Seasick Steve
Love & Peace
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Bon an, mal an, contre vents et marées, notre vieux bluesman complètement roots – j’ai nommé Seasick Steve - poursuit sa carrière "d’homme d’un autre temps" entre blues, rock et folk américaine. Une capsule temporelle faite de guitares trafiquées et personnalisées, de sons un peu garages et d’une désuétude aussi attachante que délicieusement surannée. Un style musical qui fait de Seasick Steve une sorte de quatrième mousquetaire des ZZ Top (surtout depuis La Futura qui sonne comme notre surfer), la barbe aidant à la comparaison. Un style qui est également aussi peu casse-gueule qu’il peut tourner en rond en proposant, d’album en album, les mêmes ritournelles entendues des dizaines de fois. Car le blues-rock, c’est très bien, c’est même rarement mauvais, mais c’est rarement original ou au moins rafraîchissant.
Sauf que Seasick Steve, contrairement à ce que peuvent dire certains critiques et malgré le titre de l’album qui renvoie à son passé hippie, est un musicien qui sait se renouveler. Love & Peace nous le prouve et dégage une fraicheur aussi simple qu’estivale, parfaitement adaptée à son contexte – caniculaire - de sortie.
"Love & Peace" est à la fois très rock et structurellement bluesy, avec un groove imparable favorisé par les cordes étouffées et son final en onomatopées. C’est un titre qui possède une véritable fougue et une jeunesse insoupçonnée ; jouvence qu’on retrouve sur "Clock is Running" que de nombreux groupes relativement récents n’auraient pas renié. Sommet de l’album "Church of Me" associe les deux faces du personnage : une première partie en picking très roots aux accents country, et une seconde avec des grosse saturations, le tout articulé par une superbe transition qui fait monter la sauce. Un morceau où Seasick Steve donne de sa personne à la guitare comme au chant (il n’hésite pas à pousser son organe), ainsi que dans un clip promotionnel où il dance d’une façon déroutante avec autodérision.
Au-delà de ces pièces musclées, on trouve pléthore de titres blues plus classiques. Ils sont parfois très bons : le lourd "Regular Man" et son harmonica hurlant – solo époustouflant –, "Toes in the Mud" rodé comme une horloge, le mélancolique "I Will Do for You" … Mais ils sont aussi plus convenus : le folk "Carni Days", le minimaliste "Mercy" … En fait, toute la seconde partie de l’album est beaucoup moins enthousiasmante et inventive, le manque d’inspiration aurait pu être contrebalancée par le retrait d’une ou deux pistes. Rien de grave, mais des longueurs.
Si vous n’avez pas encore entendu "Love & Peace" ou "Church of Me", vous n’avez sûrement pas encore trouvé le tube de l’été 2020. Quelque chose de simple, d’accrocheur, de mémorisable, c’est bien ce qu’il faut pour ce genre de morceau non ? Pourquoi cela devrait-il forcément être mauvais ? Pour rétablir le tir, on peut évangéliser les radios avec Seasick Steve … au risque de prêcher dans le désert. Mais un désert californien, dans lequel résonnent les notes vibrantes de la rencontre des cordes et du bottleneck …
A écouter : "Love & Peace", "Church of Me", "Clock is Running"