Alice Cooper
Killer
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1- Under My Wheels / 2- Be My Lover / 3- Halo of Flies / 4- Desperado / 5- You Drive Me Nervous / 6- Yeah, Yeah, Yeah / 7- Dead Babies / 8- Killer
La rencontre avec Bob Ezrin avait permis au groupe Alice Cooper de décoller, de trouver une véritable identité esthétique, plus hard-rock et rock’n’roll, sans briser leur fibre expérimentale. Surfant sur la vague du succès et profitant de leur effervescence créative, ils se remettent au travail sitôt achevée la tournée de Love It to Death. Ainsi, bien que cela ne soit pas exceptionnel à l’époque, ils publient deux albums au cours de la même année, et, plus louable encore, ils mettent au monde deux très bons opus.
Commençant sur les chapeaux de roue, pardonnez le jeu de mots, Killer lance un "Under my Wheels" qui dévoile toutes leurs ambitions : prendre la force des groupes de Détroit en leur apportant une réelle subtilité au niveau de la propreté du son comme des phrases musicales (cela va jusqu’aux arrangements cuivrés mais passe également par des chorus travaillés – Rick Derringer est invité sur le morceau), revisiter les racines du rock’n’roll et du blues-rock, et exprimer une musique rock pour les 1970’s. Un tube de plus auquel répond un "Be My Lover" rafraichissant ou, sur la seconde face, le plus léger "Yeah Yeah Yeah". Ce début d’album fait de Killer une confirmation. Il s’inscrit dans la continuité de son prédécesseurs avec son lot de titres saturés teintés de rock’n’roll dansant et de phases expérimentales.
Cette dimension est accentuée au sein de l’opus qui se distingue de Love It to Death par cet aspect. "Halo of Flies" retrouve en introduction l’influence des rythmes et mélodies argentines entrevues sur "Black Juju", un tropisme rythmique (très cadencé) issu des souvenirs du psychédélisme (qu’on retrouve en écho sur les effets de guitare). Il s’en suit une évolution bien menée avec des parties très heavy et un passage instrumental complétement progressif, chose rare pour les Etats-Unis du début de la décennie. Une réussite.
Les arrangements (cordes) et la narration de "Desesperado", le minimalisme de certaines parties de "Dead Babies", les dissonances et la seconde partie planante de "Killer", vous serez sans doute surpris par les expérimentations du groupe. On est davantage dans l’héritage des années 1960 (The Doors, évidemment) que dans un écho au progressif d’outre-Atlantique, mais cela est toujours réalisé de façon inventive.
Sur Killer, Vincent Furnier incarne encore plus son chant et parvient à changer de registre selon les besoins des titres. Incisif, hurleur, beaucoup plus rond et grave, conteur d’histoires, il est épatant dans la palette qu’il manipule pour mener à bien son rôle de leader charismatique et de chanteur. L’ambiance et les thèmes assez sombres de certains titres ainsi que le fameux serpent de la pochette (nommé Kachina) évoquent de leur côté le jeu de scène de plus en plus abouti du groupe vers le shock rock, et la tournée de 1972 dessine de façon définitive le costume de Vincent Furnier. Yeux maquillés, chapeau haut de forme, costumes en cuir … Du grand-spectacle qui participe à une réflexion sur le jeu de scène se posant des deux côtés de l’Atlantique (pensez à Genesis) dans des termes variés mais comparables.
Killer poursuit la formule gagnante du groupe tout en cherchant d’autres perspectives, il confirme la vitalité créatrice de la formation et son goût pour l’innovation scénique. Alice Cooper devient une référence et commence à constituer un solide héritage. A bien des égards, 1971 est une année coopérienne.
A écouter : "Under my Wheels", "Be My Lover" , "Halo of Flies"