Local Natives
Time Will Wait for No One
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1- time will wait for NO ONE / 2- Just Before The Morning / 3- Empty Mansions / 4- Desert Snow / 5- Paper Lanterns / 6- FEathErweighT / 7- Hourglass / 8- Ava / 9- NYE / 10- Paradise
Time Will Wait For No One est le cinquième album des californiens de Local Natives. Le précédent opus, Violet Street, sorti en 2018, avait corrigé le tir d'un Sunlit Youth trop axé sur la recherche du tube et d'une forme de rock de stade. Les musiciens s'étaient un peu perdus dans cette quête du succès global et ont élégamment redressé le tir, en affinant leurs compositions pleines de finesse pop et d'arrangements baroques sur lesquels les harmonies des vocalistes font des étincelles.
Un EP avait vu le jour en 2020, Sour Lemon, avec notamment la contribution de Sharon Van Etten sur le superbe titre quasi éponyme.
Crise sanitaire oblige, les membres du groupe se sont éloignés, puis se sont retrouvés lors d'un concert célébrant le retour de la vie "d'avant" qui avait, selon les dires des principaux intéressés, un goût d'épilogue pour l'aventure Local Natives.
C'est donc plutôt une surprise de voir les cinq garçons dans le vent du Pacifique revenir, et en très bonne forme.
D'abord teasé à grands coups de single, TWWFNO est un ensemble qui brille par sa cohérence et sa constance. 34 minutes, c'est suffisamment court pour ne pas laisser le temps de s'ennuyer, et ce malgré des compositions légèrement moins pêchues qu'à l'accoutumée.
En dehors du modeste coup de mou à mi-parcours que constituent la nonchalante incursion jangle "Paper Lanterns" et un "Featherweight" aux allures de Broken Bells de moyenne facture, les morceaux s'enchaînent avec brio.
"Just Before The Morning" est parfait pour ouvrir les débats. On y retrouve les marqueurs clés du succès du groupe : des harmonies divines, des mélodies pop originales et une capacité admirable à gérer le tempo. Ce dernier point est un atout majeur du disque. Local Natives a trouvé une formule magique qui ne semble pas s'user. Une approche délicate, posant les bases et le thème du morceau, sur laquelle viennent se superposer les voix des différents chanteurs, puis une rupture rythmique opérée de mains de maîtres par l'éclaireur bassiste Andy Hamm et le batteur Matt Frazier. La recette s'applique sur le second single "Desert Snow", mais aussi sur l'excellente conclusion de l'album, "Paradise". C'est toutefois sur la merveille d’arrangements "Hourglass" que l'exercice atteint son pinacle.
Les musiciens s'amusent de détours et de fausses pistes pour porter cette perle jusqu'aux sommets dynamiques du disque, au travers d'un solo court mais bien senti. Un concentré de tout ce qui fait le talent du groupe.
On notera également la place de leader prise de manière plus franche par Taylor David Rice sur le disque. Le constat pointait le bout de son nez sur Violet Street, mais il paraît établi désormais. Si la voix de Kelcey Ayer est toujours agréable, chaude et capable de prouesses dans les aigues (voir notamment les chants sinueux de "Just Before The Morning"), c'est bien le timbre plus nasillard et reconnaissable de Rice qui porte l'émotion sur les moments clés que sont "Hourglass", "Desert Snow" ainsi que le direct et terriblement efficace "Empty Mansions".
Rice ne s'est d'ailleurs pas caché de la détresse émotionnelle dans laquelle certaines chansons avaient été composées. Entre perspectives de fin du groupe et drames personnels (fausse couche de la femme d'Ayer), la plume du moustachu et de sa bande n'a peut-être jamais frappée autant au coeur. "I blame it on myself, you never needed my help", glanent les choeurs sur "Empty Mansions". "Featherweight " fait d'ailleurs référence à la catégorie de boxer (poids plume en français) et atteste des combats menés pour en arriver là.
Comme tous californiens qui se respectent, les Local Natives n'oublient pas de saupoudrer leurs textes de référence à leur état d'origine. Il n'est pas rare de voir ainsi des "road in shores" et des "coastlines" apparaître dans les univers dépeints par les chansons de TWWFNO. C'est un peu plus subtil que les hommages des Red Hot Chili Peppers, qui se manifestent depuis quelques années par les "wadagada woudougidi California" d'Anthony Kiedis. Les feux de forêts récurrents lors des saisons estivales sur la côté pacifiques servent également de cadre pour "Paradise" : "paradise on fire".
"NYE" permet de justifier que Local Natives est encore un groupe de rock. Rice se lâche totalement sur le début des couplets, le rythme est enlevé, la distorsion et un fuzz un brin kitsch se mêlent pour un moment bref mais très abouti. De son côté, "Ava" remporte la palme de la ballade la plus touchante du disque, toujours portée par Rice en état de grâce.
Souvent associé à Fleet Foxes ou à Grizzly Bear en raison des harmonies vocales, Local Natives propose un de ses albums les plus réussis, affirmant une identité propre. Et si l'ADN du groupe se trouvait plus du côté des premiers albums des Bee Gees que vers l'indie rock récent ?
C'est une question intrigante qui trouvera probablement sa réponse dans la suite de la carrière du groupe, que nous attendons impatiemment !
A écouter : "Hourglass", "NYE", "Just Before The Morning"