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Critique d'album

Genesis


The Lamb Lies Down on Broadway


(18/11/1974 - Charisma - Rock progressif / pop rock - Genre : Rock)
Produit par John Burns, Genesis

1- The Lamb Lies Down on Broadway / 2- Fly on a Windshield / 3- Broadway Melody Of 1974 / 4- Cuckoo Cocoon / 5- In The Cage / 6- The Grand Parade Of Lifeless Packaging / 7- Back in N.Y.C. / 8- Hairless Heart / 9- Counting Out Time / 10- Carpet Crawlers / 11- The Chamber Of 32 Doors / 1- Lilywhite Lilith / 2- The Waiting Room / 3- Anyway / 4- Here Comes the Supernatural Anaesthetist / 5- The Lamia / 6- Silent Sorrow In Empty Boats / 7- The Colony of Slippermen / 8- Ravine / 9- The Light Dies Down on Broadway / 10- Riding The Scree / 11- In the Rapids / 12- It
Note de 5/5
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Note de 3.0/5 pour cet album
" Mary had a little lamb (whose fleece was white as snow)… Nursery Rhyme"
Daniel, le 13/01/2024
( mots)


Où l’on se souvient des possédées de Loudun…

Il m’arrive, lorsque j’écoute intégralement The Lamb Lies Down On Broadway en soirée (ce qui est rare), d’ensuite parler simultanément en allemand et en sanscrit dans mon sommeil ou d’expectorer des ectoplasmes verdâtres.

Est-ce parce que je n’aime pas ce double album ou parce qu’il existe un lien (certes ténu) entre cet opus et L’Exorciste ?

Vade retro, Satanas !

Où le chroniqueur en réfère à Charlie Brown

Charlie Brown (l’alter ego de papier de Charles Schultz) était un défaitiste. S’il avait rédigé ce qui suit, il aurait probablement dit : "Cette chronique ne va pas améliorer ma cote de popularité."

On parie ?

Où l’on convoque Freud et Jung dans un grand désordre

Les artistes sont parfois (souvent) des personnes torturées. Certains expriment ouvertement les blessures de leurs âmes respectives. D’autres préfèrent crypter leurs souffrances. Les cryptiques sont généralement assez pénibles à vivre…

Quelques exemples pris au hasard, les petits rockers ?
-  Oh oui, oh oui, Oncle Dan !
-  Bien ! Mais ce ne sont évidemment que des théories, petits rockers !
- Allez, Oncle Dan ! Racontez-nous encore des bêtises ! Des bêtises ! Des bêtises !

L’idée de Mary Shelley de créer un être, fait de cadavres, ramené à la vie par une décharge électrique transgressait une culpabilité liée au décès d’un bébé pris de convulsions nocturnes.

L’œuvre désespérante de Howard Philip Lovecraft masque l’absence du père (interné pour démence) et une éducation rigoriste, essentiellement féminine (maman syphilitique et deux tantes aigries).

Lewis Carroll a souffert du comportement possessif d’une maman qui l’a toujours mis en garde contre les jeunes filles (qui séduisent pour détrousser). Devenu un parfait exemple de pédophile victorien, le mathématicien a rédigé une œuvre hermétique travestie en conte pour enfants sages (1).

Perturbé par le chagrin d’amour suicidaire d’un ami, Pablo Picasso n’a, par la suite, pas déstructuré les femmes (ses "machines à souffrir") qu’en peinture.

Pete Townshend a été élevé par une grand-mère maternelle insupportable et exhibitionniste. Il concevra Tommy son alter ego, une créature sourde, muette et aveugle, violée par son oncle. La mort de l’enfance, à nouveau (2).

Privé d’un père tombé au combat, Roger Waters est élevé à la dure par une mère possessive qui lui inspirera quelques moments d’anthologie sur The Wall (3).

Descendant d’un Lord-Maire de Londres et aimé des siens, Peter Gabriel a été contraint de choisir entre récupérer son zizi amputé ou sauver son frère John (alors qu’il n’avait qu’une sœur, Anne).

Où l’on se demande quelle mouche pique Peter Gabriel

Après une série d’albums collégiaux, révolutionnaires et brillants, inspirés principalement par l’Angleterre et une mythologie d’opérette, Peter vire sa cuti. Il lui faut concevoir son "Grand Œuvre". Comme les alchimistes.

Estimant que le temps de la collégialité est désormais dépassé, il se lance d’autorité dans l’écriture en solo d’un (double) album conceptuel. Au secours !

Comme de coutume dans ce genre de délire, le groupe devient vite un frein, un obstacle. Il est alors décidé de faire chambre à part. Il y aura, d’un côté, le Maître inspiré qui rédige les textes et, d’un autre côté, un quatuor laborieux qui, souvent sans comprendre ce que raconte le Maître, va simplement mettre l’histoire en musique.

L’écoute du double album souffre de ce hiatus entre le concept et sa matérialisation en musique. Il y a clairement des moments où Collins, Banks, Rutherford et Hackett errent à l’aveugle. Ils sont casernés dans un ancien hospice insalubre de l’East Hampshire. Les lieux, réputés hantés, sont puants et infestés de rats. Le studio mobile installé près de la vieille bâtisse est correctement équipé mais ne garantit pas le confort technique d’un matériel moderne.

Tandis que les employés pédalent un peu dans le vide, Peter Gabriel se montre fort occupé. Il multiplie les visites à son épouse Jill qui connait une grossesse difficile. Il écrit des bribes de récit. Et il courtise (ou est courtisé par) William The Exorcist Friedkin. Le réalisateur s’est dit séduit par le petit texte surréaliste que le chanteur a publié sur la pochette de Genesis Live. William Friedkin a un projet de film en tête avec une collaboration potentielle de Tangerine Dream et de Philippe Druillet (4).

Mike Rutherford s’emmerde ; il n’a pas apprécié d’être raillé lorsqu’il a proposé de travailler sur un concept (jugé "trop neuneu" par Gabriel) inspiré du Petit Prince d’Antoine de Saint Exupéry.

Steve Hackett a déjà l’esprit tourné vers son premier opus solo, dont le titre humoristique, Voyage of The Acolyt, illustre merveilleusement le statut de son auteur estime tenir au sein de Genesis.

Phil Collins semble jouer les médiateurs mais certaines de ses réflexions en interview trahissent son exaspération ou, à tout le moins, son incompréhension totale à l’égard du concept même de l’album qu’il est train d’enregistrer.

Où il vaut mieux ne pas chercher à comprendre

Inspirée par le scénario halluciné du film El Topo d’Alejandro Jodorowski, l’histoire de The Lamb Lies Down On Broadway évoque la terrifiante descente aux enfers de Rael (5), un jeune portoricain, taggeur et violent, membre d’un gang qui sévit à New-York City.

Quel nom pourrait-on donner à un cocktail qui veut marier un western mexicain, L’Orphée de Monteverdi, La Divine Comédie de Dante, le Bardo Thödol et West Side Story de Robert Wise ?

En vérité, l’intrigue cryptique est extrêmement pénible à décoder au point de faire passer un scénario de Christopher Nolan pour le storyboard de Steamboat Willie.

(Spoiler) Capturé par un étrange brouillard alors qu’il traîne près d’une bouche de métro de Broadway à la recherche d’un mauvais tag, Rael va vivre une quête initiatique pour le moins allumée. Parmi d’autres aventures passionnantes, il revivra sa première expérience sexuelle (avec cette gênante éjaculation précoce à la clé) puis fera l’amour avec des femmes serpents qui rongeront ses chairs. Entretemps, il aura retrouvé son frère John qui a vécu le même chemin de croix. Les deux garçons (qui ne sont en fait que le reflet contradictoire l’un de l’autre) confieront leurs corps à un chirurgien (la Mort incarnée) qui leur rendra un aspect humain tout en les émasculant. Leurs précieux bijoux de famille sont néanmoins conservés dans des éprouvettes. Par la faute d’un méchant corbeau, Rael (Real à l’endroit) perdra bêtement son petit tube en verre dans des rapides où son frère / son double se noie. Que faire ? Sauver son frère ou son zizi ? Il sauve son frère… qui n’est en fait qu’un autre lui-même.  

Inutile de relire ce passionnant passage narratif. Vous avez très bien tout compris du premier coup ! Le concept plane clairement au-delà d’une douille de chicha.

L’histoire se termine en pirouette (6), chacun et chacune étant prié(e) de se faire sa propre religion.

Où l'on assiste à une étrange tournée

L’enregistrement terminé, le groupe se dispute sur la manière de commercialiser la créature de son chanteur. La première idée consiste à sortir deux albums simples à six moi d’intervalle. Finalement, la décision est prise d’éditer un double vinyle sous une couverture magnifique (à l’exception du nouveau logo "Genesis", plutôt moche) conçue par Hypgnosis, en complète rupture avec les artworks passés.

Les tergiversations conceptuelles font que la tournée mondiale (plus de 100 dates) débute avant la parution du disque, ce qui crée une certaine confusion parmi les fans mal informés de ce qui se trame. Peter Gabriel entend en effet proposer une représentation théâtrale de The Lamb et refuse de jouer d’autres titres en rappel. Devant des salles au bord de l’émeute, il lui arrive fréquemment de reprendre le micro pour expliquer son point de vue, arguant du fait qu’une troupe de théâtre ne rejoue jamais ni un acte ni l’extrait d’une autre pièce lors d’une représentation.

Le spectacle (non documenté par des images dignes de ce nom) est, selon les souvenirs de ceux qui ont eu la chance de le voir, d’une beauté confondante. Peter Gabriel assure le show seul, arpentant la scène d’un bout à l’autre tandis que ses infortunés collègues sont réduits au rang de backing band. Après quelques soirées, les quatre musiciens vont pousser l’humour anglais jusqu’à venir en bord de scène afin de féliciter leur propre chanteur pour la qualité de son spectacle.

A la stupéfaction générale, l’archange explique alors à ses acolytes qu’il va quitter Genesis et que sa décision est sans appel. Le secret sera bon an mal an assuré durant quelques mois, afin de ne pas perturber la tournée en cours.

Rideau.

Où l’on évoque l’accueil et l’héritage

L’album a été globalement encensé par la critique de son temps. Mais il s’est mal vendu. Assez curieusement, c’est le public qui comprenait le moins le propos qui a réagi le plus positivement. Le France est le seul pays où The Lamb Lies Down On Broadway a été classé tout en haut des charts spécialisés.

Cet opus n’a laissé aucun héritage. Genesis sans Gabriel a rétropédalé pour en revenir à un son plus classique (avant de devenir tardivement un bête groupe pop-MTV) et Gabriel, débarrassé de Genesis et – peut-être – de ses démons (exorcisés par son double album ou par William Friedkin), a retrouvé ses attributs, mis son Moi de côté et embrassé les musiques du monde.

Où on parle un petit peu de musique dans cette fichue chronique

Chaque titre relate en fait une étape du voyage initiatique. Rael entre dans un "lieu", cherche à en sortir puis parvient à s’échapper pour tomber dans un autre "lieu", encore moins comique que le précédent.

Qu’est-ce qu’on rit !

Musicalement, The Lamb Lies Down On Broadway est sombre et essentiellement composé de "chansons" courtes à la structure simple et répétitive. Évidemment, il ne peut être question de mettre en cause les capacités techniques des quatre employés de l’Archange. Mais la sauce ne prend pas vraiment. D’autant plus que les musiciens ne comprennent pas dans quelle étrange pièce ils sont occupés à jouer. Certains passages instrumentaux semblent même être totalement désincarnés (pour ne pas écrire « hors de propos »)..

La production, pour le moins étrange, renforce (peut-être volontairement) le caractère étouffant et claustrophobique du récit.

Quelques titres sont indubitablement réussis. La plage introductive et titulaire , les deux singles ("Counting Out Time" et "The Carpet Crawlers") ou "Lilywhite Lilith" sont même assez remarquables. Le reste (trop long) marque clairement les limites d’un genre, d’un style, et probablement d’un groupe (qui n’en est déjà plus un).

Peter Gabriel se montrera cruel en déclarant qu’il quittait Genesis parce qu’il ne voulait pas se trouver à bord du Titanic au moment du naufrage…

Où on conclut en chanson…

It is here. It is now
It is Real.
It is Rael
Cause it's only knock and know all, but I like it (7)

Eh oui, The Rolling Stones ne sont jamais loin…


(1) L’on sait aujourd’hui que son repoussant Jabberwock incarnait la gent féminine post-adolescente qui aime tant jacasser (to jabber)..

(2) Plus tard, Pete sera poursuivi pour détention de matériel pédopornographique consulté "pour des raisons d’étude" sur le dark web. Depuis lors, The Who ne jouent plus "I’m A Boy" sur scène. Certains s’étonnent également du texte (très drôle) de "Pictures Of Lily".

(3) C’est de manière très fleurie que Roger Waters évoque sa maman chérie et les femmes en général sur son double album.

(4) The Sorcerer de William Friedkin sortira en 1977 mais sans Gabriel ni Druillet… Ce sera une catastrophe commerciale.

(5) Le nom avait déjà été utilisé par Pete Townshend (on tourne décidément en rond) pour un projet d’album concept torturé auquel le monde a miraculeusement échappé.

(6) Ce qui est souvent le cas lorsque l’auteur lui-même ne sait pas trop ce qu’il raconte…

(7) "It" clôture la quatrième face par une subtile et géniale allusion au titre "It’s Only Rock’n’Roll" des Rolling Stones.



 

Commentaires
DanielAR, le 09/12/2024 à 18:51
Comme me l'explique régulièrement ma psy (que j'appelle ironiquement Docteur Zinzin, comme ça vous savez tout), une œuvre musicale conceptuelle se compose d'une instrumentation et d'un livret qui raconte une histoire. Je peux comprendre que "musicalement", l'album puisse être jugé intéressant (même s'il y a certaines longueurs - pas top - qui génèrent fréquemment un ennui profond). Mais les textes sont exprimés dans une langue que les non-anglophones comprennent forcément très mal (ce qui les rend à mon sens peu aptes à juger du résultat global). Je me demande même si les acolytes de Gabriel ont vraiment compris les propos cryptés et fort maladroits de leur chanteur. Il est remarquable de constater que Gabriel (que j'adore) a implicitement renié ce délire en entamant une carrière solo remarquable avec des titres bien plus simples, concrets et directs. Comme le dit Freud (pour rester dans la sphère du Docteur Zinzin), tout ce qui travaille à la culture, travaille contre la guerre. Et ça, c'est chouette...
Doubin, le 09/12/2024 à 13:28
Bon, visiblement c'est plutôt le critique qui a des problèmes psy ... Musicalement top !
DanielAR, le 05/07/2024 à 12:19
A la réflexion, il est possible qu'avec la pratique le style d'écriture s'adapte instinctivement au sujet. Encore un mystère de plus à résoudre...
MsR, le 03/07/2024 à 15:11
Pour celui qui désire connaître autre chose que la période 'éthérée' et typiquement british du groupe (ceci dit de la part d'un fondu du Genesis seventies dans sa totalité, époque post-Gabriel comprise), TLLDOB est un must, pour ne pas dire leur chef-d'oeuvre. Quant à la chronique ci-dessus, désolé mais un peu neuneu - "too twee" indeed...
DanielAR, le 19/01/2024 à 18:41
André Maurois (que l'on ne peut pas accuser d'avoir milité en faveur ou en défaveur de Genesis) écrivait que dans une discussion, le plus difficile n’est pas de défendre son opinion, mais de la connaître. En l'occurrence, le plus dur est fait.
Telluride Colorado , le 19/01/2024 à 13:16
Effectivement l'auteur du texte ci-dessus n'aime pas. M'en fout, moi j'adore et j'engage ceux qui ne connaissent pas cet album de l'écouter et se faire leur propre opinion. Mon opinion personnel quant au critique est faite...
DanielAR, le 13/01/2024 à 10:07
C'est effectivement toute la nuance qui existe entre le début de la fin et la fin du début... Pour avoir été contemporain de la sortie de l'album, je peux témoigner du fait que sa parution un peu chaotique, les concerts sans aucun rappel et les rumeurs de départ de Gabriel avaient beaucoup perturbé les fans les plus endurcis qui, pour la plupart, ne comprenaient pas le concept (très différent des préoccupations antérieures du groupe). Merci pour le retour !
Djambool, le 13/01/2024 à 09:08
Je dirais plutôt que cet album est le chef d'oeuvre du groupe !! Et que ce sont les conditions particulières de sa création qui ont amené à ce résultat. L'histoire de Genesis n'a été ensuite qu'une lente et longue descente en enfer. Comme quoi, chacun ressent les choses à sa manière...