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Critique d'album

Styx


Equinox


(00/12/1975 - A&M - Rock progressif / AOR - Genre : Rock)
Produit par

1- Light Up / 2- Lorelei / 3- Mother Dear / 4- Lonely Child / 5- Midnight Ride / 6- Born For Adventure / 7- Prelude 12 / 8- Suite Madame Blue
Note de 4/5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"Certains disent que le monde se terminera par le feu ; d’autres disent que ce sera par la glace. Ceux qui ont connu le désir préféreront le feu… "
Daniel, le 08/02/2025
( mots)

Toute nostalgie mise à part...

Il est de commune renommée que la nostalgie est un poison insidieux (et sans autre antidote que l’oubli) qui gâche chaque instant présent. A ce titre, elle m’est insupportable.

Pourtant, il me faut admettre que l’expression artistique souffrait moins au siècle passé de cette obstination imbécile de rendement immédiat qui est si chère au super-capitalisme contemporain.

Si l’on avait appliqué en 1975 les règles commerciales d’aujourd’hui, aucune compagnie n’aurait encore misé un seul dollar sur un groupe comme Styx qui venait d’enquiller quatre échecs à la suite (1).

Mais, comme disait le vieil Oncle Walt, "Quand tu pries la bonne étoile, et peu importe ta condition, tout ce que ton cœur désire devient réalité". Conscient du potentiel incroyable (quoique inexploité) de "son" groupe, Bill Traut, le patron de la petite firme chicagolaise Wooden Nickel a eu l’intelligence de négocier et signer un contrat pour Styx auprès d’A&M.

Cette signature va modifier le cours du rock puisque, quelques années plus tard, le catalogue de la major comptera dans ses pages quatre albums triplement platinés.

Quatre albums triplement platinés à la suite (2)...

La Vérité ne serait qu'un simple moment d’équilibre entre deux contradictions

Le temps qui a passé depuis Styx I a affiné le rôle des uns et des autres. Les jumeaux Panozzo assurent une rythmique fusionnelle qui s’adapte aussi bien aux harmonies classieuses de Dennis DeYoung (claviers, chant) qu’aux riffs enragés de James JY Young (guitare, chant).

Par contre, John Curulewski (guitare, chant), de moins en moins impliqué dans la composition des titres, semble devenir étranger à ce groupe dont il est pourtant un des membres fondateurs.  

Album après album (et chacun de leur côté), DeYoung et Young ont affiné leur manière de composer. A ce moment de l’histoire de Styx, on peut cependant se demander si leurs arts respectifs, quasiment aux antipodes l’un de l’autre, parviendront à fusionner pour engendrer enfin une œuvre réellement "commune".

Le management d’A&M est suffisamment rôdé pour savoir que la grande qualité du groupe – deux musiciens créatifs aux horizons très différents – a jusqu’alors été son principal défaut (3). Comme on le sait, les quatre premiers albums ressemblent plus à des patchworks qu’à des œuvres abouties.

Le titre du premier album pour A&M n’a pas été choisi au hasard. L’équinoxe est ce moment magique où le jour et la nuit s’équilibrent parfaitement. La symbolique de la pochette (4), où la glace et le feu s’épousent, fait également office de mantra.

Le message est clair : pour décrocher la timbale, Styx doit devenir un "collectif" !

Compteurs à zéro ! On reprend tout depuis le début...

Non content d’avoir toutes les allures d’un premier album, Equinox fige, dans sa structure, le déroulé immuable de tous les opus "classiques" qui vont suivre : intro majestueuse partagée entre raffinement et testostérone, titre de transition, titre musclé, titre progressif, titre musclé, ballade de circonstance, titre de transition, grand final progressif et choral (avec intro ou coda instrumentale).

Malgré une production de qualité (assurée par le groupe qui entend démontrer que l'on n'est jamais si bien servi que par soi-même), la première face du vinyle va laisser les petits rockers sur leur faim.

En effet, même si sa ligne de basse défie par moment les lois de la pesanteur harmonique, "Light Up", la plage titulaire, peine à convaincre.

Il en va de même pour "Lorelei" (5) qui évoque avec une emphase un peu maladroite la sirène légendaire du Rhin dont la beauté faisait perdre la tête aux marins d’eau douce. Une façon poétique d’expliquer que, face à la tentation, la fidélité amoureuse reste un art difficile à pratiquer.

Basé sur un très chouette riff de claviers, "Mother Dear" hésite encore entre deux mondes et souffre d’une structure difficile à appréhender. Il y a des mélodies et des intermèdes progressifs très étonnants mais la sauce manque de liant.

"Lonely Child" élève quelque peu le niveau. Nous tenons ici l’archétype de la power ballad Adult Oriented Rock à la mode Dennis DeYoung. C’est harmonieusement étonnant, vocalement parfait et thématiquement un peu gnangnan.

Par contre (et par bonheur absolu), la seconde face d’Equinox est un vrai coffre aux trésors.

"Midnight Ride" est le premier mariage stygien définitivement réussi entre hard-rock homérique et sophistication. Le phénomène électrique généré par l’alchimie qui opère entre la voix passée au papier émeri de JY Young et les chœurs angéliques (6) de ses coreligionnaires provoque des frissons de bonheur.  

Le décoiffant "Born For Adventure" est un monument épique. Cavalcade rythmique, soli endiablés, harmonies vocales complexes, passage progressif inattendu, final aux allures de KO debout.

Parce que je suis né
Né pour l’aventure
Les femmes, le whisky et le péché
Rien ne pourra m’empêcher
De vivre par et pour l’épée jusqu’à la mort

"Prélude 12" de John Curulewski est une brève mais pure merveille instrumentale truffée d’accents "à la Steve Hackett".  Une introduction parfaite pour "Suite Madame Blue" (7), le premier d’une collection de titres vraiment homériques que Dennis DeYoung composera pour Styx.

Parée de ses plus beaux bijoux, la vieille dame un peu fanée incarne, aux yeux de l’auteur, une Amérique décevante qui a oublié ses valeurs fondatrices et qui manque désormais cruellement d’ambition humaniste (8).

Amérique, Amérique
En rouge, en blanc et en bleu
Observe ton reflet dans le miroir
Tu n'es plus une enfant
En rouge, en blanc et en bleu
Le futur est presque passé
Alors hauts les cœurs,
Prenons un nouveau départ
Emmène-nous loin d'ici



Et le destin se joue sur une inflammation de larynx...

L’album est prêt. 300.000 exemplaires trouvent aussitôt acquéreurs. Principalement au Canada, ce qui aura pour effet de créer cette légende tenace selon laquelle le groupe serait canadien.

A&M organise immédiatement une tournée nationale pour Styx. Les billets s’écoulent en grand nombre tandis que le groupe répète assidûment son nouveau répertoire. Le soir du premier concert, alors que douze mille rockers impatients sont rassemblés dans la salle, John Curulewski demande l’annulation de la soirée. Il souffre d’une laryngite (9). Contraint par le groupe de monter sur scène, il livre à contrecœur une prestation médiocre. Le rideau à peine tombé, les musiciens se retrouvent backstage dans une ambiance que l’on imagine tendue.

Fou de rage, Dennis DeYoung  s’emporte. Il apostrophe le guitariste : "Je ne remonterai plus jamais sur scène avec toi !"

Décrit par le management comme un rebelle taciturne, John Curulewski livre alors ce qui s’apparente à un de ses plus longs discours : "Okay, je me casse !" (10)

Et James Young se voit contraint d’interpréter toutes les parties de guitares durant les shows suivants.

Mais ce ne sera l’affaire que durant quelques jours.

Car, pendant ce temps-là, à 32.000 pieds d’altitude...

Dans le Boeing 727 American Airlines qui a décollé ponctuellement du Montgomery Régional Airport (Alabama), il y a Peter McDusty, un représentant de commerce bien mis. Il est attendu pour une réunion de travail à Chicago. Et il maudit le sort qui lui a désigné ce siège dans la septième rangée.

Quand il vole, Peter McDusty n’aime pas être dérangé. Or, à ses côtés, près du hublot, il y a un très jeune blondinet post-hippie, mal fagoté et très agité, qui mime des soli hystériques sur le manche d’une guitare imaginaire.

Peter n’aime ni le rock, ni les rockers chevelus. Il préfère la coupe GI et le jazz orchestral patriotique. La perspective d’encore passer une paire d’heures à côté d’un chevelu exalté lui déplaît souverainement. Il réfléchit à la réclamation qu’il va introduire au comptoir de la compagnie dès que le tri-réacteur se sera posé...

A la fin de son solo, Tommy Roland Shaw se lance dans une série de power chords accompagnés de hochements de tête. Il s’inquiète pour sa Les Paul Custom blanche qui doit être bien brinquebalée dans la soute à bagages.

Ce que Tommy ne sait pas (et que Peter McDusty ignorera jusqu’à la fin de son existence), c’est que, dans quelques heures, il n’aura même pas à sortir la Gibson de son étui pour décrocher la timbale.

Il lui appartiendra ensuite de concilier le feu et la glace. Ce qu’il fera à merveille...

Mais ça, c’est une autre histoire, young folks !


(1) Styx I (1972), Styx II (1973), The Serpent Is Rising (1974) et Man Of Miracles (1974).

(2) The Grand Illusion (1977), Pieces Of Eight (1978), Cornerstone (1979) et Paradise Theater  (1981).

(3) A l’exception très notable de la plage titulaire de Man Of Miracles.

(4) L’artiste Junie Osaki ne signe pas ici sa pochette d’album la plus inoubliable. Ca sent un peu le travail de commande.

(5) Sorti en single, "Lorelei" atteindra difficilement le Top 30 et ne rencontrera pas le succès attendu. Appelé à la rescousse, "Light Up" restera pour sa part embourbé dans les profondeurs obscures des charts (malgré sa référence à la lumière biblique).

(6) Les langues de vipères parleront ironiquement de vocalises tyroliennes.

(7) J‘ai eu le privilège de voir le groupe interpréter ce titre sur scène et c’est resté, dans mes souvenirs, le point d’orgue du concert.

(8) Sous ses dehors aristocratiques, Dennis DeYoung a souvent écrit des textes qui militaient en faveur des classes populaires et qui critiquaient ouvertement les travers du capitalisme de son temps. On ne peut pas dire que la situation se soit améliorée depuis lors.

(9) Il n’a peut-être pas supporté le chaud et froid de la pochette d’Equinox.

(10) Et il ne reviendra jamais... Devenu professeur de guitare à Chicago, John JC Curulewski foulera encore épisodiquement les planches de scènes locales pour accompagner amicalement certains de ses élèves. Le 13 février 1988, il meurt à trente-sept ans d’une rupture d’anévrisme. Sa pierre tombale (au cimetière Saint Benoît de Crestwood) est d’une simplicité déroutante. Seul son nom y est gravé. "Prelude 12" restera à jamais son dernier témoignage discographique.


 

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