Lynyrd Skynyrd

Vingt ans, vingt ans qu’un tragique accident d’avion avait mis fin à la grande aventure de Lynyrd Skynyrd, avant la résurrection inattendue des années 1990, quand le groupe propose un huitième opus. Son titre, Twenty, renvoie évidemment à ce sombre anniversaire, mais une grande partie de l’activité de cette nouvelle version du combo consiste à cultiver une mémoire et vivifier un héritage : les concerts faisaient la part belle aux titres des 1970’s, et en 1994, Endangered Species avait permis de revisiter ce répertoire unplugged. De plus, Twenty marque le retour au sein de Lynyrd Skynyrd d’un ancien membre (ce passage au poste de batteur dans les 1970’s avait été bref), Rickey Medlocke, surtout connu pour son travail avec Blackfoot, qui entre en scène en même temps qu’Hughie Thomasson des Outlaws, également à la guitare. Ainsi, en 1997, les pères du Southern-rock rassemblaient leurs ouailles dans la même église. Enfin, la technologie permet de ressusciter vocalement Ronnie Van Zant sur "Travelin’ Man", titre qui n’avait jusqu’alors connu qu’une version live (One More from the Road, 1976). Bref, Twenty est entièrement sous le signe de la nostalgie, de la célébration, de la remémoration.

Mais Lynyrd Skynyrd n’est pas devenu qu’un simple tribute-band et compose des albums inédits depuis trois opus maintenant. Si le premier essai pouvait laisser l’auditeur sur sa faim, The Last Rebel avait été une belle surprise grâce à de véritables fulgurances lors des moments les plus épiques. Comment cette seconde version du groupe allait franchir le seuil fatidique du troisième album, tel était l’enjeu de Twenty …

Démarrant en trombe sur un riff sudiste décapant ("We Ain’t Much Different", avec de soli survoltés), Lynyrd Skynyrd est encore capable d’atteindre des sommets avec "Voodoo Lake", traversée électrique du Bayou, une ambiance qu’on retrouve en partie sur "Never Too Late" qui montre les muscles au moment du solo (avec une touche Outlaws reconnaissable). Il sait aussi se montrer efficace sur "Bring It On", évoquant les 1970’s avec une nostalgie heureuse, et ne laisse de côté aucun sous-genres dans lesquels il a pu développer son esthétique jusqu’alors : un rock’n’roll classique sur "Talked Myself Right Into It", l’orientation folk de "ORR", le blues-rock saturé "Berneice", la country racée de  "How Soon We Forget" en conclusion … On peut parcourir les nombreux courants à l’origine du southern-rock, et prendre un réel plaisir dans ce voyage tant la qualité est au rendez-vous dans la composition. Même sur "Home Is Where the Heart Is On", qui, comme son titre l’indique, sera la ballade guimauve de l’album, le côté très FM et emphatique est loin d’être honteux grâce à de superbes passages de guitare. "Blame It On a Sad Song" est moins mémorable car beaucoup trop excessif.

L’expérience acquise durant les années de relance et l’arrivée de deux nouveaux guitaristes brillants ont permis à Lynyrd Skynyrd de rendre un hommage remarquable aux défunts de 1977 : de façon peut-être inattendue, Twenty s’avère être un très bon album.

A écouter : "Voodoo Lake", "We Ain’t Much Different", "Never Too Late"