Editors
Violence
Produit par Leo Abrahams Editors
1- Cold / 2- Hallelujah (So low) / 3- Violence / 4- Darkness at the Door / 5- Nothingness / 6- Magazine / 7- No Sound but the Wind / 8- Counting Spooks / 9- Belong
Attendait-on encore quelque chose d’Editors en 2018 ? Soyons francs une minute. Passés en l’espace de quelques albums de grands espoirs du revival cold wave de la décennie précédente (The Back Room, An End Has A Start) à celui de plus gros gachi de la décennie suivante (avec la médiocre synth pop d’In This Light And On This Evening ayant forcé le départ du guitariste Chris Urbanowickz pour cause de divergence artistique), les natifs de Birmingham naviguent depuis en eaux plus ou moins troubles, entre tentative de sauver les meubles sans grande prise de risque (The Weight Of Your Love) et ode un rien ampoulée à la voix de stentor - et à la moustache - de Tom Smith (In Dreams). Le remplacement d’Urbanowicz par deux compères plus orientés synthétiseurs - comme quoi, Franz Ferdinand ne sont pas les premiers à faire ça - n’aura pas su réinjecter suffisamment de sel ni de profondeur à un projet reposant désormais presque exclusivement sur les épaules, et livrés aux caprices, de son chanteur. Donc non, on n’attendait strictement rien de Violence, et la surprise ressentie à son écoute n’en est que plus troublante.
Editors semble ici avoir trouvé son point d’équilibre entre les deux waves, entre le marasme électrique de la cold et le clinquant synthétique de new, sans omettre de nous livrer de bonnes compositions - et c’est bien là l’essentiel. Ce qui ne fonctionnait qu’à moitié et par intermittence sur son prédécesseur semble ici couler de source, l’album ménageant des titres variés mais dont le mariage apparaît réussi. L’entame elle-même, “So Cold”, ne s’embarrasse pas de faux semblants : le groupe croit en sa musique, et il nous le communique sur cette pièce conquérante qui permet à Smith - l’un des plus beaux organes d’Albion, faut-il le rappeler - de tester l’amplitude de sa tessiture vocale. La force de Violence est de savoir nous cueillir d’entrée de jeu, avec la force électro grouillante du refrain de “Hallelujah (So Cold)” - Pure Reason Revolution avait déjà testé ce carcan sonore avec un égal succès - ou la rémanence technoïde de “Violence”, pièce à tiroirs qui s’en sort plutôt bien malgré une fin de chorus un peu terne. Les anglais perdent en force brute - et en son de guitare - ce qu’ils gagnent en variété et en aération sonore, un mal pour un bien, d’autant que la basse si essentielle à un bon son de cold wave se taille encore une belle place dans le mix. La danse obnubilée s’invite sur ce disque en plusieurs occasions par le biais de codas savamment troussées, celle de “Violence” donc mais surtout celle, géniale, de “Counting Spooks”, pas follement originale mais franchement addictive, point d’orgue d’un disque conclu par le sombre et lyrique “Belong”, simple, chiadé, efficace. Entretemps, Editors sera allé revisiter le rock scintillant des The Killers, le bon, celui de leurs débuts (“Darkness At The Door”, “Magazine”), titiller les vétérans de New Order (“Nothingness”) ou verser dans la balade froide délivrée avec peut-être un peu trop d’emphase, n’est-ce pas Mr Smith ? (“No Sound But The Wind”). Somme toute, Violence sonne comme un véritable nouveau départ, celui qu’aurait dû être In This Light And On This Evening. Si les changements de cap incessants d’Editors auront pu lasser leurs plus fidèles défenseurs, nul doute qu’il y a ici matière à revoir son jugement. Mais ne nous leurrons pas : on reste assez loin de la qualité de leurs deux premiers opus, et si le pathos a cédé devant une authentique quête esthétique, quelque part, on y perd quand même au change...