Rory Gallagher
Tattoo
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1- Tattoo'd Lady / 2- Cradle Rock / 3- 20:20 Vision / 4- They Don't Make Them Like You Anymore / 5- Livin' Like A Trucker / 6- Sleep on a Clothes?Line / 7- Who's That Coming / 8- A Million Miles Away / 9- Admit It
Si ce n’est grâce aux captations live emblématiques que furent Live Europe (1972) et bientôt Irish Tour ’74 (1974), la fougue et l’énergie de Rory Gallagher n’avaient jamais été parfaitement retranscrites sur les productions studio du guitariste irlandais, et ce d’autant moins sur Blueprint qui était un album plutôt apaisé. Or, quelques temps après la sortie de ce dernier, le quatrième album du musicien voit le jour sous le titre de Tattoo. Il rend ainsi l’année 1973 très faste pour sa discographie … et donne un beau coup de fouet à son esthétique blues-rock.
Car Tattoo est sûrement l’album le plus enthousiasmant et le plus puissant que Gallagher ait sorti jusqu’alors. L’opus est comme une déferlante qui nous engloutit dès le tube "Tattoo’d Lady", mélodiquement imparable et offrant à l’auditeur toutes les qualités de l’artiste dès l’arrivée de la guitare suite à l’étrange introduction à l’accordéon. C’est surtout la tournure hard-rock que prend Tattoo qui impressionne le plus. On pense bien sûr à l’incontournable "Cradle Rock", pièce centrale des setlists dès sa création, dont le riff blues est interprété avec une rage et une puissance Heavy, quand les claviers rugissant très 1960’s lui donnent de faux-airs de "Gloria" (des voisins de Them) tout en l’inscrivant dans le courant hard-rock à la Deep Purple. Sur "Cradle Rock", même l’harmonica a l’attaque plutôt rude. D’autres titres s’inscrivent dans ce registre, que ce soit la canaillerie "Admit It" ou encore "Livin’ in a Trucker", qui évoque en introduction "The Green Manalishi" (Fleetwood Mac), et ourdit son riff funk derrière lequel les notes fusent. Même le titre plus classique, "Sleep On a Clothes-Line", se surpasse par sa superbe utilisation du piano sur le refrain qui transcende un morceau assez simple d’où sort une bonne humeur à la Status Quo. Plus intimiste, "A Million Miles Away", au jeu de guitare à la Dire Straits avant l’heure, est rehaussé par le son d’orgue et le saxophone sur le refrain, qui organisent ensuite sa montée en puissance.
Le côté puriste demeure, quand on pense au tamisé "20 :20 Vision", piano saloon et picking en guise de viatique, bien plus convaincant que ses équivalents sur l’opus précédent. Mais Gallagher essaye de dépasser le seul exercice d’hommage aux racines de la musique qui le passionne. Ainsi, "Who’s That Coming ?" reprend l’esthétique du blues du Delta, bottleneck en tête, installe un son organique et roots, aidé par le picking, mais table aussi sur les variations entre guitares acoustique à électrique, et lance un solo aussi impressionnant que saturé. Il joue aussi la carte de la surprise avec l’énergique et légèrement jazzy "They Don't Make Them Like You Anymore", bien qu’il demeure également rock et blues, sur lequel on soulignera une démonstration au piano et la structure variée.
Tattoo sonne comme une envie de grosses guitares et de montée en puissance, augurant ainsi de la direction que Gallagher prendra dans la seconde moitié de la décennie. Mais l’heure est à l’Irish Tour, et à la démonstration de force sur scène, chose d’autant plus aisée que son répertoire est augmenté de pièces d’artillerie lourde prêtes à époustoufler les amateurs de blues-rock débridé.
À écouter : "Tattoo’d Lady", "Cradle Rock", "A Million Miles Away"