The Allman Brothers Band
Brothers and Sisters
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1- Wasted Words / 2- Ramblin' Man / 3- Come And Go Blues / 4- Jelly Jelly / 5- Southbound / 6- Jessica / 7- Pony Boy
Deux enjeux se posèrent aux Allman Brothers au cours de l’année 1972.
D’abord, il s’agissait de savoir si le groupe pouvait survivre à la mort de Duane Allman, guitariste prodige ayant péri sur la route à la fin de l’année 1971, qui fait perdre toute légitimité au "s" de "brother", Gregg étant le dernier représentant de la famille. Sur Eat a Peach déjà, de nouvelles pièces avaient été enregistrées sans Duane, mais le combo décide de ne pas prendre de nouveau guitariste pour le remplacer, au-delà de quelques invités qui interviennent ponctuellement sur Brothers and Sisters. Comble du malheur, le bassiste Berry Oakley trouve la mort durant l’enregistrement de ce nouvel album, lui aussi d’un accident de moto – il est remplacé au pied levé par Lamar Williams. Autre changement dans la composition du groupe, le claviériste Chuck Leavell vient renforcer le dispositif et apporter une touche soul : on notera sa prestation lors du solo du slow blues lancinant "Jelly Jelly".
Ensuite, si les Allman Brothers étaient considérés comme les fondateurs du Southern-rock, l’émergence de la scène floridienne, plus musclée, s’apprête à leur faire de l’ombre. En 1973, Lynyrd Skynyrd sort son premier album qui lui permettra d’incarner, plus encore que les Allman Brothers, le son sudiste avec ses hymnes et son accent marqué.
Pour autant, le succès mérité obtenu par Brothers and Sisters à l’époque prouve que les Allman Brothers en ont encore sous la semelle et n’ont pas non plus à rougir des Eagles émergents ou du Marshall Tucker Band à peine lancé dans les bacs. Ils parviennent même à mettre au monde deux tubes : "Ramblin’ Man", dont les paroles hippies entrent en contraste avec la musique qui suinte la ruralité, offre de superbes lignes de guitare, et le plus ambitieux "Jessica" qui témoigne de l’apport de Leavell aux claviers et de la mélodicité de Betts à la guitare, ainsi que d’une tendance jazzy sans élaboration trop hautaine. Une certaine modestie et une sobriété propre au Sud, dont la flamme est également ravivée sur le très roots et non moins excellent "Pony Boy".
Néanmoins, quand bien même d'autres titres sortent du lot, notamment "Come and Go Blues", on ne peut pas s’empêcher de penser au renouveau que représente alors Lynyrd Skynyrd en comparant les perles du premier opus de ces derniers avec "Wasted Words" auquel il manque l’élan des Floridiens, ou le soft-rock funky de "Southbound". Comme si Brothers and Sisters était un peu leur baroud d’honneur.
Car aussi bien pour des raisons esthétiques que pour des conflits internes, les Allman Brothers ne brilleront guère durant la suite des 1970’s, avec des albums de toute façon trop peu nombreux pour leur permettre de rester à la page. Mais en quelques années seulement, ils ont laissé un héritage incommensurable.
À écouter : "Ramblin’ Man", "Jessica", "Pony Boy"