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Interview de Half Moon Run: Rencontre avec la nouvelle coqueluche Pop Rock canadienne


Clément, le 24/12/2019

En voilà un groupe fascinant. Consciemment ou non, difficile de passer à côté du quatuor canadien dont le tubesque "Full Circle" a été repris dans beaucoup de médias, du cinéma au monde vidéoludique (Assassin's Creed IV développé par Ubisoft). Seulement, depuis leur premier album Dark Eyes, le groupe a fait du chemin. Sun Leads Me On présentait déjà une atmosphère plus chiadée et un univers plus complexe mis à l'honneur dans le film Démolition de Jean-Marc Vallée. Aujourd'hui, nous découvrons A Blemish In The Great Light. Leur 3ème opus et sans doute l'un des albums les plus intéressants de l'année. Rencontre avec Devon (Chant) et Dylan (Batterie, Claviers) pour plonger dans les coulisses de Half Moon Run.


Albumrock: Pourquoi tant d’attente pour ce nouvel album?


Devon: C’est drôle que tu dises ça parce que pour nous ça n’a pas été si long que ça. On a tourné pendant plus d’un an après Sun Leads Me On, ensuite nous avons pris le temps d’écrire de nouvelles choses tout en continuant de faire des concerts à droite et à gauche pendant la saison des festivals par exemple, ou quelques concerts secrets pour tester de nouvelles choses, ensuite il fallait trouver un producteur et le temps que l’on enregistre l’album ça faisait déjà 3 ans et demi et le temps qu’il sorte ça en faisait déjà 4!


Dylan: Nous sommes arrivés en studio avec beaucoup plus de morceaux que pour les précédents albums. Ce qui nous a donné la possibilité de choisir ce que l’on voulait voir sur l’album.


Devon: Nous avions environ 40 morceaux prêts lorsque nous sommes arrivés en studio et nous en avons enregistré une vingtaine. Et de tout ça, 10 nous ont vraiment convaincu. C’est assez excitant de se dire « Quelle chanson allons-nous faire aujourd’hui? ». Puis une fois enregistré, tu te rends compte rapidement si le morceau va fonctionner ou non. Même si tu es toujours excité à l’idée de l’enregistrer au début.


Comment avez-vous ressenti les attentes autour de cet album? Car pour les fans qui ont vu peu de temps entre le 1er et le 2nd album, 4 ans ce n’est pas passé si vite que ça. 

Devon: Il y a toujours cette période où tout le monde te dit (imite une voix de fan excité) « Quand est-ce que ça arrive? » et puis avec le temps ça s’essouffle un peu. 

Aviez-vous peur de ne plus avoir quelqu’un pour accueillir l’album?


Devon: Non, pas du tout. Je ne peux pas ajouter ce critère à ma façon de penser parce que ce serait toxique. Ca me ferait prendre des décisions irrationnelles. Il y a des groupes contemporains que nous connaissons, et je ne les nommerai pas, qui sont tombés dans le piège d’accélérer le processus de création pour sortir un nouvel album pendant un pic de notoriété. Leur carrière s’est bien passée et tant mieux pour eux, mais ça a été vraiment dur je pense. 

Dylan: Je ne comprends pas comment ça peut être humainement possible. 

Devon: On a vraiment essayé d’aller vite mais on ne veut pas se tuer à la tâche. Je pense qu’il y a malheureusement une certaine culture d’idolâtrie de ces personnes qui s’auto-détruisent dans cette industrie. Jimi Hendrix, Janis Joplin, Kurt Cobain etc. Des personnes qui se sont tuées à la tâche et ont créé des dépendances à certaines substances qui les ont tuées. Je ne veux pas qu’on soit comme ça.


Comment compareriez-vous A Blemish In The Great Light aux précédents albums?


 Devon: Il y a cette histoire que j’aime bien raconter. J’étais dans un centre commercial et il y avait cette musique de fond qui se jouait (imite la musique). Puis d’un coup ça s’est arrêté. Et quand j’ai tendu l’oreille je me suis rendu compte que ça ne s’était pas arrêté mais que c’était notre chanson qui se jouait. Une chanson de Sun Leads Me On. Et ça m’a donné envie de faire une musique plus présente qui se distingue un peu plus à l’écoute. L’album a été un travail de groupe mais ça c’était vraiment mon intention personnelle.


 Tu t’écris des notes sur tes frustrations des précédents albums avant de travailler sur le suivant?


 Devon: Tu es un peu obligé de le faire je pense. C’est un processus sans fin. Et puis il y a parfois des choses surprenantes qui ressortent lorsque tu tentes d’explorer là où tu n’es pas allé.


Dylan: Il n’y a jamais vraiment eu une vraie bonne façon de faire un album mais je peux t’assurer qu’il y a un paquet de mauvaises façons (rires). Donc tu es un peu obligé de passer par plusieurs d’entre elles. 


J’ai découvert votre musique avec l’album Dark Eyes et le morceau « Full Circle » alors que Sun Leads Me On était déjà sorti. J’ai rapidement été impressionné par la structure des morceaux, et notamment à la batterie, où chaque frappe avait l’air d’être pensée individuellement pour coller parfaitement avec le reste. Est-ce un biais de ma part ou est-ce qu’il y a ce processus très intellectuel dans votre démarche de création?


 Devon: L’une des critiques que je pourrais faire à mon propre groupe c’est que c’est tellement intellectualisé et dans le détail… parfois nous devons consciemment faire l’effort de se concentrer sur le feeling général du morceau et se séparer de ce perfectionnisme et cette attention au moindre détail. C’est drôle que tu soulignes ça et je pense que c’est parfaitement justifié.


 Dylan: Il y a ce sentiment pour chaque chanson de se dire « Je vais trouver la partition de batterie parfaite pour cette chanson ». Et même « Ici il y aura le break parfait, et là il y aura le crescendo parfait » alors que parfois il faut conscientiser le fait que jouer au feeling pourra avoir meilleur allure à la fin. De mon point de vue il y avait beaucoup plus de liberté à ce niveau sur le dernier album.


Devon: Si ça peut te donner une idée, j’ai un enregistreur Tascam sur lequel l’une de nos chansons y est enregistrée 125 fois. Jusqu’à ce que l’on trouve la bonne version. Pour « Favourite Boy », la version qui est sur l’album est la 4ème version enregistrée de la chanson. Nous avions 4 versions finies et prêtes à être sorties. Arrivés à cette 4ème version nous nous sommes dits « Si cette version ne fonctionne pas, je pense qu'elle ira à la poubelle » parce qu’émotionnellement ça devient très fatiguant. 


Comment se passe ton process d’écriture Devon? Où trouves-tu l’inspiration? Est-ce que ce sont des histoires que tu as vécu, de ton entourage?

 Devon: Un peu de tout ça en fait. Je pense que le langage humain est assez limité pour exprimer les nuances d’émotions que tu peux avoir. Je pense que c’est le rôle de l’écriture de danser autour des émotions jusqu’à ce qu’un autre humain puisse se dire « Oh, je connais cette émotion spécifique ». Donc j’imagine que c’est mon expérience personnelle, ce que je lis, ce dont on parle avec le groupe car on parle beaucoup… Tu connais l’adage qui dit « Tu es ce que tu manges » ? Je pense que c’est vrai aussi pour la musique. Que tu es ce que tu consommes comme contenu autour de toi. Je sens que mon écriture est impactée et que ce sera différent si je lis des actualités négatives et que l’on a des conversations difficiles avec le groupe, ou si je lis du Leonard Cohen et des textes boudhistes.


As-tu déjà été en mesure de prendre ce recul sur l’une de tes chansons et identifier les différentes influences?

 Devon: Hum… Je pourrais si on choisit une chanson en particulier… Ce serait un peu dur de le faire pour « Favourite Boy »…

Pourquoi pas « Razorblade »?

 Devon: Oui. « Razorblade » serait à propos de la crise migratoire. Il y a un couplet en particulier inspiré de ça… C’est quel passage déjà…

 Dylan: « Paradise  beyond… » quelque chose.

 Devon: C’est ça! « Paradise beyond the paywall. People dying to get in. People outside stacking bodies at the gates to get a glimpse. » Tout ça c’est à propos de la crise migratoire qui était à son pic lorsque je l’ai écris. Tu sais, tous ces gens en Afrique qui tentent de rejoindre l’Europe. Et tout ce qu’on trouvait dans la presse à ce propos m’avait marqué. J’ai essayé de me mettre à leur place en écrivant ça. Et ce n’est qu’un couplet. Ensuite je dirais que le 3ème couplet était davantage influencé par l’affaire Harvey Weinstein qui a lancé tout le mouvement #metoo. Et puis pour l’outro, j’étais dans ma loge et j’allais me coucher. C’était très calme… Et je me souviens que j’entendais ce petit son car j’avais des acouphènes (imite le son des acouphènes). J’avais entendu que si tu te relaxais dans un environnement très calme ça permettait de réparer tes tympans d’une certaine façon. C’était si calme… (continue d’imiter la scène). Et puis il y a eu ce coup de tonnerre incroyable (crie et imite le son de l’orage). C’était tellement fort!

 Dylan, AR: (rires)

 Devon: On était paniqué. Je crois avoir vu un truc touché par l’éclair et prendre feu. Et c’est ce qu’on a essayé de retranscrire dans cette partie explosive à la fin de « Razorblade ». 

 


Quel est votre morceau préféré dans l’album et pourquoi?


 Devon: J’aime beaucoup « New Truth ».


 Dylan: Moi aussi.


 Devon: C’est venu tellement naturellement. Je n’ai pas beaucoup de connaissances en théorie musicale mais les gars étaient sortis fumer une clope et moi je continuais à jouer de la guitare tout seul. Et lorsqu’ils sont revenus ils m’ont dit: « Eh, tu joues dans une différente signature rythmique ». 


 Dylan: Oui je me souviens de ça!


 Devon: D’une certaine manière j’avais un peu oublié comment jouer le morceau et je n’avais pas réalisé que j’avais changé. C’était une signature rythmique très étrange, le 5-4. Ca a donné ce quelque chose en plus au morceau, quelque chose de chaleureux comme une couverture ou un bain chaud.


 Dylan: Ensuite on s’est mis a jammer sur cet air pendant vraiment longtemps. C’était même avant que le concept de « New Truth » vienne. Je me souviens que tu es venu un jour en disant « OK les gars, l’idée de ce morceau c’est qu’il n’y a pas de vérité en dehors de LA nouvelle vérité ». Ma réaction c’était genre… «  Wow. C’est intense. » (rires). Je trouve que c’est une superbe chanson, je suis très content de ce qu’on a obtenu en studio avec les choeurs d’enfants… C’est quelque part à la limite même de la question « Est-ce qu’on parle d’espoir ou de désespoir? » tu sais? Ca me donne des frissons à chaque fois et je pense que ça fait partie des plus belles paroles que Devon ait jamais écrites.



Etait-ce une évidence pour vous de fermer l’album avec ce morceau?

 Devon: Il y a eu un débat entre celle-ci et « Razorblade ». Mais finalement c’est plutôt Dylan qui a géré l’ordre des morceaux pour cet album. Et même pour chaque album. Et je lui fais entièrement confiance.

 Dylan: C’était un travail d’équipe.

 Devon: C’est un peu comme un puzzle de décider de l’ordre des morceaux car il suffit de bouger un morceau pour tout changer dans l’équilibre du disque. 


Je voulais vous parler du film « Demolition » de Jean-Marc Vallée. Il y a eu moins 4 ou 5 de vos morceaux dans ce film. Quelle est l’histoire derrière ça?

 Devon: On travaillait avec quelqu’un qui le connaissait bien (J-M Vallée) et qui avait fait la connexion. On lui a envoyé les enregistrements de Sun Leads Me On avant la sortie de l’album et sa réaction était du genre « La vache! Cette première chanson, « Warmest Regards », c’est comme si vous aviez déjà vu le film et écrit la chanson à son sujet! ». Et puis on a vu le film et on s’est rendu compte de ça, c’était dingue. Il nous a invité chez lui et nous a montré le premier montage, c’était génial.

 Dylan: On avait aucune idée du sujet du film.

 Devon: Il nous a invité et nous a demandé notre avis sur plusieurs éléments. Ajouter des cordes ici et là, l’ambiance du film… C’était une super expérience et c’est quelqu’un de vraiment talentueux.

 Dylan: C’était un vrai honneur aussi parce qu’il aime vraiment la musique dans son processus de création. Il a fait une playlist de différents morceaux et il l’a envoyée à tous les acteurs en disant « Ce sera l’ambiance du film. Ces chansons ne seront peut-être pas dedans mais écoutez-les et ça vous mettra dans l’état d’esprit du film ». Et nous rendre compte qu’il avait mis dans cette playlist des morceaux de notre premier album, avant que l’on se rencontre, ça nous a vraiment touché. Il aimait déjà beaucoup ce que l’on faisait.


Merci à Dylan et Devon pour cet échange d'une authenticité rare ainsi qu'à Ephelide pour l'organisation de cette interview.

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