Greenslade
Greenslade
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1- Feathered Friends / 2- An English Western / 3- Drowning Man / 4- Temple Song / 5- Melange / 6- What Are You Doin' to Me / 7- Sundance
La même année où Rick Wakeman, claviériste virtuose de Yes, apparaît en solo dans les bacs avec The Six Wives of Henty VIII, Dave Greenslade, qui tenait le même poste au sein de Colosseum, formation pionnière à mi-chemin entre le rock progressif et le jazz, faisait paraître le premier album d’un groupe qui portait son nom. Il s’agit moins d’une carrière soliste (celle-ci aura lieu plus tard) que d’une nouvelle formation à la composition prestigieuse : Tony Reeves de Colosseum à la basse, Dave Lawson (Web puis Samurai, deux formations progressives obscures mais intéressantes) comme second claviériste, Andrew McCullock à la batterie, qui avait brièvement joué pour King Crimson sur Lizard (1970).
Aucune guitare donc, mais deux claviers, ce qui n’empêche pas Greenslade d’être parfois très rock ("What Are You Doin’ to Me") et de trouver la recette d’une collaboration merveilleuse entre les deux pianistes : l’entremêlement de lignes jazzy héritées de Colosseum et de plans boogy l’illustrent bien sur "Feathered Friends", qui développe ensuite des passages plus sombres et plus proches du progressif symphonique - même si l'on peut déplorer un chant plus ou moins maitrisé. Le tropisme jazzy du début de carrière de Dave Greenslade revient sur "Temple Song", qui se transforme en pièce smooth-jazz très tranquille après un premier mouvement entre Canterbury et orientalisme – qui pourrait désormais paraître déplacé tant il est caricatural.
Evoqué plus haut, le lien avec Wakeman provient aussi de la participation de Roger Dean dans la réalisation de la pochette, où l’elfe aux bras multiples, appelé à devenir la mascotte du groupe, trône dans un paysage sûrement inspiré de Gouffre de Padirac (à vérifier). En outre, la composition faite d’une complexité empreinte de légèreté, évoque également le claviériste de Yes, en témoignent les ruptures rythmiques et les évolutions mélodiques d’"An English Western" ou les grandes plages planantes et les divagations de "What Are You Doin’ to Me".
Dans les morceaux au plus proche des effluves symphoniques, Greenslade s’avère être le plus pertinent. "Mélange" est rendu épique par sa composition contrastée ; les autres musiciens laissent de la place à un solo de basse qui rappelle Yes derechef (un jeu proche de celui de Squire), avant que le titre ne bascule dans une veine proche de Manfred Mann’s Earth Band. Réservé pour la fin, le meilleur titre s’intitule "Sundance" qui, depuis une introduction classicisante au piano la mélodie puissante, joue sur les variations sonores et stylistiques avec une bascule jazzy intéressante puis un retour sur les nappes symphoniques qui apportent un aspect Orange Mécanique. Cette dernière référence peut être à nouveau invoquée pour traiter du solennel "Drowning Man", inspiré du baroque anglais de Purcell.
Second couteau de l’aventure progressive, Greenslade n’en est pas moins un représentant honorable, qui montre à quel point l’évolution musicale du genre dans les 1970’s allait bousculer toutes les règles de l’art : il était donc possible de faire du rock sans guitare. Du reste, il permet de mettre en valeur Dave Greenslade, un protagoniste oublié qui fut pourtant central à l’époque.
À écouter : "Mélange", "Sundance"