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Critique d'album

Robert Wyatt


Rock Bottom


(26/07/1974 - - - Genre : Rock)
Produit par

1- Sea Song / 2- A Last Straw / 3- Little Red Riding Hood Hit the Road / 4- Alifib / 5- Alife
Note de 5/5
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Note de 3.5/5 pour cet album
"Canterbury sous les eaux"
François, le 14/04/2024
( mots)

Depuis son départ de Soft Machine, le parcours de Robert Wyatt chatoie d’un clair-obscur, comme une pleine lune de juin. Après deux albums en 1972, Matching Mole est avorté à cause d’un accident terrible lors de l’anniversaire de Gilli Smyth (membre de Gong, preuve que l’École de Canterbury est avant tout un collectif humain), une chute de plusieurs étages à l’issue de laquelle Wyatt perd l’usage de ses jambes. Abandonnant la batterie, il se met à l’enregistrement de son deuxième album solo (après The End of an Ear, 1970) dont le titre semble évoquer ce triste évènement de façon sous-jacente et implicite : Rock Bottom.


Figure tutélaire de la scène canterburyenne, Robert Wyatt dispose du soutien de Virgin, label disruptif développant son catalogue du côté du rock expérimental, qui déplace son studio nomade (le Manor Mobile) aux alentours d’Oxford où est basé l’artiste – un traitement de faveur qui met en relief l'importance du musicien pour le label (avant une deuxième étape d’enregistrements à Londres). Seul maître à bord, Wyatt s’entoure de musiciens parmi lesquels on trouvera de grands noms de l’École de Canterbury (Hugh Hopper, Richard Sinclair, Laurie Allan), des artistes de l’écurie Virgin (Mike Oldfield, Fred Firth) et des jazzmen talentueux (Gary Windo, Mongezi Feza). Enfin, le producteur n’est nul autre que Nick Mason des Pink Floyd : c’est dire si le dispositif avait tout pour faire de Rock Bottom un chef-d’œuvre.


L’illustration choisie pour la pochette de l’album pourrait être mise en parallèle avec celle du premier opus d’Hatfield and the North sorti la même année. Deux espaces différents occupent distinctement le haut et le bas de l’illustration, mais leur symbolique est inversée : en bas, des fonds marins angoissants (pour Wyatt) s’opposent à la douceur d’un quartier islandais (pour Hatfield), et respectivement, en haut, la légèreté du littoral contraste avec une vision de l’Enfer.


Cette opposition a une traduction musicale : la radicalité expérimentale et la douceur de la chanson, portée par le timbre unique de Wyatt, une recherche de simplicité qui, si l’on en croit Aymeric Leroy, aurait été inspiré par sa compagne Alfie (Alfreda Benge) – on reverra au commentaire de texte très élaboré de l’auteur dans L’École de Canterbury (Marseille, Le Mot et le Reste, 2016, pp.425-436). Cette aura féminine s’illustre sur "Alifib" et "Alife", deux intitulés sous forme de jeux de mots autour du sobriquet de celle-ci. Le premier titre est orientalisant et planant, des divagations guitaristiques s’évadent par-dessus les respirations de Wyatt, le deuxième poursuit dans la même voie quasi-Krautrock, tout en étant relevé par des percussions tribales et un chant incantatoire, puis par des saxophones et clarinettes libérés qui montent en puissance en compagnie du piano.


Deux autres titres en miroir ferment les deux faces de l’album, "Little Red Riding Hood Hit the Road", une fantaisie harmoniquement opulente, quasi symphonique, au rythme indomptable, et "Little Red Robin Hood Hit the Road", d’abord plus proche du rock progressif classique par certaines recherches sonores et mélodiques pour transiter sur une étrange mélopée de marin au concertina, sorte de final folk-expérimental surprenant.


Exemple même de cette volonté de se réapproprier le format chanson pour mieux le "disrupter", "Sea Song" semble être un pastiche de slow qui dérive vers le jazz expérimental dominé par un bourdon envahissant, où le chant finit en onomatopées comme chez Hatfield and the North. On pourrait dire la même chose d’"A Last Straw", titre le plus accessible de l’opus.


Rock Bottom est d’abord la preuve de la vitalité de l’École de Canterbury en 1974, l’année même où Soft Machine et Caravan ne publient aucun album studio, ce qui lui laissait d’autant plus de place pour s’imposer comme une des grandes œuvres de la scène. Plus encore, Robert Wyatt, artiste assez peu prolifique en solo, vient déjà de poser son chef-d’œuvre.


À écouter : "Little Red Robin Hood Hit the Road", "Alife"

Commentaires
DanielAR, le 14/04/2024 à 19:16
Après 50 années d'écoute, je continue de trouver de nouvelles énigmes dans cet album magnifique. Plus il y a de réponses, plus il y a de questions. Je ne connais rien d'équivalent dans ce que nous définissons généralement comme du "rock". Parfois dérangeant, parfois incompréhensible mais génialement habité de bout en bout...
SpiritOfSummer, le 20/09/2023 à 14:53
Excellent le Hatfield & The North ! Plus jazzy et dynamique, mais j’ai quand même une petite préférence pour Rock Bottom (moins mélodique et plus dérangeant), même si à ce niveau stratosphérique la comparaison ne sert pas à grand-chose n’est-ce pas !
FrancoisAR, le 19/09/2023 à 19:22
@SpiritOfSummer. Au regard de la date, tu te doutes que la chronique devrait apparaître sur le site l'année prochaine ... Peut-être pas avec la note maximale, mais cet album reste une des perles de "l'Ecole/scène de Canterbury". Tu en soulignes d'ailleurs bien toute la richesse et la complexité. Il y a néanmoins de la concurrence dans le secteur avec le premier Hatfield and the North.
SpiritOfSummer, le 19/09/2023 à 19:07
On essaye de pas trop vous sûr solliciter :), mais à bientôt une chronique avec la note maximale (ou plus) sur ce chef-d’œuvre absolu à cheval entre l’harmonie et la folie ? C’est quand même fou cette cohabitation parfaite entre l’irréel, l’inconscient et le rêve d’un côté et la vie et le tangible de l’autre, avec ce qu’il y a d’anxiogène et dérangeant ou d’apaisant et rassurant dans l’un ou l’autre, souvent dans un même morceau ! Ce n’est même pas de la cohabitation puisqu’une cohabitation implique un clivage, or cet album gomme magnifiquement toutes les frontières ! Il reste quand même, malgré de nombreuses notes « positives » (au sens sereines), un sentiment de léger malaise… peut-être parce que cette musique dépasse ce à quoi nous nous sommes habitués ?