Miles Kane
Change the Show
Produit par Oscar Robertson David Bardon
1- Tears Are Falling / 2- Don't Let It Get You Down / 3- Nothing's Ever Gonna Be Good Enough / 4- See Ya When I See Ya / 5- Never Get Tired of Dancing / 6- Tell Me What You're Feeling / 7- Coming of Age / 8- Change the Show / 9- Constantly / 10- Caroline / 11- Adios Ta-ra Ta-ra
Impossible de s’arrêter sur le cas de Miles Kane sans faire une analogie avec Alex Turner : son comparse du duo The Last Shadow Puppets (et, mais est-il nécessaire de le rappeler, leader des Arctic Monkeys). Les années passent et le chanteur originaire de Liverpool souffre à chaque fois un peu plus de la comparaison avec celui des “singes de l’arctique”. L’exemple le plus criant tient dans leurs trajets respectifs aux Etats-Unis. Fort du succès de la troupe de Turner dont le son et les riffs de l’album AM avait, 9 ans auparavant, littéralement mis à ses pieds le pays de l’Oncle Sam, Miles Kane décide lui aussi de s’installer de l’autre côté de l’atlantique, plus précisément à Los Angeles, espérant trouver renommée et succès qui, finalement, ne seront pas au rendez-vous.
Car le britannique ne s’est clairement pas donné les moyens d’une ambition décuplée en privilégiant fêtes et soirées show-business de la cité des anges. De plus, sur le plan artistique, les rares exploits (très) isolés de son précédent opus Coup De Grace, sa performance en dents de scie au sein du supergroupe The Jaded Hearts Club et une collaboration auprès de la rentable Lana Del Rey n’ont rien pour laisser entrevoir un semblant de positif dans cette expérience Américaine. Si, enfin, on tient compte de sa propension sidérante à balancer des propos sexistes en interview, le bilan de l’épopée américaine de l’ex-chanteur de The Rascals est proche du fiasco. Kane en a bien conscience et fait donc le choix de tourner cette page au travers d’un mea-culpa mais surtout via un retour qu’il espère salvateur, tant mentalement que musicalement, au pays de sa Majesté.
S’il y a bien un postulat qui colle à la peau du Rock depuis plusieurs années c’est celui qui fait dire à ses détracteurs, et à ceux qui s’en sont détournés, que le style ne se renouvelle pas, et que les nouveaux artistes puisent allègrement dans son glorieux passé pour tenter d’en ressortir une forme d’originalité : un feu qu’on rallumerait avec du vieux bois. Une philosophie pour grands romantiques, où l’héritage du passé est d’autant plus agréable qu'on lui prête volontiers tout ce qui manque au temps présent. Le dernier né de Miles Kane : Change The Show qui nous intéresse aujourd’hui puise allègrement dans cette intention : le son, la production, l’esthétisme… tout l’album renvoie inévitablement aux sixties avec son lot de charmes et ses écueils flagrants.
L’immersion est saisissante dès le départ de l’album : “Tears Are Falling” et “Don’t Let It Get Your Down” nous plonge aisément au cœur des années 60 et on se prend à s’imaginer en train de flâner, en chemise à fleur au volant d’une Peugeot 404, sur les bords de mer de la côte d’azur aux sons des percussions et des claviers. Le titre éponyme “Change The Show” nous transporte dans une soirée music-hall dans un exquis mariage qui voit les chœurs, les cuivres et un furieux solo de guitare s’entremêler gracieusement. Le charme de la nostalgie atteint son paroxysme sur “Coming Of Age” au son d’une délicate mélodie de piano bar et grâce au sens mélodique imparable de son chanteur. Mais la magie passéiste s’estompe rapidement et hurle de toute ses forces sa principale lacune : le passé n’attise pas la curiosité. Ainsi les deux titres de sortie de l’album : “Caroline” et “Adios Ta-ra Ta-ra” s’enfoncent dans la monotonie redondante du propos musical de ce Change The Show. La balade “Constantly” touche à un sommet d’ennui et d’indifférence. Un constat qui aurait aussi valu pour “Nothing’s Ever Gonna Be Good Enough” ; toutefois la performance de la chanteuse Corinne Bailey Rae permet au titre de se dépêtrer de cette sensation d’une répétitive litanie.
Quand Miles Kane tente d’insuffler un surplus d’énergie avec une approche plus conforme au registre dans lequel l’artiste nous a habitué à évoluer, l’ensemble ne fonctionne guère mieux. Il se dégage de “Never Get Tired Of Dancing”, “See Ya When I See Ya” un sentiment de mimétisme, presque caricatural, et on se demande si son compositeur n’a pas repris des chutes de son second opus Don’t Forget Who You Are ajoutant des cuivres pour que les deux titres s’inscrivent dans la continuité de sa dernière production.
Malgré une franche réussite pour plonger l’auditeur dans une autre époque, l’enchantement s’estompe très rapidement et la demie heure de Coming Of Age se traverse finalement de manière indifférente, si l’on excepte ça et là quelques instants magnétiques où s’illustre le talent de Miles Kane, son sens inné de la mélodie et l’approche technique de ses solos de guitares. Les albums passent et la qualité dans les productions du chanteur ne cesse de décroitre. Déjà bien caché derrière l’ombre géante de son comparse Alex Turner, Kane parait s’en éloigner encore plus aujourd’hui. Son ambition d’être de ceux qui comptent sur la scène rock, sans que le nom de Turner ne soit irrémédiablement associé au sien, semble dorénavant devoir passer par un autre chemin que celui de la composition en tant qu’artiste solo.