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Black Sabbath : origines et descendance(s) du rock heavy


Nicolas, le 24/06/2013

Les rejetons légitimes : 18 albums qui puisent leur inspiration à la source du Sabbath

S'il y a bien une ligne directrice à ce dossier, c'est l'idée que le heavy metal hérité de la NWOBHM, de Judas Priest, d'Iron Maiden et de Metallica, ne colporte pas l'idéal sabbathien comme il le devrait. Se réclamer d'un héritage ne donne pas automatiquement le droit d'y souscrire et d'en récolter les fruits, et c'est pourtant ce qui s'est passé. Tandis que les hair métalleux en spandex, les glameurs et les thrasheux, les blackeurs et les deathistes ont draîné à eux tout ou presque du public avide de rock plombé à la disto, d'autres formations ont tâché de se construire dans l'ombre, à l'écart des déviances habituelles du milieu, et de se forger un style et une discographie faisant honneur au Sabbath de la grande époque. Il n'est jamais trop tard pour faire machine arrière.


Pentagram - s/t (AKA Relentless)
1985

Il existe des jusqu’au-boutistes pour considérer doctement que le rock est mort lorsqu’Elvis est entré au service militaire, voire avec le décès de Buddy Holly. On entendra fuser le même type de jugement définitif parmi les franges les plus extrémistes du heavy metal, martelant depuis leurs caves que l’affaire est entendue depuis que Ozzy a délaissé ses comparses pour aller s’ébattre en solo. Dans le genre, Bobby Liebling et ses sbires font encore mieux. Pour eux, la coupe est déjà pleine dès Sabbath Bloody Sabbath. Aussi n’attendent-ils pas que les claviers se pointent dans l’orchestre du Sab’ pour reprendre les choses là ou le Vol. 4 les avaient laissées, lançant l’épopée doom dès le début des seventies. Fragilisé par d’incessants changements de line-up et d’houleuses relations avec les maisons de disque, Pentagram subit quinze années de purgatoire avant d’exhumer son premier album et devra encore attendre une décennie avant de rencontrer une réelle reconnaissance. Qu’importe, véritable mouton noir au sein d’une planète metal alors dominée par Iron Maiden, Def Leppard et consorts, le groupe arbore la foi inébranlable des fondamentalistes les plus bornés. Longs cheveux crêpés, pattes d’eph, riffs gutturaux, rythmique de plomb, chant possédé, tout est rigoureusement pratiqué selon le dogme sabbathien. Mort aux shredders, sus aux castaphiores de la NWOBHM et haro sur le spandex fluo, la branche réac déboule, et elle n’est pas contente.
Maxime


Candlemass - Epicus, Doomicus, Metallicus
10 juin 1986

L’un des premiers véritables album de doom, qui donne d‘ailleurs son nom au genre. Je reconnais avoir été quelque peu effrayé par les premières notes de clavier à l’entrée du disque mais ils sont relativement rares et le son lui même n’a pas si mal vieilli que ça pour un disque mid-eighties. On retrouve dans Epicus, Doomicus, Metallicus - décidément, quel titre - les formules sismiques qui ont fait la grâce de Black Sabbath: guitares en avant, riffs fédérateurs, et chant envolé avec cependant quelques touches plus personnelles. On a ici affaire à un doom épique moins poisseux qui ce qui va suivre dans les décennies suivantes mais déjà plus lourd que ce que les maîtres revendiqués ont posé dans les seventies. Certains d’entre vous seront peut être déroutés par les vocalises parfois très heavy du chanteur Joan Langquist mais elle n’entachent en rien la qualité sinistre et dépressive de ce premier effort et manifeste suédois de 1986.
Geoffroy



The Obsessed - s/t
1990

Impossible de parler des héritiers directs du Sab’ sans évoquer la figure de Scott Weinrich, Wino pour les intimes. Un gaillard comme on n’en fait plus, taillé dans la même écorce revêche qu’un Lemmy Kilmister. Visage buriné, caractère de cochon, fumeur invétéré de marijuana (il cultive chez lui des plants de plus de deux mètres), le bonhomme est une véritable légende du heavy metal underground. Ecoeuré par la tournure auto-parodique que commence à prendre le hard rock en ce milieu des seventies, il fonde The Obsessed sur les cendres de sa première formation (War Horse) posant, aux côtés de Pentagram, les premières pierres (tombales) de l’épopée doom, bien décidé à ramener les brebis égarées dans le droit chemin. Le groupe connaissant une trajectoire aussi erratique que celle de ses collègues de Virginie, il faut attendre le début des années 90 pour que sorte finalement une collection d’anciens titres rassemblés en guise de premier long format. Puisant ses riffs dans la fonderie démoniaque de Tony Iommi, Wino garde cependant salutairement à l’esprit que son terrible modèle était également dopé par une section rythmique d’enfer, d’où son jeu finalement assez personnel oscillant entre soli vicieux et brusques volées des guitares d’airain, sans cesse contrebalancées par une certaine énergie quand tant de doomsters se complairont ensuite dans les tempos apathiques et les élans progressifs lourdauds. Cela fait presque 40 ans que cette figure à la fois centrale et solitaire du genre défend l’idée d’un rock âpre, enfumé et mal luné, formant, rejoignant et dissolvant avec la même ardeur bougonneuse une tripotée de combos cultes (Saint Vitus, Spirit Caravan, The Hidden Hand, Place Of Skulls, Shrinebuilder), jusqu’à un disque solo fort recommandable sorti en 2009. S’il ne doit en rester qu’un, ce sera lui.
Maxime


Cathedral - Forest Of Equilibrium
6 décembre 1991

Passé le côté sophistiqué de l’intro de "Picture Of Beauty & Innocence" et ses jolis arrangements quasi tirés du rock progressif, Forest Of Eqilibrium sombre très vite dans les méandres guitaristiques chers à Tony Iommy et ses riffs à la lourdeur sabbatiques, cordes sales et vibrantes sur lesquels viennent se poser les plaintes et lamentations gutturales de Lee Dorrian, ex- Napalm Death peu emballé par la direction que prenait à l’époque le combo de Birmingham - tiens, tiens…

Rythmiques primitives, production volontairement crasse, boueuse et massive, Forest Of Equilibrium est un disque apathique, halluciné et sauvagement anachronique qui sort en cette année sacrée de 1991 et fait partie de ceux qui laisseront les amateurs de metal pantois face à ce choix de lenteur là où le seul mot d’ordre était été de jouer vite, vite et encore plus vite. Il est considéré comme l’un des piliers fondateurs à la fois du doom et du stoner.

Lee Dorrian est également le fondateur du label Rise Above Records, responsable des méfaits de la génération suivante, Electric Wizard et Orange Goblin en tête.
Geoffroy


Sheavy - The Electric Sleep
mars 1998

Ce combo canadien doit sa renommée acquise dans les galeries souterraines du heavy rock à la ressemblante troublante qu’entretient le chant de Steve Hennessey avec celui de Ozzy Osbourne. Sheavy est effectivement tracté par cette espèce de voix de gargouille plaintive typique des premiers enregistrements du gang de Birmingham, toutefois amputée du grain de folie déjanté du screamer parano. Pour s’être enquillé une palanquée de formations ayant pour seul projet de refaire du Black Sabbath revu et corrigé ad nauseam, on reste formel : les petits gars de Toronto écrasent la concurrence dans ce domaine. Pas surprenant que Lee Dorrian, prompt à signer tout ce qui lui rappelle le Sab’ de près ou de loin, se soit empressé de les intégrer dans le giron de son label Rise Above dès ce deuxième album souvent décrit comme leur meilleur. Le groupe se réduit-il pour autant à cette proximité somme toute anecdotique ? Oui et non. Oui, car il ne brille pas véritablement par son originalité. Non, parce qu’il est loin d’être un copiste borné. On imagine que le talent mimétique de son vocaliste représente presque une malédiction pour ces cousins du Grand Nord, tant ils fuient le rigorisme old-school d’un Witchcraft comme la vision mortuaire du doom.

Né sous le blase Green Machine, le collectif fourbit ses premières armes en reprenant, comme son premier nom l’indique, du Kyuss et c’est dans le sillage d’un stoner plutôt canonique, riche en guitares velues et en influences seventies généreusement boostées aux hormones, que Sheavy s’ébat depuis le milieu des années 90. Sans retrouver le groove mégalithique de l’ogre de Palm Desert (mais peu de ses disciples y sont parvenus), les Canadiens s’affranchissent des exercices inhérents au genre avec une efficacité redoutable, que ce soient dans les mid-tempos gras ("Born In A Daze", "Destiny’s Rainbow"), les embardées bluesy ("Electric Sleep"), les fragrances sudistes ("Automaton"), les ballades roots ("Velvet") comme dans les longues échappées cosmiques ("Stardust"). Finalement, leur guitariste Dan Moore reste leur plus grand atout, tant le bonhomme excelle à pondre des riffs entêtants que Tony Iommi aurait bien voulu piquer dans les moments les moins inspirés de sa carrière (Celestial Hi-Fi et Republic? en réservent également un bon paquet). On a toujours martelé dans ces colonnes que le stoner, contrairement au doom, ne se réduisait pas à un rabâchage moderne des préceptes du Sabbath, tant il puisait à une foultitude d’autres sources d’inspiration. Mais il faut bien reconnaître que, malgré ses dénégations, Josh Homme et ses coyotes du désert ont fini par reprendre "Into The Void" sur leur enregistrement terminal. Tout comme Monster Magnet qui a pourtant toujours revendiqué son obédience exclusive à Hawkwind. Slalomant efficacement entre perpétuation de l’héritage et timides distances prises avec ses codes, The Electric Sleep illustre en creux la relation ambiguë que nourrit le stoner avec les godfathers du heavy metal.
Maxime


Acid King - Busse Woods
1er janvier 1999

Un peu de grâce dans ce monde de brutes. Quoique. Ne venez pas causer délicatesse féminine à Lori, sous peine de se faire méchamment rembarrer à coups de barre à mine dans les rotules. Avec ses épaules de bûcheron et son visage musqué, la chanteuse-guitariste d’Acid King conserve l’allure patibulaire de tout équarrisseur métallique qui se respecte. Mais on n’arrivera pas à évacuer totalement la question du genre, tant on voue un culte à la demoiselle et son combo formé par des renégats des Melvins, élevée par les connaisseurs au rang de prêtresse ultime du stoner/doom. Il faut dire qu’elle est l’une des rares bretteuses à s’être si bien réapproprié l’héritage de Tony Iommi. Acid King délivre donc tout ce qu’on est en droit d’attendre chez ce genre de groupes, soient de longs morceaux se décantant dans une fuzz obèse grondant au-delà du raisonnable et appuyés sur une rythmique pesante et hypnotique. Mais dame Lori en a sous la pédale, à savoir un sens très affuté du riffing qui magnétise, envoûte et tétanise, conférant à chacune de ses réalisations une aura singulière. Et lorsque son chant monocorde vaporisé dans l’écho surgit à travers le magma sonore, on songe à ces vestales accomplissant quelque rite obscur dans les pelloches occultes de Kenneth Anger. Ce deuxième album réédité par Small Stone après une sortie initiale sur Man’s Ruin propose un trip intense, fascinant et nihiliste, un véritable road trip désespéré dont les relents âcres de gomme brûlée (Lori est une bikeuse invétérée, amatrice de Triumph vintage) enivrent tout au long de son trajet en forme de descende inexorable vers le néant. Autant de qualités qui font d’Acid King l’un des plus charismatiques, quoique peu prolixe, représentants du doom contemporain.
Maxime


Orange Goblin - Time Travelling Blues
2 février 1999

C’est à Lee Dorrian que l’on doit l’éclosion de l’une des rares formations stoner dignes d’intérêt que l’Angleterre ait jusqu’ici générée, elle qui reste paradoxalement la mère patrie des principales figures tutélaires du mouvement. Nous sommes au milieu des années 90. Au cours de se pérégrinations, le frontman de Cathedral tombe sur Our Haunted Kingdom et s’amourache de ce collectif d’artilleurs mené par Ben Ward, gaillardement occupé à embrocher quelques standards de Black Sabbath et de The Obsessed pour secouer l’apathie de leur pub local entre deux matches du Liverpool FC dont l’aboyeur en chef est un ardent supporter. Dorrian signe les lads sur son label Rise Above et le groupe prend le nom d’Orange Goblin. Colosse barbu, chevelu et ventru, Ben Ward est un admirateur du grand Sab’, mais perpétuera l’héritage à sa manière, façon cockney. Les grosses guitares sont conservées, tout comme la rythmique en forme de volée d’enclumes. Pour le reste, Orange Goblin est un ramassis de brutes londoniennes, pas une bande de bouseux égarés à Birmingham, et fait donc subir au son de ses ainés une lourde vidange à base rock urbain et graisseux comme l’embrayage d’une Harley. Pièce centrale d’une impeccable trilogie liminaire, Time Travelling Blues illustre à la perfection les points cardinaux de ces piliers du heavy rock british : riffs affutés comme des tronçonneuses (littéralement sur l’époustouflant "Blue Snow"), batterie chromée, élans lysergiques ("Lunarville 7, Airlock 3", "Time Travelling Blues") rattrapés par un tempérament de petite frappe punk ("Diesel"), le tout réhaussé par la gouaille houblonneuse de Ward (le groupe est sponsorisé par Jägermeister !). Orange Goblin sonne à ses prometteurs débuts (les choses se gâteront à partir du 4ème opus) comme une bande de bikers dopés aux champignons hallucinogènes et défouraille sévère, tel un Sabbath travesti à la mode Hell’s Angels et passé au Hooligan style. Jouissif sacrilège.
Maxime


Goatsnake - Vol.1
1999

« Goatsnake use Sunn Amps, Gibson guitars and bass, and Sabbath Riffs exclusively because they want the best ». La messe est dite. Quand je me remémore le concert du Hellfest 2011, je me souviens que Goatsnake m’avait littéralement soufflé avec ce doom sec et chaleureux sur lequel la voix de Peter Stahl venait se poser tel un rapace majestueux et illuminé. C’est cette voix qui fait l’originalité et la profondeur d’âme du groupe, infligeant dans cet album de bien mauvais traitements aux codes d’un blues caniculaire pour s’inscrire dans une musique aussi belle que pesante sans la moindre trace de dépression moite. Rien de poisseux ici, pas de douleur marécageuse ou de pluie déprimante, rien que la chaleur du désert, la fatigue de la route et une légère gueule de bois de mescal. Pourtant, Goatsnake ne restera que l’un des nombreux projets de Greg Anderson, reprenant vie de temps à autres au gré du bon vouloir de ses créateurs. Il est en tout cas l’un des plus beaux représentants des scènes doom et stoner et Vol.1 en est clairement un manifeste des plus prenants.
Geoffroy


Electric Wizard - Dopethrone
25 septembre 2000

Ah, Dopethrone. Du doom sudiste, oui, mais du sud de l’Angleterre et s’il y a bien un groupe qui a gardé ce goût prononcé pour l’occulte et la dope de leurs pères spirituels de Birmingham, c’est bien Electric Wizard, leurs concerts se déroulant sur une scène plongée dans une obscurité rougeâtre, les yeux attirés vers l’écran géant sur lequel tourne de vieux films obscurs à tendance occulte et pornographique. Du moins c’est ce à quoi moi j’ai eu droit. Particulier oui, mais jouissif aussi. Un doom dynamique au possible, aussi accrocheur qu’il est sombre et torturé, jouant avec un psychédélisme noir et immersif, des grooves au son dégueulasse et une voix suffoquée et rageuse. Pour les amateurs de musique lourde et dark, je n’ai pas besoin de les encourager, ils y sont déjà bien enfouis, quant aux autres, allez, laissez vous aller, ça ne fait pas si peur qu’il y paraît et vous pourriez même y prendre un joli plaisir.

"Dopethrone, in this land of sorcery
Dopethrone, vision through T.H.C.
Dopethrone, feedback will free
Dopethrone, three wizards crowned with weed, yeah !"

Geoffroy


Bongzilla - Gateway
3 septembre 2002

Cet épais dossier l’illustre lourdement : la postérité de Black Sabbath est l’histoire d’un gigantesque traumatisme. Le doom a bâti l’intégralité de ses codes sur le premier titre du premier album des dégénérés de Birmingham, le stoner demeure en révolution permanente autour de "Into The Void" (repris par Kyuss comme Monster Magnet, ce n’est pas un hasard), le black metal ne cesse de gratter les sillons de Sabbath Bloody Sabbath telle une plaie purulente… A chacun son déclic initial, à chacun son obsession. Pour ces hillbillies du Wisconsin, l’étincelle a surgi lorsqu’ils posèrent Master Of Reality sur la platine. De la toux réverbérée de Tony Iommi au riff paléolithique inexorablement asséné sur une rythmique pachydermique, 5 minutes et 5 secondes ont suffi à ces demeurés pour qu’ils passent à l’action. Bâtir sa discographie comme une variation infinie autour de "Sweet Leaf", tel est le projet dément et monomaniaque de Bongzilla, serpentant d’années en années autour de ce titre matriciel, la célébration de la weed chevillée comme unique credo.

On goûtera avec ironie le titre de ce troisième album (que l’on a choisi un peu hasard, tant ils se ressemblent tous), la marijuana étant généralement dénoncée comme une gateway drug, susceptible de conduire l’usager à consommer des substances plus dures. Contrairement à Ozzy et ses comparses, les Bongzilla ne passeront jamais à la poudre, se satisfaisant pleinement des rengaines âcres de leur morceau de chevet, tel un joint que l’on ne cesse de se repasser, le cul désespérément vissé au canapé. Une fois que l’on a planté ce frustre décor, on a tout dit. Fuzz ultra-lourde et méga-cradingue, batterie apathique pour headbanging au ralenti (on adorerait voir ce que ça donnerait dans un concours de hair guitar), chant glaireux digne d’un Gremlin atteint d’un cancer de l’œsophage… C’est heavy à en chier ses boyaux, c’est sale comme un appart de slacker et on en ressort un peu honteux, la voix déchirée, la bouche pâteuse, les doigts puant la nicotine, comme après une soirée où l’on a abusé des clopes. C’est con, c’est régressif, c’est répugnant, c’est fascinant, mais il s’agit probablement de la traduction la plus littérale de ce qu’on appelle le stoner rock. On comprend après coup que Josh Homme, Dave Wyndorf ou Eddie Glass trouvent le terme limite insultant.
Maxime


Sleep - Dopesmoker
22 avril 2003

Les amateurs se diront certainement que pour dresser un portrait faisant lien entre Sleep et Black Sabbath, le choix le plus judicieux eût été de parler de Holy Mountain qui, sans vouloir en faire une tare, est de loin le disque des nineties le plus inspiré du quatuor de Birmingham. Mais quitte à parler de Sleep, autant faire preuve de gigantisme et de s’attaquer à ce qui fût l’un des plus grands pavés stoner doom de la décennie."This song is called Dopesmoker. Une chanson longue d’une heure. Costaud, oui. Composée et répétée durant près de quatre ans, son enregistrement fût selon le guitariste Matt Pike "la chose la plus difficile qu’il ait jamais fait". Evidemment, un album comme Dopesmoker - Jerusalem en son premier temps - et son concept ambitieux est le genre de chose qu’un label fuit comme la peste même s’il a promis totale liberté artistique aux artistes - honte sur eux. Il faudra attendre 2003 pour qu’une version finale de la chose soit enfin disponible autrement que tronquée en six parties ou sous forme de bootleg.

"Dopesmoker" est la définition même du monolithisme musical si quelque chose de ce genre peut réellement exister. Longue de soixante trois minutes d’extatisme vaporeux, elle enveloppe l’auditeur dans ses méandres et pourrait tout aussi bien le laisser comme mort à son sortir. Quant à son lien avec Black Sabbath, si l’on vous dit qu’en plus de deux reprises et de choix artistiques évidents le trio s’est limite prosterné l’an dernier à la Villette Sonique devant une photo sur écran géant de Tony Iommy, vous en douteriez encore ?
Geoffroy


Witchcraft - Firewood
8 juillet 2005

Les décennies défilent et une nouvelle génération arrive sur le devant de la scène. Ainsi débarque Witchcraft, rejeton de Pentagram et par conséquent petit-fils de Black Sabbath. C’est en commençant par reprendre les standards des premiers que ces Suédois finirent par perpétuer l’héritage des seconds, faisant surgir des tréfonds de leur province d’Örebro les miasmes fétides de la brumeuse Birmingham. Alors que le doom profite des dernières techniques d’enregistrement pour engendrer de suffocantes chapes de plomb que Tony Iommi n’aurait jamais osé espérer façonner, même dans ses cauchemars les plus lugubres, Witchcraft entend revenir aux fondamentaux, enregistrant ce disque en Angleterre sur matériel 100% vintage, respectant à la lettre les incantations de papy Ozzy. Le chant déclamatoire de Magnus Palander, les guitares carillonnant gravement, les textes lyriques pétris de sorcellerie et de paganisme, rien ne manque, les préceptes des Grands Anciens sont suivis de la première à la dernière seconde avec le zèle d’un moine copiste, jusque dans le son étouffé que l’on croirait tiré d’un vinyle seventies. Tout au plus se permet-on quelques élans progressifs et l’emploi de quelques flûtes à la Jethro Tull ici ou là. Pour le reste, Firewood, tout comme son prédécesseur, est un très sérieux candidat au titre du meilleur album que Black Sabbath ait oublié d’enregistrer, quelque part entre Paranoid et Master Of Reality. Pourtant Witchcraft perdra la foi, empruntant le sentier des hérétiques sur son dernier opus qui se coule dans le moule d’un metal beaucoup plus canonique, laissant Uncle Acid and the Deadbeats et Kadavar reprendre le flambeau du doom rétro pour le plus grand plaisir des impies avides de heavy moyenâgeux.
Maxime


Om - Pilgrimage
2 octobre 2007

Si deux enfants du Sab’ ont bien retenu les leçons d’hypnotisme de leurs pères, ce sont bien Al Cisneros et Chris Hiakus. Section rythmique monumentale de Sleep jusqu’au schisme qui s’est opéré à la fin des années ’90, le duo basse batterie s’est affranchi de la sacro-sainte guitare pour révéler un potentiel primitif des plus efficaces.

Le long du fil d’Ariane de la ride de Hiakus se dessinent des lignes de basse lourdes et vaporeuses, héritées à la fois de la souplesse de Geezer Butler et des mouvements répétitifs empruntés à un psychédélisme quelque peu floydien - dire que "Pilgrimage" sonne très "Set The Controls For The Heart Of The Sun" est un euphémisme. La voix de Cisneros est un mantra monocorde qui porte l’auditeur vers les nues avant de s’écraser sur la puissance des riffs qui, s’ils semblent toujours être les mêmes, ont un pouvoir de fascination et de libération des plus conséquents. A consommer seul au crépuscule, yeux fermés, jambes en tailleur et basculant la tête de bas en haut, la bave aux lèvres.
Geoffroy

lire la chronique de l'album


The Sword - Gods Of the Earth
31 mars 2008

Nombreuses sont les formations qui pourraient prétendre à revendiquer la couronne sabbathienne et posséder la légitimité pour succéder aux forgerons de Birmingham en tant qu'empereurs du monde heavy, et parmi celles-ci, The Sword est probablement celle qui compte le plus d'arguments à faire valoir. Rien que la voix de JD Cronise ressemble souvent à s'y méprendre à celle de ce bon vieux Ozzy. En terme de son, l'Epée a bien évidemment adopté les standards de Tony Iommi, mais ça, tous les nostalgiques du Sab' sont capables de le faire. En revanche, peu peuvent se targuer de posséder une telle capacité à pondre des riffs aussi impressionnants : repassez-vous "How Heavy This Axe" ou "Lords" en guise d'explication de texte, ça va vous calmer. Gouaille, mimétisme, pertinence, The Sword se pose assurément comme un expert en références sabbathiennes, tout en déployant en arrière fond une belle batterie assurant le spectacle entre toms tribaux et cymables barbares, une percussion que ne renierait pas Bill Ward, même si sensiblement plus bourrine. Et si Cronise préfère l'évocation Fantasy plus que le message occulte provoquant, se focalisant notamment sur le désormais célèbre Trône de Fer de George R.R. Martin pour nous emporter au loin ("To Take The Black", "Maiden, Mother, Crone", "The Black River"), la manière, elle, demeure remarquablement canonique. Un incontournable du genre.
Nicolas


Shrinebuilder - Shrinebuilder
12 octobre 2009

On a beaucoup parlé de super groupes ces dernières années avec l’avènement des Dead Weather et de Them Crooked Vultures, mais Shrinebuilder est quelque peu passé à l’as dans les hautes sphères. Pour autant, composé de Scott Kelly de Neurosis, Al Cisneros de Sleep et Om, Wino de Saint Vitus et Dale Crover des Melvins, la chose avait de quoi faire remuer quelques têtes assez aisément.

Au final, comme quasiment tous les super groupes d’ailleurs, le résultat est mitigé en terme d’inventivité et d’originalité mais se révèle d’une efficacité indéniable. En bons héritiers du Sab’, les quatre monstres s’offrent un disque parsemé d’influences, parfois heavy, souvent doom, y fondant leurs identités distinctes avec parcimonie et subtilité. Entre le jeu particulier de Crover et les guitares harmonieuses de Wino se mêlent les voix les plus fédératrices de la musique lourde contemporaine, le grain de Scott Kelly et les psaumes monocordes de Al Cisneros. Rien de nouveau sous ce soleil brulant donc, mais à l’écoute d’un titre comme "Pyramid Of The Moon" et ses envolées mystiques, qu’a-t-on vraiment envie d’aller chercher ailleurs ?
Geoffroy


Kadavar- s/t
26 juin 2012

Total Early Black Sabbath Vibe! lit-on sur le sticker qui orne cet album. De fait, dès la première écoute de "All Out Thoughts", on ressent instinctivement que les trois barbus - chevelus de Kadavar ont tout compris au Sab' primordial, c'est-à-dire celui de Black Sabbath, bien sûr. Il existe ici un sens du riff assez sidérant, de celui qui vous fait basculer de blues rock musclé à proto metal en deux temps, trois mouvements, mais cela va encore plus loin. On retrouve cette soif de vintage, d'analogique, d'amplis à lampe, d'enregistrement en une prise et de respect de l'esprit des early 70's, mais aussi ce son pesant, buriné, gras et rapeux qui accroche son fuzz à tous les espaces, ces solos éparpillés qui grimacent narquoisement, cette batterie charnue et repue de cymbales volontaristes, ou encore ces lignes de basses surpuissantes qui étrillent les mélodies vocales perchées en haute altitude. Même si le carré de Birmingham est loin de représenter la seule influence visible du trio de Berlin, Blue Cheer, Cream ou encore Hawkwind résonnant également à l'écoute de ce premier album, on ne saura nier à Chtristoph Lindemann et ses deux âmes damnées une réelle admiration pour le bon vieux Sab' original : en ce sens, Kadavar fait aujourd'hui office d'immanquable dans la catégorie metal old school / stoner. Et tant pis si le tout récent Abra Kadavar s'éloigne un peu des maximes de maître Iommi, le groupe n'a pas fini d'actionner sa machine à remonter le temps et d'explorer les tréfonds de la jonction 60's - 70's, époque où le blues commençait à se faire sâlement malmener. A ce petit jeu, les allemands ne sont pas prêts de nous lasser.
Nicolas


Conan – Monnos
23 août 2012

Le doom, ou le stoner chiant. Le heavy metal dans ses formes les moins malignes a poussé jusqu'à son terme la caricature de Black Sabbath dans ce qu'elle a de film d'épouvante d'opérette avec cris de chauve-souris, prétendu satanisme de pacotille et l'attirail devenu classique pour faire peur à sa grand-mère. Le doom a pris la lourdeur du son de Black Sabbath et l'a menée jusqu'au point de non-retour. Il n'est plus tellement question de chansons, là où Kyuss conservait une science de l'écriture pop, les riffs sont tellement plombés qu'ils se diluent en une masse informe où guitare et basse ne forment plus qu'un tout saturé et grondant. La batterie est parfois capable de rares accélérations mais il s'agit généralement de donner des coups de massue aussi fort que possible pour couvrir la voix que se trouvera de toute manière enterrée au fond du mix. Ainsi en est-il de Conan. On peut au choix trouver ça régressif ou incroyablement novateur dans le refus de toute concession à la chanson pop. On peut bâiller d'ennui à n'en plus finir comme on peut se laisser porter par le caractère somme toute hypnotique de cette musique où lenteur et lourdeur sont poussées à leur paroxysme écoutable. Ce n'est finalement pas si éloigné du bourdon oriental, si on veut bien concéder une once de cérébral à cette musique essentiellement vouée à être vécue ou rejetée en bloc. On peut aussi se marrer devant Monnos et son jusqu'au-boutisme minimaliste qui, pour un peu, serait fédérateur ("Grim Tormentor").
Pierre D


My Dying Bride - A Map of All Our Failures
15 Octobre 2012

Alors que le doom est né en Angleterre avec "Black Sabbath", il est logique qu'il trouvât sa consécration la plus extrême en terre d'Albion. Là encore, il faut attendre les années 90 pour voir émerger une nouvelle vague doom anglaise, mais pas n'importe laquelle. La trinité infernale du genre, Anathema, Paradise Lost et My Dying Bride, s'adonne en effet au death-doom. Tempos mortuaires, riffs lugubres, voix de macchabées monstrueuses, mélancolie morbide : les trois acteurs ne donnent pas dans la franche rigolade, c'est le moins que l'on puisse dire. Il faut croire que ces réjouissances répétées ne sont pas parvenues à durablement transcender leurs auteurs car, à partir du milieu des années 90, chacun de ces anges déchus se décide à abandonner les abysses pour remonter vers un peu plus de lumière. Si Anathema est celui qui s'élève le plus haut en effectuant un volte-face radical le conduisant, dans ses ultimes retranchements, à développer un rock progressif atmosphérique apaisé, Paradise Lost, quant à lui, garde enfermée dans les ténèbres une partie de son corpus en s'adonnant à un metal gothique grave et porté par l'organe brailleur de Nick Holmes. Quant à My Dying Bride, il conserve en grande partie les tempos lents de ses origines et la lourdeur toute sabbathienne de ses guitares, tout en distillant un romantisme typiquement britannique à ses œuvres par le biais de la voie ampoulée d'Aaron Stainthorpe qui, parfois, se laisse encore aller à quelques grawls. On vous a choisi ici le tout dernier album en date des croques-mort de Bradford, mais n'importe lequel d'entre eux, passé 1995, aurait pu convenir dans cette sélection hautement légitime des héritiers du Sabbat Noir.
Nicolas

Commentaires
Amé, le 18/12/2023 à 20:18
Super article! Ça serait intéressant de le mettre à jour, avec des albums sortis depuis 10 ans :)
B., le 26/06/2020 à 09:55
Article intéressant, dans le sens où pour une fois il est écrit par quelqu'un vierge de tout biais heavy metal. Par contre "we sold our soul" n'est pas un live, mais une compil. Je pense que vous confondiez avec "Live at Last", qui a bien posé problème. En tant que fan de heavy metal, j'ai toujours préféré penser que black sab EST Le heavy metal, tel qu'il devrait être, le style sentant stabilisé à l'orée des années 80 du fait de la nwobhm (Iron Maiden, saxon, etc.) les groupes comme Judas priest (précédant la New wave) on ajusté leurs style (en ce qui concerne judas, style bien plus varié dans les 70's. Mais un groupe comme budgie à aussi monté le ton.)
BD, le 30/09/2017 à 02:39
Très bonne article et bien écrit!