ZZ Top
La Futura
Produit par Rick Rubin
1- I Gotsta Get Paid / 2- Chartreuse / 3- Consumption / 4- Over You / 5- Heartache in Blue / 6- I Don't Wanna Lose, Lose, You / 7- Flyin' High / 8- It's Too Easy Mañana / 9- Big Shiny Nine / 10- Have a Little Mercy
Jugement sévère mais plutôt objectif : jusqu’en 2012, ZZ Top n’avait rien sorti de réellement intéressant depuis Eliminator (1983), leur tournant hard-rock rutilant et légèrement FM, qui leur avait permis de connaître un succès international tout en les incitant à prendre les plis les plus dommageables de cette évolution (avec Afterburner, ils deviennent de plus en plus FM, synthés et guitares à poils en guise de bande son et visuelle). Par la suite, ils reprirent les sentiers plus sobres mais moins honteux du blues-rock, sans témoigner de l’inspiration qu’ils avaient pu avoir dans les 1970’s : les albums se succèdent avec pour seul mérite de maintenir la machine en marche et d’être un prétexte à tourner ; le fond musical, sans être mauvais, était loin d’être inoubliable.
Quand arrive La Futura, près de dix ans après leur dernier opus en date Mescalero (2003), qui se veut, d’après ses auteurs, être un pont entre le passé, ses racines blues-rock, et l’avenir – ou au moins, le temps présent. Pari risqué s’il en est, surtout si l’on vous dit qu’il s’agit par exemple de mêler un blues rugueux à la scansion du rap US … Car c’est exactement ce qu’offre l’album en ouverture avec "I Gotsa Get Paid" … Et contre toute attente, la combinaison fonctionne à merveille, le titre étant l’un des meilleurs sortis par le groupe depuis des décennies au point de devenir un nouvel incontournable des prestations live, alors qu’aucune nouvelle composition n’était apparue dans les setlists classiques du combo depuis longtemps. C’est exactement le sort qui fut également réservé à son successeur, "Chartreuse" (la prononciation texane vaut de l’or), blues-rock classique aussi efficace qu’il sonne tel du "déjà-entendu". Mais comme pour l’élixir en question dans les paroles, c’est un plaisir qui ne se boude pas.
Il faut avouer qu’avec ces deux titres, on tient le meilleur de l’album, auxquels il faudrait ajouter le très sympathique "Consumption", à la fois crado et moderne dans sa production, et enrichit d’une très bonne idée dans les multiples coupures qui scandent parfaitement le titre et ne cessent de surprendre.
Pour autant, l’ensemble se tient sans fausse note, que ce soit le slow "Over You", le dansant "Have a Little Mercy", "Heartache in blues", un blues-rock parfois auto-parodique (les "aw aw aw") que Seasick Steve aurait pu composer, le hard-rock proche d’Eliminator (sans les synthés) "I Don’t Wanna Lose Lose You" qui démontre le bon sens de soliste de Gibbons. A la limite, on pourrait souligner un manque de souffle sur la fin de l’album, entre l’aguicheur et très ricain "Flyin’ High", le slow "It’s Too Easy Mañana", le convenu "Big Shiny Nine". Quoiqu’il en soit, ce qui, au-delà de l’écriture inspirée, est véritablement appréciable sur cet opus, c’est la réussite de leur volonté d’hybrider les aspects traditionnels à une démarche plus en phase avec l’air du temps, au profit d’un blues-rock légèrement garage et poussiéreux produit et écrit avec un sens de la modernité. Un son faussement authentique qui ne trompe personne autant qu’il fait mouche, qu’on retrouvait déjà dans bon nombre de formations plus récentes voulant sonner roots – les Black Keys en tête dans leurs titres les plus bluesy.
La Futura aura donc constitué une belle surprise pour les amateurs de ZZ Top, le groupe renouant enfin avec la muse pour proposer un album inspiré. Cela faisait bien longtemps qu’ils n’avaient pas fait montre d’un tel talent, et suscités un engouement non feint parmi les fidèles. Risquant d’être l’ultime opus du combo, il fera un testament honorable.
A écouter : "I Gotsa Get Paid", "Chartreuse", "Consumption"