafferty peut faire des miracles sur "Child in the Sun", un très beau slow aux chœurs US auquel les Guns N’ Roses doivent peut-être beaucoup (?).
Couplé gagnant pour Nazareth en cette année 1973 qui parvient à briller avec deux très bons albums. Reste cette pochette pré-NWOBHM dont on retrouvera une réminiscence (sûrement accidentelle) chez Opeth en 2016 (Sorceress), nouvelle preuve d’un album dont on retrouve des traces inattendues (et sûrement extrapolées) dans l’histoire du rock.
À écouter : "Ballad of Hollis Brown", "Go Down Fighting", "Child in the Sun"