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Critique d'album

Camel


Camel


(00/02/1973 - MCA - Progressif Symphonique - Genre : Rock)
Produit par

1- Slow Yourself Down / 2- Mystic Queen / 3- Six Ate / 4- Separation / 5- Never Let Go / 6- Curiosity / 7- Arubaluba
Note de 4/5
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Note de 4.5/5 pour cet album
"Progression vers le rêve"
François, le 21/01/2023
( mots)

Tous les débats sur l’art se confrontent à un ultime problème, ou plutôt à une question originelle, la subjectivité du jugement esthétique. On peut multiplier les critères et justifier leur pertinence – originalité, technicité, nouveauté, postérité, popularité …, le goût échappe toujours à l’analyse froide du chercheur en quête d’une règle fixe et éclairante. Il échappe aussi à celui qui qui "subit" ses propres goûts, ne comprenant pas pourquoi il ne parvient pas à pénétrer l’œuvre d’un artiste pourtant incontournable (Bowie pour ma part, entre autres …) ou pourquoi il se met à apprécier honteusement un titre que tout mélomane jugerait indigne de la moindre écoute.


Il est sûr que se reposer sur des critères établis est rassurant : aimer Machine Head, Close to the Edge ou Led Zeppelin IV est aisé à concevoir, tant ces œuvres sont presqu’unanimement considérées comme parfaites ; s’émerveiller face au Krautrock, malgré son caractère expérimental, sera compris par tous, même par ceux qui détestent, tant ce courant a été innovant et important dans la postérité. Mais cela ne fonctionne que sur un nombre limité d’albums.


C’est ainsi que je me demande souvent pourquoi le premier album de Camel a eu un tel effet sur moi, car bien qu’il ne soit jamais considéré comme mauvais, il est presque toujours estimé comme étant une simple introduction à l’œuvre grandiose du groupe, préfigurant Mirage (1974) ou Music Inspired by the Snow Goose (1975) sans en atteindre la qualité. Ce que par ailleurs, je suis absolument prêt à admettre … Pour autant, quelque chose s’est passé avec Camel, un je-ne-sais-quoi qui m’apporte un sentiment incommensurable de plaisir, de légèreté, d’absolu …


Formé en 1972 sur les cendres de The Brew, Camel naquit de la rencontre de ses membres avec Peter Barden, ex-Them ayant également eu une petite carrière soliste (le combo se nomma d'ailleurs de façon éphémère Peter Barden’s On). Avec un premier album en 1973 et une reconnaissance à partir du milieu des années 1970, Camel fait partie de la seconde vague progressive, celle qui succède à la mise en retrait de nombreux grands noms à partir de 1974 et du renouvellement de la scène qui intervient au même moment. En effet, après 1974, King Crimson est à l’arrêt, ELP travaille sur ses archives, les musiciens de Yes se concentrent sur leurs carrières solo, Jethro Tull abandonne le rock progressif petit-à-petit, Genesis perd en inspiration à mesure que ses membres quittent le navire … C’est ainsi que Camel a pu devenir la formation emblématique de la deuxième partie de la décennie, tant son esthétique s’avérait aussi particulière qu’attachante, et ses albums d’une qualité inattendue.


Le premier argument qu’on puisse donner à Camel en tant que grand album est qu’il comporte déjà bien plus qu’en germe l’ensemble des caractéristiques esthétiques du groupe, tout est déjà en place et remarquablement bien agencé. Ainsi, l’association du jazz et du rock progressif s’entend dès "Slow Yourself and Down", titre d’ouverture qui nous plonge in medias res dans l’opus, la rythmique tamisée et les soli de claviers étant du côté jazzy, tandis que les ponts ou les refrains trouvent la mélodicité et la grandiloquence du rock progressif, sans parler du solo de guitare enflammé qui finit par communier avec le chant dans un ultime passage sublime. Sauf que, la place du jazz dans leur musique n’entraîne que très rarement le groupe dans des secteurs expérimentaux ou rugueux, académiques ou seulement techniques : Camel a à voir avec l’univers du rêve, et ne peut s’embarrasser de tels oripeaux. Cette élégance onirique est particulièrement bien déployée sur "Curiosity", une perle largement oubliée au sein de leur répertoire, où la douceur déborde de chaque instrument et de chaque ligne mélodique.


Les liens avec l’Ecole de Canterbury sont souvent soulignés par la participation de Richard Sinclair sur Rain Dances (1977). En réalité, nous pouvons avancer des liens esthétiques et une inspiration trouvée de ce côté-là de l’Angleterre, et ce sans risquer le jugement téléologique. La volonté d’associer le jazz au rock et les relents pop, légèrement flegmatiques – so british - s’agissant du chant, pourraient être suffisants pour lancer une comparaison avec Caravan notamment, mais encore avec Khan et son Space Shanty qui semblait devancer l’esthétique camelienne, en témoigne l’instrumental jazz-prog' "Six Ate". Ecoutez aussi le son des claviers, à l’image du solo de "Curiosity" ou de "Arubaluba", qui adoptent les couleurs et l’agressivité canterburyennes.


Mais Camel sait se montrer entreprenant et offre un album très varié, adoptant par exemple un registre heavy-prog’ sur "Separation", aussi court qu’efficace, et plus encore sur "Arubaluba" dont les traits de guitare resteront à jamais gravés dans votre mémoire.


Si Camel est effectivement un grand album, c’est aussi parce qu’il comporte des premières ébauches de tubes. D’abord l’incontournable "Never Let Go" et ses arpèges mémorables, qui culmine lors de sa première digression instrumentale aux claviers puis lors de son final endiablé laissant la place à une guitare radieuse. Ensuite le doux "Mystic Queen", renouant avec le flottement des rêveries progressives, dont le solo de guitare à la mélodie envoutante exprime au mieux la patte de Latimer. Deux titres devenus avec le temps des moments très attendus des prestations scéniques.


Les mots demeurent bien faibles pour évoquer l’intensité du charme de cet album, les frissons qu’il me procure à chaque écoute, l’envie irrépressible de l’écouter quand l’appel de la volupté du repos mélomane se fait ressentir. Mais ils auront peut-être incité à la découverte, voire à la redécouverte sous un prisme nouveau, l’occasion pour d’autres d’effectuer ce voyage onirique aux côtés d’un de plus grands groupes de l’histoire du rock progressif.


A écouter : "Curiosity", "Never Let Go", "Mystic Queen"

Commentaires
SpiritOfSummer, le 22/01/2023 à 12:26
‘Never Let Go’ est sûrement mon morceau préféré du groupe, devant ‘Ice’ et ‘The Snow Goose’…
DjangoNero, le 21/01/2023 à 16:44
Entièrement d'accord, un album souvent honteusement passé sous silence alors que je l'ai personnellement jugé comme un des meilleurs de son auteur. Merci de le réhabiliter à sa juste valeur. Au tour de the Answer de Peter Bardens, maintenant ? Histoire de bien faire comprendre que, non, Camel, ce n'est pas que Latimer.
FrancoisAR, le 21/01/2023 à 10:49
Merci beaucoup @Spirit !
SpiritOfSummer, le 21/01/2023 à 09:10
Excellente chronique pour un excellent album !!!