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Critique d'album

Bad Company


Bad Company


(26/06/1974 - Swan Song - Blues Rock, Hard Rock - Genre : Rock)
Produit par

1- Can't Get Enough / 2- Rock Steady / 3- Ready For Love / 4- Don't Let Me Down / 5- Bad Company / 6- The Way I Choose / 7- Movin' On / 8- Seagull
Note de 5/5
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Note de 5.0/5 pour cet album
"Le premier chant du cygne"
François, le 14/01/2024
( mots)

La plus grande supercherie du rock est d’avoir bénéficié d’une image subversive, alors qu’au-delà d’une révolte adolescente ne valant même pas une révolution au petit pied, le genre musical est immédiatement rentré dans le rang. On se moque de la naïveté des hippies et de l’esprit des années 1968, mais c’est sûrement le seul moment où le rock a pu incarner des idéaux révolutionnaires et mettre en place des pratiques réellement subversives du point de vue économique. Le reste du temps, sa transgression n’est qu’un pied de nez générationnel dont le fondement emprunte au registre de la consommation, de la surconsommation même – d’alcool, de drogue, de sexe et de voitures.


Comme le dirait si bien Daniel, notre chroniqueur belge favori : "Où l’on se rend compte que le vers était dans le fruit". Ou plutôt, que le capital était là dès l’origine du rock’n’roll. Alors ne soyons pas dupe des volontés des petits labels, comme Chess et surtout Sun, qui étaient avant tout intéressés par la manne que pouvaient constituer les musiques noires une fois interprétées par des blancs. C’est pourquoi Elvis n’est rien d’autre qu’un produit, pas plus glorieux que les pop-stars des années 1980-2000, et ses provocations, plus affligeantes que dangereuses, n’étaient en réalité transgressives que pour les seuls esprits puritains. L’ère post-McCarthy nécessitait qu’on lâche la bride, mais en ne laissant qu’un peu de jeu. De toute façon, les majors ont vite récupéré le magot : dès 1956, le King est intronisé chez RCA. Plus tard, Richard Branson, aussi impressionnant de toupet soit-il, n’était rien d’autre qu’un arriviste qui comptait faire des lingots d’or avec de la contreculture : il revenait à Faust (le groupe) de signer un pacte avec le diable. Et que dire du mouvement punk, et notamment des Sex Pistols, qui continuent de faire croire à leur petite révolution, alors qu’ils ont été montés de toute pièce par un entrepreneur au nez fin, Malcolm McLaren. Quant à leurs comportements subversifs, il n’y avait pas de quoi faire trembler un Tory un peu conséquent.


Dans cette histoire, les musiciens n’y sont souvent pour rien : ils sont là pour jouer et comptent gagner leur croute, ignares ou désintéressés des enjeux matériels si bien qu’ils finissent par être aussi bien la poule aux œufs d’or que le dindon de la farce. Alors certains choisissent la voie de l’émancipation comme Led Zeppelin qui, en 1973, décide couper les ponts avec Atlantic et de voler de ses propres ailes, aidé par son manager Peter Grant qui prend l’année suivante la tête de Swan Song Records. Certes, n’est pas Led Zeppelin qui veut et le prix de la liberté nécessite peut-être d’avoir les moyens de le payer.


En 1974, Swan Song réalise un coup de maître en signant Bad Company, dont le premier album (sans titre) devient également la première production du label. Pour qui a conscience de ce que représentait Free au Royaume-Uni au début des 1970’s, cette première pièce intégrant l’écurie est en effet un coup de maître, puisqu’on y trouve deux membres du groupe à peine séparé, l’excellent chanteur Paul Rodgers et le batteur Simon Kirke. Ils sont accompagnés par Mick Ralphs à la guitare, ex-Mott the Hoople et par le bassiste Boz Burrell ayant, entre autre, fait ses armes chez King Crimson : on peut donc parler d'un supergroupe, dont le talent combiné permet à ce premier ouvrage de confiner à l’excellence. C'est tout sauf une "Bad Company" en somme, comme le chante Rodgers au cours des refrains musclés de cet excellent titre éponyme, dont l’intensité des couplets au piano est renforcée par le contraste avec la montée en puissance de la guitare.


Parangon du soft-rock anglais, Bad Company emprunte aux États-Unis le groove et la classe pour en offrir une interprétation magistrale : c’est le riffing imparable de "Can’t Get Enough", la soul irrésistible de "Don’t Let Me Know", le folk americana de "Seagull", la sensualité de "The Way I Choose" et de l’excellent "Ready for Love", que Ralphs avait emporté dans ses valises en quittant Mott the Hoople. Cette identité musicale transatlantique était déjà une caractéristique de Free et la flamme de ce groupe brûle encore dans des compositions comme "Rock Steady" ou "Movin’ On". Bien sûr, le chant caractéristique de Rodgers renforce ce parallèle, et qui osera dire désormais, même parmi les aficionados de Mercury déçus par son passage chez Queen, qu’il n'est pas l'’un des meilleurs vocalistes de l’histoire du rock ?


En adoubant Bad Company, Led Zeppelin venait de produire un chef-d’œuvre capable de leur faire de l’ombre, qui plus est sur leur propre terrain de jeu. Est-ce pour cela qu’ils lancèrent officiellement le label au mois d’octobre 1974 en célébrant la sortie de Silk Torpedo des Pretty Things et non cet opus des ex-Free ? Quant à l’indépendance vis-à-vis du pouvoir économique, Swan Song Records n’est qu’une bataille au sein d’une guerre de David contre Goliath qui se poursuivit à la fin de la décennie (Fast Product en 1977, Factory et Mute en 1978) et continue de nos jours. Cause perdue peut-être, mais on en cause toujours.


À écouter : "Can’t Get Enough", "Ready for Love", "Bad Company"

Commentaires
Sebastien, le 15/01/2024 à 13:35
McLaren a bien présenté Matlock à Steve Jones et Paul Cook, en revanche il me semble que c'est plus compliqué pour Johnny Rotten puisque McLaren n'en voulait pas au départ. Je ne nie pas le rôle de McLaren dans le groupe, comme celui de Bernie Rhodes avec The Clash, en revanche je pense que dire qu'il a "monté de toute pièce les Sex Pistols", comme le raconte la légende noire du groupe, c'est trop lui faire d'honneurs. Par ailleurs, ce n'est pas la première fois ni la dernière dans l'histoire du rock qu'un producteur a joué un rôle dans le développement d'une formation. Enfin, si les Sex Pistols ont bien sûr joué de leur image et surfé sur le mouvement punk, il est difficile de les désigner comme des "suiveurs", puisqu'ils font bien partie des pionniers britanniques du style, avec The Damned et The Clash, formés bien avant que l'on sache que le punk rock va avoir un tel impact. De la même façon, je suis un peu chagriné avec la vision du rock originel des années 50 : des blancs faisant de la musique de noirs, c'était déjà très subversif dans l'Amérique profondément raciste et conservatrice de l'époque. Enfin, pour ce qui est du développement du rock FM, je citerais égarement le 1er Boston sorti en 76.
DanielAR, le 15/01/2024 à 12:21
C'est bien Malcolm McLaren qui a présenté les musiciens les uns aux autres et a conseillé au duo d'origine d'engager Glen Matlock puis Johnny Rotten. Il ne faut pas non plus oublier le rôle absolument essentiel de la magnifique Vivienne Westwood qui a créé de toutes pièces l'esthétisme punk originel (et original). En ce qui concerne Bad Company, cet album est une parfaite pierre angulaire. Il a inspiré Foreigner puis toute la vague de fond du hard FM américain. Il est difficile d'imaginer à quoi aurait pu ressembler le paysage rock musclé FM de la fin des seventies et début des eighties s'il n'y avait pas eu Bad Company. Un désert ? Peut-être bien...
FrancoisAR, le 15/01/2024 à 08:09
Hello @Sebastien, comme toujours, merci beaucoup pour ton retour. Je rebondis sur ta remarque. Tu donnes une version de l'histoire très généreuse avec les membres des Sex Pistols. McLaren a un rôle important dans la composition du groupe (certains membres n'en seraient pas s'il n'avait pas été là, et il est difficile de faire de The Strand une V1 des Sex Pistols) et tout le dispositif ayant permis l'essor du combo provient de ses efforts (pas seulement la campagne médiatique) : mon interprétation (contestable bien sûr) est que le groupe est un produit de McLaren.
Sébastien , le 14/01/2024 à 16:29
Très bon article, par contre les Sex Pistols n'ont pas été montés par Malcolm McLaren, comme indiqué. La plupart des membres du groupes étaient déjà unis à partir de 71-72 et c'est McLaren, flairant le bon coup, qui a récupéré le groupe par la suite, en multipliant les rumeurs le mettant en avant.