New York Dolls
New York Dolls
Produit par Todd Rundgren
1- Personality Crisis / 2- Looking for a Kiss / 3- Vietnamese Baby / 4- Lonely Planet Boy / 5- Frankenstein / 6- Thrash / 7- Bad Girl / 8- Subway Train / 9- Pills / 10- Private World / 11- Jet Boy
Il n’est pas chose aisée de retranscrire l’impact du phénomène New York Dolls en 1972-74 au sein du paysage musical d’alors. Le grand public n’a d’yeux que pour le Hard-Rock chevelu, Emerson, Lake and Palmer et autres tâcherons du Prog se prenant pour Mozart réincarné. Tous ces demi-dieux au melon surdimensionné sur le devant de la scène, loin des projecteurs, un ramassis de petites gouapes, issu de la fange new yorkaise, ont une illumination : faire dégringoler le Rock de sa "putain" de Tour d’ivoire pour le ramener dans la rue et lui flanquer un bonne décharge d’adrénaline pour retrouver cette innocence et cette transgression inhérents au Rock’n’Roll des origines.
Les New York Dolls se forment en 1971 et se font la main, dans un premier temps, sur des classiques du Rhythm'n'Blues des sixties. Plutôt classique comme démarrage. Saut que leur leader, David Johansen, nourrit une véritable fascination pour le "Théâtre du ridicule", avant-garde théâtrale décadente où toutes les excentricités sont permises, voire encouragées, point de ralliement de travelos et marginaux en tout genre. Ces influences scéniques digérées, les Dolls ne vont pas hésiter à s’attifer comme des drag queens de pacotille, boas déplumés et maquillage outrancier en sus, insultant et agressant un public d'anti-conformistes aux anges. Bientôt le bruit court en ville qu’une bande de grandes folles atomise la concurrence avec un rock direct et sexy - Bye-bye les solos à rallonge ! - . Devant l’ampleur du phénomène, leur manager Marty Thau les expédie illico en Angleterre ( sans singles ni album sous le bras, habitués aux beuglants de "Big Apple") pour jouer en première partie des Faces devant plus de 10 000 personnes ! La presse anglaise, en pleine hystérie Bowie/ T-Rex, se prend une claque monumentale face à l’agression sonore des Dolls. C’est l’un des premiers cas avérés de hype rock qui fera florès par la suite. Sans leur batteur Billy Murcia resté sur le carreau ( remplacé par le brillant Jerry Nolan), le groupe rentre au bercail pour se pencher sur l’épineuse question de la maison de disques. Malgré tout ce battage autour des Dolls, les compagnies rechignent à les engager. Trop travestis, trop grossiers, trop toxicos… L’amoralité assumée des Dolls effraie bon nombre de prétendants. Finalement, Mercury Records prend son courage à deux mains et décide de miser sur eux.
Afin de canaliser et de retranscrire au mieux la fougue du gang sur disque, Mercury engage l’immense Todd Rundgren à la production. Génie multi-instrumentiste et visionnaire, alors en pleine explosion créative (il vient de publier son chef d'œuvre Something/Anything ? et vient de produire coup sur coup Badfinger et les Sparks), Rundgren possède l’aura nécessaire pour mater ces petites frappes, bataillant avec Thunders sur l’accordage de sa Gibson Junior, et va conférer à New York Dolls, un son taille Panzer à même de rouler sur l’auditeur. Le mix du sorcier du son flatte avantageusement la batterie nucléaire de Jerry Nolan et la créature bicéphale Johansen-Thunders, ersatz lubrique (à tous points de vue) du tandem Jagger-Richards. La six-cordes tronçonneuse de Thunders invente, l’air de rien, la guitare Punk . Abrasive, rentre-dedans, bordélique, Rundgren a clairement identifié son jeu novateur. "Looking for a Kiss", "Bad Girl" ou "Jet Boy" sont autant de fulgurantes démonstrations de son savoir-faire, qui allait prémâcher le travail pour le Sex Pistols Steve Jones . L’attitude scénique des Dolls, ainsi que leur attirail vestimentaire, sera également une influence énorme pour toute la scène Hair Metal eighties type Motley Crüe, Poison et tous ces glandus androgynes en pantalon spandex moule-paquets. En ces années Glam, les Dolls incarnaient le circus Rock ultime. Comment résister à cet ouragan de luxure et fiesta permanente ? Les Dolls n’en oubliaient pas moins de se faire le porte-parole de leur époque, de traduire le trouble adolescent sexuel de leur génération ("Personality Crisis"). Malgré tout, la guerre du Vietnam est dans toutes les têtes. La fuzz menaçante de "Vietnamese Baby" débarque en force pour nous le rappeler. Le capharnaüm bruitiste de batterie martiale et des guitares au napalm réduit nos frêles espoirs à néant. Ballade obligatoire de l’album, "Lonely Planet Boy" révèle une facette insoupçonnée du groupe, renouant avec la tradition typiquement new yorkaise de la pop léchée du Brill Building. Oui les Dolls, contrairement aux punks, assumaient clairement leurs influences : Pop sixties, Girls group, Rythm’N’Blues seront d’ailleurs au menu de leur second album. L’irrésistible rouleau compresseur final ("Jet Boy") laissait présager un avenir radieux pour le groupe.
Mais comme le suggère le deuxième album (“Too much too soon”), le groupe doit supporter une énorme pression qui va lentement carboniser le groupe. Un second album décevant, Thunders et Nolan flirtent dangereusement avec la “ligne” blanche… Et pour couronner le tout, le farfadet malicieux Malcolm McLaren débarque pour les manager. En plein délire situationniste, il décide de politiser le groupe. Lors d’une catastrophique tournée en Floride, Les Dolls apparaissent sur scène vêtus d’uniformes rouge sur fond de drapeaux rouges ornées du marteau et de la faucille ! Il n’en fallait pas plus pour faire imploser un groupe à l’agonie. New York Dolls, Sex Pistols… Un beau CV pour McLaren, le fossoyeur du Punk. Les Dolls reviendront néanmoins aux affaires dans les années 2000 avec Johansen et Sylvain à la barre.