ZZ Top
Tres Hombres
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1- Waiting for the bus / 2- Jesus just left Chicago / 3- Beer drinkers & hell raisers / 4- Master of sparks / 5- Hot, blues and righteous / 6- Move me on down the line / 7- Precious and grace / 8- La Grange / 9- Shiek / 10- Have you heard?
Depuis deux ans, le blues-rock connaissait une révolution texane mais le monde l’ignorait, à l’exception de quelques mélomanes attentifs et du public local. Puis, en 1973, sortit Tres Hombres, un Fort Alamo inversé puisque le Texas emporte cette fois la victoire, sorte de revanche non sur le Mexique mais sur le monde entier. Trois hommes seulement – Billy Gibbons, Dusty Hill, Frank Beard, les instruments bien plus aiguisées que ne le sont leurs barbes (seul Hill la porte longue à l’époque), allaient permettre ce tournant historique, et plus encore, un tournant dans la carrière du groupe.
Désormais, nul n’ignore ZZ Top.
La seconde révolution texane a un hymne, au nom étrange de "La Grange" (il s’agirait d’un hommage à un lupanar) et aux accords éculés, plusieurs fois entendus dans le répertoire blues au point de leur valoir un procès en plagiat (sur "Boogie Chillen" de John Lee Hooker, ce fut un échec). Rien d’original dans ce riff, tout suinte le blues et la penta avec une belle dose de saturation amenée par étapes, dans une construction similaire à "Brown Sugar", mais c’est peut-être cela qui en fit un succès immédiat et pérenne. Cinquante ans plus tard, les trois premières notes suffisent encore à reconnaître "La Grange", bien au-delà des limites du seul public rock, et les "aw aw aw aw" de Gibbons demeurent mythiques … Même les tubes d’Eliminator n’arrivèrent pas à détrôner son statut emblématique.
Hélas, il en va souvent ainsi des titres écoutés des centaines de fois et réentendus à la moindre occasion, on finit par s’en lasser, fussent-ils excellents. Conséquence positive, cela permet de savourer avec d’autant plus d’acuité les autres perles de l’opus, notamment le combo (accidentel) "Waitin’ for the Bus" / "Jesus Just Left Chicago", ouverture d’album phénoménale qui passe du blues chaloupé sensuel et hésitant au slow spirituel, dans lequel les plans de guitare canoniques du blues sont tous magnifiés.
Dans la suite de Rio Grande Mud, leur blues gagne en saturation, comme sur le rugueux "Precious and Grace" (le solo est magistral) ou sur le superbe "Beer Drinkers & Hell Raisers" où le riff comme le solo sont joués avec une touche hard-rock, sans compter la belle démonstration de chant en duo. Ainsi, le groupe quitte parfois les sentiers du blues-rock pour se diriger vers un rock direct et efficace ("Move Me on Down the Line"), ou plus surprenant, sur "Masters of Sparks", il va mêler à la fois des réminiscences de "The Green Manalishi" (Fleetwood Mac) et des sonorités qui posent une ambiance fumeuse et éthérée – le titre pose les bases de Tejas. ZZ Top sait désormais surprendre, diversifier, varier les plaisirs, offrir à l’auditeur attendri un slow académique ("Hot, Blue and Righteous") puis un "Sheik" rythmé, lascif, presque funk, pour enfin conclure sur un blues on ne peut plus classique ("Have You Heard ?"). Et à chaque fois bien sûr, le résultat est digne du plus grand respect, tant chaque variation stylistique est parfaitement acclimatée à leur identité musicale.
Il faut répéter que ZZ Top, c’est loin de n’être que "La Grange" ... le reste. Une simple modification de la ponctuation serait bienvenue : "La Grange" … Et le reste ?! Car sur l’album qui comporte ce titre mythique, on trouve une collection incroyable de morceaux permettant de défendre un répertoire bien plus riche que la postérité pourrait le laisser penser, mais également de quoi qualifier leur troisième album de "meilleur opus" du groupe voire, de l’histoire du blues-rock.
A écouter : "Waitin’ for the Bus", "Jesus Just Left Chicago", "La Grange", "Sheik"