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Critique d'album

Genesis


Nursery Cryme


(12/11/1971 - Charisma - Rock progressif / pop rock - Genre : Rock)
Produit par John Anthony

1- The Musical Box / 2- For Absent Friends / 3- The Return of the Giant Hogweed / 4- Seven Stones / 5- Harold The Barrel / 6- Harlequin / 7- The Fountain Of Salmacis
Note de 4.5/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"Genesis trouve sa formation optimale et signe un chef-d'œuvre"
François, le 10/04/2021
( mots)

Nursery Cryme, c’est un peu l’In Rock ou le Fragile de Genesis. En effet, comme pour Deep Purple en 1970 et Yes en 1971, le groupe trouve enfin sa formation historique, culte, celle qu’on considère comme étant la plus créative et brillante. Entendez par-là l’arrivée de Phil Collins à la batterie (et parfois, au chant) et de Steve Hackett à la guitare. Avant d’enregistrer leur troisième opus, la nouvelle version du groupe avait pu apprendre à se connaître, à jouer ensemble, afin de gagner une belle coordination, une capacité de composition hors-pair, et de se permettre de nouvelles expérimentations (notamment l’usage du Mellotron). 


Comme Gentle Giant qui piège les esprits tordus sur Acquiring the Taste avec sa pochette de prime abord très osée (non, non, ce ne sont pas des fesses qui sont léchées, mais il faut déplier la l’ensemble pour le savoir), Genesis tient à contraster le sérieux et l’ambition musicale du rock progressif avec une pochette teintée d’humour noir. On y voit une femme jouant au croquet avec des têtes humaines qui parsèment le terrain de jeu : référence à "The Musical Box", racontant la décapitation d’Henry par sa dulcinée Cynthia, puis sa résurrection en vieillard via la boîte à musique et finalement son assassinat par la nourrice qui interrompt le vieux faune tenté par un acte peu consenti. Le sordide de la situation est largement compensé par des couleurs chatoyantes et un protagoniste flegmatique : chose d’autant plus subversive que titre détourne par un jeu de mots les comptines enfantines (nursery rhyme). De toute façon, on navigue facilement, sur fond victorien, dans l’absurde anglais très sarcastique sur cet album ("Harold the Barrel" sur le suicide, ou encore l’invasion – historique – de l’Angleterre depuis la Russie par une plante, la "giant hogweed" ou Heracleum mantegazzianum). 


L’expérience progressive est avant tout une histoire de dépaysement, une invitation au voyage musical. Celui-ci est toujours une aventure, il peut être semé d’embuches, de passages scabreux couverts de ronces abruptes et hérissées, nous interdisant toute zone de confort et nous imposant des efforts faramineux pour parvenir à destination. Mais il peut également s’avérer onirique et langoureux, non sans anicroche ni épopée, mais plus pastoral et féérique. Genesis est un guide vers ces sentiers plus lumineux : c’est dans les vagues du progressif symphonique qu’il vous entraîne et vous emporte. Assis sur le rebord de "The Fountain of Salmacis", vous croisez le mythe grec d’Hermaphrodite après une introduction olympienne jouant sur les volumes pour surprendre et enrober la légende d’une ambiance lyrique. Le conteur dialogue avec les musiciens, aède des temps modernes sans lyre, même dans une partie central beaucoup plus rythmée, jusqu’aux quelques notes typiquement hackettienne qui vaporisent les derniers instants de la nymphe lubrique.  


Si nous commençons par cette sublime conclusion, c’est à la fois pour sa qualité de synthèse de l’esprit et du son genesiens – on goûte ici la substantifique moelle du groupe - et pour qu’elle ne soit pas masquée par les autres fresques tout aussi brillantes de l’opus. En effet, "The Musical Box" qui inaugure Nursery Cryme est le titre phare de l’album, un morceau incontournable si bien qu’il a donné son nom au tribute-band le plus fameux de Genesis. Il faut dire que la pièce de dix minutes est une petite merveille, pleine de surprises, d’une construction irréprochable. Les débuts doucereux, aux arpèges cristallins accompagnant un chant optimal, la variété des sons qui offrent des tapisseries auditives denses, font la force du titre ; le jeu aussi doux, mélodique que précis d’Hackett contraste avec ses rugosités électriques. Ecoutez le passage dans les basses et l’arrivée de la flûte, puis la longue montée en tension jusqu’au duel entre la guitare saturée et claviers magistral, qui dépasse même l’intensité d’un "Child In Time", pour un chorus d’Hackett qui signe ici aussi bien son manifeste de virtuose dans la technique que d’alchimiste dans les sons. Après une nouvelle accalmie, la seconde scène meurtrière (puisqu’il s’agit bien de ça, les phases calmes devant être du côté de l’amour, les plus énervées de la mort) renoue avec la folie. Après cela, il fallait bien un tortueux "The Return of the Giant Hogweed" aussi gorgé de swing (quel sens du rythme) qu’il reprend des thématiques classicisantes associées à des sons analogiques. Le défilé instrumental de la seconde partie, grandiloquent, est une autre démonstration fastueuse. 


Mais ce n’est pas tout, car si ces longs titres sont évidemment le cœur de Nursery Cryme, ce qu’il faut en retenir, les pierres saillantes, Genesis offre également des morceaux moins ambitieux, plus courts, mais très agréables. On peut ainsi entendre Phil Collins chanter - avec un timbre si proche de celui de Gabriel que s’en est troublant - sur le très court et léger "For Absent Friends". Le sautillant et plein d’humour "Harold the Barrel" préfigure Electric Light Orchestra tandis que le mélancolique "Seven Stone" est d’une puissance introspective magnifique, enrichie de très beaux chœurs. Seul "Harlequin" est plus anecdotique.


Nursery Cryme est donc davantage que l’album qui met en place Genesis dans sa forme optimale : c’est un petit chef-d’œuvre qui ouvre une nouvelle porte du rock progressif. C’est pour avoir inventé cette esthétique que le groupe trône parmi les grands du genre : preuve en est de son influence immédiate, au Royaume-Uni comme en Europe (notamment en France et en Italie) puis dans le temps long (Camel puis toute la scène néo-progressive, dans un premier temps).   

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