Nazareth
Razamanaz
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1- Razamanaz / 2- Alcatraz / 3- Vigilante Man / 4- Woke Up This Morning / 5- Night Woman / 6- Bad Bad Boy / 7- Sold My Soul / 8- Too Bad Too Sad / 9- Broken Down Angel
Dans les années 1970, le dynamisme de la scène hard-rock du Royaume-Uni a donné naissance à un grand nombre de seconds couteaux, au succès souvent réel à l’époque mais un peu dissipé dans la postérité, dont certains méritent d’obtenir un éclairage nouveau. À l’ombre de Deep Purple, Black Sabbath ou Led Zeppelin, les Ecossais de Nazareth ont produit une discographie fleuve, très inégale dans l’ensemble mais unanimement saluée pour ce qui est de la période 1973-1975.
En 1973, Nazareth a déjà fait paraître deux opus (Nazareth en 1971 et Exercises en 1972) sans pour autant rencontrer l’enthousiasme du public, par manque d’originalité et surtout, pour le second, d’inspiration. Ils étaient tout de même parvenus à se faire un petit nom au point de pouvoir prétendre à accompagner l’une des plus grandes formations de l’époque en tournée : Deep Purple. En plein effort de composition et pressés de sortir un troisième opus, les musiciens de Nazareth évoquent à leurs chaperons leurs projets de sélectionner un producteur de poids (ils pensent à Pete Townshend et Jimmy Page). C’est alors que le bassiste du pourpre profond, Roger Glover, se propose, et de l’avis même des membres du groupe, le choisir fut la meilleure décision qu’ils prirent car non content d’effectuer un travail minutieux, il participe activement à la finition des morceaux, donc, au résultat final de Razamanaz.
Le contrat avec le public est rempli dès "Razamanaz" qui affirme la montée en puissance et en saturation du groupe : on entend un Dan McCafferty hurleur, comme l’est d’ailleurs Manuel Charlton à la guitare, tout en maintenant leur approche classique sur le refrain plus boogie rock. L’introduction à la rythmique pow-wow permet à "Alcatraz" (reprise de Leon Russell) de gagner en consistance jusqu’au pont-solo très Heavy et lancinant. Dans un autre registre, "Night Woman" fonctionne à merveille dans un style presque hard-psyché proche de Stray (voire de Quicksilver au niveau du rythme et du riff), et le diabolique "Sold My Soul" est presque sabbathien.
L’inclinaison bluesy est toujours importante, notamment à cause de la forte présence de la guitare slide. On la retrouve d’abord sur la reprise de "Vigilante Man", originellement écrite par le protestataire Woody Guthrie, mais ici plutôt inspirée de Ry Cooder (Into the Purple Valley, 1972). Puis, plus typé blues-rock du delta, "Woke Up this Morning" propose une version revisitée d’un titre sorti sur Exercises (1972) et "Bad Bad Boy", dansant et rock’n’roll, n’est pas loin du glam-rock (comme l’est également l’entêtant "Broken Down Angel") et donne un avant-goût du pub-rock. Ce côté très enraciné, mais saturé et mélodique, peut faire penser à certaines compositions des premières productions de Blue Öyster Cult ("Too Bad, Too Sad", "Alcatraz") - une ombre américaine plane de toute façon sur l’ensemble de l’opus (on pourrait aussi parler du refrain à la Creedence de "Broken Down Angel").
Razamanaz peut légitimement être considéré comme l’album grâce auquel la carrière de Nazareth décolle réellement, devant lequel les deux premiers opus font figure de brouillons. Les Ecossais sont désormais à la hauteur de leur ambition et peuvent obtenir un statut honorable dans l’histoire du rock.
À écouter : "Razamanaz", "Alcatraz", "Night Woman"