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Critique d'album

The Jesus and Mary Chain


Damage And Joy


(24/03/2017 - ADA / Warner - Noisy pop - Genre : Rock)
Produit par Youth

1- Amputation / 2- War on Peace / 3- All Things Pass / 4- Always Sad / 5- Songs for a Secret / 6- The Two of Us / 7- Los Feliz (Blues and Greens) / 8- Mood Rider / 9- Presidici (Et Chapaquiditch) / 10- Get on Home / 11- Facing Up to the Facts / 12- Simian Split / 13- Black and Blues / 14- Can't Stop the Rock
Note de 4/5
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Note de 3.0/5 pour cet album
"Les frères Reid séduisent encore vingt ans plus tard, même sans se fouler"
Nicolas, le 22/01/2018
( mots)

Les frères Reid sont des salopards. S’il est parfois grisant de voir revenir de vieilles gloires d’antan et de jouir une nouvelle fois de leur talent par le biais de compositions inédites égalant voire surpassant parfois leurs plus hauts faits d’armes, d’autres groupes ne suscitent pas forcément autant d’attente ou de désir. The Jesus and Mary Chain est de ceux-là, bien qu’on ne pourra nier aux frères Reid une importance considérable dans l’histoire du rock grâce à un Psychocandy inaugural qui aura totalement révolutionné le mouvement alternatif mondial et ouvert la voie aux délires bruitistes et bondés de feedback du shoegaze. Oui mais justement, cette couleur musicale était-elle vraiment voulue ou à l’inverse a-t-elle été le fruit du hasard, ou pire, de l’opportunisme ?


Les frères Reid sont des salopards, réexaminons un peu l’histoire du JAMC pour nous en persuader. Début des 80’s honnies, Jim et William Reid aiment les Stooges, les Ramones et le Velvet Underground, mais également - car ils ne sont pas à un paradoxe prêt - les Beach Boys et Phil Spector. Du coup ils veulent faire du rock qui envoie du bruit et de la mélodie en même temps, sauf que leurs premières réalisations, trop convenues, ne séduisent pas. Personne ne les passe à la radio, personne ne les invite à jouer dans sa salle de concert. Alors ils forcent le trait, font tout pour attirer l’attention et pour se démarquer. Leur rock n’est pas assez bruitiste ? Qu’à cela ne tienne, ils surenchérissent dans les larsens plus ou moins corrosifs et n’hésitent pas à bastonner le public à coup de pied de micro. Alors que la mayonnaise commence à prendre (“Upside Down”), le duo jouit du renfort de Bobby “Primal Scream” Gillepsie qui les épaule à la batterie (jouant debout, sur deux caisses) et se fait fort de créer le buzz avant même que l’expression existe. Les concerts se montrent minimalistes, bouclés en 10-15 minutes, sans un mot pour le public et parfois joués dos à la foule, conclus par une destruction méthodique de leur matériel et suscitant souvent des émeutes. Des salopards, qu’on vous dit, et ça tombe bien, l’Angleterre d’alors raffole des salopards en tous genres, Sex Pistols, Beastie Boys, plus tard Guns N’ Roses. Forcément, le JAMC interpelle, et Psychocandy, manifeste bruitiste aussi barré qu’indolent, se voit gratifié d’une réception dithyrambique, sans doute à raison. Or dès lors que les spotlights sont braqués sur eux, Jim et William Reid ne sont plus obligés de forcer le trait. De fait, The Jesus and Mary Chain devient d’un seul coup d’un seul beaucoup plus policé sur le plan sonore et beaucoup plus consensuel dans sa délivrance sur album et sur scène, aspect qui ne changera plus au cours des décennies futures. Opportunisme ? Le procès semble fondé, en tout cas.


Les frères Reid sont des salopards, et en plus des salopards qui ne peuvent pas se saquer. À côté, les frangins Gallaghers, c’est de la gnognotte. Pensez quand même que le JAMC s’est séparé après une pitoyable prestation au House of Blues de Los Angeles en 1998, ponctuée d’une prise de bec d’un quart d’heure sur scène entre les deux frangins rivaux, alors même que leur dernier album en date, Munki, a été enregistré sans que les Reid ne soient présents une seule fois dans la même pièce. Dès lors, Jim et William ne se sont quasiment plus adressé la parole et ont poursuivi une très anecdotique carrière solo ou apparentée - qui se souvient de Lazycame ou de Freeheat ? Pour autant, ils ont continué à composer soit pour leur pomme, soit pour leur sœur, la non moins tête de pioche Linda Reid aka Sister Vanillia. Au fil des années - presque deux décennies -, une certaine quantité de matériel s’est ainsi vue accumulée. Alors pourquoi ne pas oser la reformation ? Pourquoi ne pas de nouveau tourner, enregistrer un album et engranger encore un peu plus de blé ? Jim et William ne peuvent toujours pas s’encadrer, ils ne se parlent pour ainsi dire toujours pas ou seulement le strict minimum, mais en quoi serait-ce un frein à un baroud d’honneur ? Il n’en fallait donc pas moins pour que le JAMC ressuscite - avec les obscurs Brian Young à la batterie, Scott Von Ryper en second guitariste et Mark Crozer à la basse - et que ce Damage and Joy, ni plus ni moins qu’une compil’ des émoluments solo respectifs des frères Reid, voie le jour. Sauf que c’est Isobel Campbell - l’ex-égérie de Mark Lanegan -, Sky Ferreira et Linda Vox qui remplacent la traditionnelle Hope Sandoval dans le rôle du pendant féminin de Jim durant les 90’s.


Les frères Reid sont des salopards. Pourquoi diable s’enquiquiner à changer une formule en roue libre ? Jim chante toujours comme s’il n’en avait rien à foutre - ce qui est d’ailleurs probablement le cas -, les guitares crissent toujours gentiment - rien à voir avec certains titres quasi-inaudibles de Psychocandy -, l’alt-rock des écossais recycle toujours mélodies glandeuses et riffs poil à gratter. Et leurs paroles sont toujours aussi savoureuses. Morceau choisi du truculent “Amputation” : “Fucked up girls like drugged up guys / That won't keep him warm at night / It's just like a grape in a bottle / It's wine today but piss tomorrow”. Homosexualité, drogue, sexe, provocation, on ne s’ennuie jamais à décortiquer les textes du JAMC, jusqu’à trouver la perle que même Noel Gallagher n’aurait pas osée écrire : “I hate my brother, and he hates me / That’s the way it’s supposed to be” (“Facing Up To The Facts”). À la lumière de tout ce qui précède, vous aurez compris que Damage and Joy n’a rien du chef d’œuvre que d’ailleurs absolument personne n’attendait. On se retrouve ainsi avec une sympathique collection de titres indolents, pleins de morgue et de stupre, dépressifs et désabusés, déclamés de la voix toujours aussi traînante et nasillarde de Jim Reid, mais qui savent toujours faire montre d’une séduisante pertinence mélodique. Certainement pas raté et encore moins médiocre, ce septième album confirme un talent de songwriting inné quoique probablement pas exploité avec toute la rigueur du monde. Tout paraît facile, un peu trop pour être honnête. Ainsi le séminal “Get On Home” qui revisite un rock n’ roll ultra-classique à l’aune de la perversité écossaise, transformant une matière rebattue en un fleuron alternatif délicieusement acide mais qu’on jurerait pour autant capable de mieux. On trouve tout de même de très bonnes choses sur cette galette, comme le trompeur “War On Peace” (ce titre, je vous jure) qui débute dans le marasme pour s’achever avec fougue, l’introductif “Amputation” qui saisit par son riff évident et rentre dedans, ou “Facing Up To The Facts” là encore tonique et irrévérencieux. Dans l’épure, notamment en s’associant à une muse, les frères Reid savent se montrer convainquant, touchant notre corde sensible avec leurs love songs de loosers (“Always Sad”, “The Two Of Us”), et alors qu’ils balançaient un cinglant “I Hate Rock N’ Roll” sur Murki, les voilà qui se fendent d’un “Can’t Stop The Rock” assez émouvant quelque part, preuve sans doute qu’on n’a pas fini de voir traîner ces salopards sur les scènes. N’empêche qu’il faudrait quand même qu’ils essaient d’écrémer leurs futurs disques d’une matière par trop dispensable - globalement le cœur du disque qui s’écoute autant qu’il ne s’écoute pas, en particulier “Loz Feliz” et “Mood Rider”, anecdotiques sans être indigents. Et puis quatorze titres, c’est trop.


Les frères Reid sont des salopards, mais quelque part, on est bien content de voir revenir The Jesus and Mary Chain, ne serait-ce qu’au regard de l’influence considérable qu’ils ont exercée, sans doute à leur corps défendant et par le plus grand des hasards, sur l’ensemble de la scène alternative mondiale. Rendez-vous est pris pour la Route du Rock, et allez, soyons magnanimes, également pour un futur album studio. Un peu plus réfléchi cette fois-ci ? Bah, advienne que pourra.

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