Saxon
Carpe Diem
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1- Carpe Diem (Seize the Day)
Alors qu’on célèbre les cinquante ans d’Argus, chef-d’œuvre de Wishbone Ash, Saxon revisite sur la pochette de son nouvel album le mythe du soldat casqué regardant vers l’horizon, ici un légionnaire romain sur le Mur d’Hadrien. Il faut dire que Wishbone Ash fut un groupe très influent pour la NWOBHM et que les membres de Saxon ont toujours assumé leur amour pour la formation (voir l'hommage à "Throw Down the Sword" sur l'album solo de Byford, Shool of Hard Knocks).
La référence historique peut également évoquer la "Militia Guard", très bon titre présent sur leur premier album, et plus généralement le tropisme du groupe pour les thématiques historiques qui parcourent leur œuvre depuis 1979. On est donc sur un chemin balisé, ce que rappelle l’introduction épique et riche en percussions introduisant un premier morceau puissant et classique du Saxon des dernières décennies ("Carpe Diem (Seize the Day)"). Une ouverture calibrée telle que le propose le groupe depuis … Unleash the Beast (1997), qui demeure un excellent moyen pour placer l'auditeur dans les meilleures conditions.
Ce premier titre annonce un album plus direct, qui, malgré la production très moderne et agressive (Andy Sneap est toujours aussi brillant à ce poste), laisse penser à un résultat plus proche de la composition des années 1980 que du tournant Power-Metal des derniers opus. C’est propre, efficace, suffisamment épique sur les refrains pour emporter l’adhésion et les musiciens sont fidèles à eux-mêmes : incisifs à la guitare et glorieux au chant (Biff Byford est, malgré le temps qui passe, toujours aussi incroyable).
Un album plus direct donc, qui aligne les titres rentre-dedans : "Age of Steam" qui embrasse la thématique des trains (cf "Princess of the Night"), "All For One" du côté des mousquetaires (les membres de Raven apprécieraient), "Black Is The Night" … A ce jeu, Saxon aurait pu perdre en subtilité en délaissant les fioritures qui enrichissaient ses titres jusqu’alors, mais la plupart des morceaux parviennent toujours à surprendre, notamment grâce à des pont en forme de ruptures lors de soli qui apportent une tournure épique : c'est la structure de "Supernova", "Age of Steam" ou "Black Is the Night". Plus encore, le très efficace "Dambusters", est particulièrement réussi grâce au travail sur les riffs, les ruptures rythmiques lors du solo et les twin-guitars. En outre, "The Pilgrimage", tous claviers sortis et solo aux notes tenues, offre un moment épique dans la veine d’un "Crusader", sans en atteindre l’intensité.
Carpe Diem donne parfois la sensation qu’il y a eu un recyclage, peut-être involontaire, de certains plans issus des derniers albums : le riff de "Queen of Heart" (Battering Ram, 2015) sur "Lady in Grey" (un très bon morceau), "They Played Rock’n’Roll" (Thunderbolt, 2018) sur le Motörheadien "Living on the Limit", le refrain de "Speed Merchants" (ibidem) sur "Dambusters" … Néanmoins, après plusieurs écoutes et un peu de recul, il me semble que ces parallèles soient le prix à payer pour un telle productivité et une telle carrière, et que ces titres possèdent tout de même quelques particularités et bonnes idées les rendant tout à fait acceptables si ce n’est très bons.
On ne peut qu’être respectueux d’un groupe qui, au bout de vingt-quatre albums, continue de proposer du matériel original soigneusement composé, dont on sait qu’il ne sera pas qu’un prétexte pour une nouvelle tournée fondée sur les vieilles gloires, puisqu’il est déjà certain que de nombreux titres issus de ce nouvel opus trouveront leur place sur scène. Revisiter l’histoire à leur côté demeure un plaisir incomparable, surtout quand celle-ci a pour bande-son un Heavy Metal énergique, à la fois moderne (dans la production) et enraciné, mis en œuvre par des musiciens talentueux - Biff Byford, plus grande icône du Heavy, en tête. On attend déjà le suivant.
A écouter : "Carpe Diem (Seize the Day)", "The Pilgrimage", "Dambusters", "Lady in Grey"