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Chronique Cinéma

Pink Floyd - Live at Pompeii


Genre: concert, documentaire
Réalisateur: Adrian Maben
Sortie: septembre 1972
Durée: 60 min. (version originale), 80 min. (version 1974), 91 min. (DVD Director's Cut 2003)
Sociétés de production: Bayerischer Rundfunk (Allemagne), ORTF (France), RTBF (Belgique)
"Le concert sans public du faux flamant rose"
Geoffroy, le 02/11/2009
( mots)
Certains événements tiennent de la grâce, ni plus ni moins. La réunion d’un instant, d’un lieu et de protagonistes uniques, souvent éphémère, mais qui apporte une pièce majeure à l’histoire de l’Humanité.

Nous sommes en 1971 et Pink Floyd s’apprête à offrir une conclusion épique au deuxième chapitre de son œuvre, la consécration et l’aboutissement des trois ans de recherches et d’expérimentations qui ont suivi les crises de folie et le départ du chanteur, auteur et compositeur, Syd Barrett. Après avoir été l’avant-garde d’une scène underground anglaise en ébullition de 66 à 67, jouant aux côtés du Soft Machine de Canterbury et inaugurant le UFO Club pour y balancer tous les soirs les prémices du « Son Pink Floyd », Nick Mason, Rick Wright et Roger Waters décident de recruter le guitariste David Gilmour, ami d’enfance de Syd Barrett, mais se retrouvent malgré tout désemparés face à l’instabilité de leur comparse, les forçant à se séparer de lui de manière quelque peu difficile et ainsi à clore le premier chapitre.
S’en suivent trois années d’évolution et de tâtonnements visuels et sonores durant lesquelles Gilmour, Waters, Wright et Mason se prennent au jeu de la composition et gagnent en maturité, développant leur technique et leurs expérimentations pour aboutir à un équilibre d’une sensibilité rare à travers concerts et albums, se détachant de plus en plus de l‘Underground londonien et s‘imposant dans le paysage musical anglais.
Et nous voilà au début d’une nouvelle décennie pleine de promesses avec un groupe à la pointe de la technologie depuis Atom Heart Mother (1970) et la naissance du « Son Pink Floyd » suscité et tant recherché, avec l’album Meddle (1971).
Apparaît alors un jeune réalisateur, Adrian Maben. Après quelques divergences, Maben réussit à convaincre les musiciens de vivre une expérience unique et découvrir une nouvelle approche de leur musique: un enregistrement live sans public dans les arènes de Pompéi. Peu avant l’avènement mégalo-possessif de Roger Waters, le succès considérable de son premier concept album Dark Side Of The Moon (1973), et le début des problèmes qui en découleront, Pink Floyd allait atteindre le sommet de son art et de sa cohérence, et s’en servir comme tremplin pour atteindre l’apothéose.
Sorti en salle en 1972, il rencontre un franc succès, puis sera réédité en DVD, incluant des scènes studios de l’enregistrement de Dark Side et les commentaires du réalisateur.

Le Live at Pompei s’ouvre sur un écran noir et des battements de cœur, laissant le spectateur dans l’inconnu. Puis se superposent un fond sonore ambiant et des images de la ville, inspirant immédiatement un sentiment d’oppression. Les plans sont statiques et sans vie jusqu’à l’apparition des techniciens installant le matériel au centre même de l’arène et finalement du groupe, prêt à débuter l’expérience, une goutte de pluie en plein soleil…
Du climat mystique de ces gradins vides, Pink Floyd l’utilise et instaure une alchimie totale entre les musiciens et le public immatériel de Pompéi, un contraste où s’expriment pleinement les émotions. Leurs émotions. C’est une osmose transpirante de sincérité qui s’écoule au rythme des coups de caisse claire de Nick Mason, un don de soi unique qui prend toute sa signification au départ du contrechant de David Gilmour et Rick Wright. "Echoes" est la définition la plus pure de la vie, l’histoire du lien entre les Hommes et l’Univers, touchant à l’omniscience: « I am you and what I see is me ». L’essence même de l’existence en vingt trois minutes. Pink Floyd inscrit cet instant dans l’intemporalité à près de deux mille ans de la disparition de Pompéi en lui offrant la plénitude la plus sensible, lisible sur le visage des musiciens. Les solos de Gilmour sont d’un lyrisme poignant à en décrocher des larmes, une explosion sonore des plus grandioses doublée des lignes de basse profondes et sévères de Roger Waters. Et sur ce groove bluesy, un seul mot s’impose: cohérence. Jamais le Floyd n’aura été aussi beau dans sa complicité, chacun de ses membres se complétant pour atteindre l’apogée… Deux fois… Car "Echoes" sera la naissance et la mort de cette expérience, et entre les deux extrémités de cette vie, des fragments y trouvent leur place, formant une mosaïque d’expressions et de sentiments.

Tout ne fut malheureusement pas enregistré à Pompéi. Des problèmes de timing et des déboires techniques forcèrent le groupe à s’installer dans un studio parisien pour achever la production. Mais les titres sortis de ces sessions sont tout autant appréciables et n’ont que peu perdu du mysticisme originel (le spectateur peu attentif pouvant aisément penser qu’il s’agit simplement d’un tournage de nuit dans l’arène). Ainsi "Careful With That Axe" est le premier de ces morceaux. L’une des premières compositions de Roger Waters, grand moment des lives floydiens, est une improvisation tournant sur une boucle en mi, ponctuée par les chuchotements et les explosions vocales de la voix si particulière du bassiste. L’éclairage est minimaliste, renforçant l’intimité entre les membres du groupe et les superpositions d’images du Vésuve filmées par Haroun Tazieff apportent beaucoup à l’image de l’œuvre.
"A Saucerful of Secrets" est l’une des pièces centrales des expérimentations de Pink Floyd, la symbolisation du chaos. Et pourtant de ce chaos, il ressort une nouvelle fois une entente entre les frappes de Waters sur les cymbales, la montée dans les aigus de Gilmour au bottleneck, les roulements de toms de Mason et les dissonances de Wright. Les images du bassiste matraquant son gong en contrejour sont visuellement frappantes, et l’on peut ressentir cette espèce de transe physique l’habitant, comme l’envie de faire ressortir quelque chose de positif de ce bruitage, une caractéristique naturelle du Floyd de toujours voir surgir la beauté de l’inconnu, et la beauté, la voici. Deux accords transitoires de Wright puis le thème principal repris en tutti dans une montée progressive sublimée arrivant au terme de son intensité lors du départ des vocalises lyriques du guitariste. Un moment de grâce.

Retour aux studios. "One of These Days…" fait la part belle à l’instinct de Nick Mason puisque les bandes ont disparu et que les seuls extraits sont ceux de sa caméra. Sur fond d’images de l’arène, le premier morceau de Meddle ne laisse aucune place à la technique. Il est un débordement de feeling se lisant sur le visage du batteur, à tel point que la perte de sa baguette dans la dernière partie apporte un suspense et une tension palpable. L’art de la spontanéité. Le solo de basse en delay montre que le groupe s’éloigne peu de la version studio, l’album n’étant pas encore sorti à l’époque du tournage et certainement pas encore éprouvé en live.
Quant à "Set the Controls for the Heart of the Sun", elle est la perle noire de Pink Floyd. Le joyau oriental composé par Roger Waters pour l’album Saucerful of Secrets prend tout son sens dans cette version. L’introduction du gong puis le départ du thème principal transportent l’auditeur dans un état de réflexion poussée, le chant du bassiste se faisant lancinant et envoutant, à l’image du texte, mystique. La répétition de « … the Heart of the Sun… » fait place à une accélération du tempo aboutissant à une partie centrale dénuée de section rythmique d’un psychédélisme subtil avant la reprise et la fin du morceau, s’achevant comme il est né, en fondu sonore.
La touche d’humour canine "Mademoiselle Nobs" est tout bonnement hilarante. Autre extrait de Meddle, mais plus connue sous le nom de "Seamus" (patronyme de l’animal), il s’agit d’une interprétation d’un blues basique de Waters à la guitare, Wright mettant en condition la chienne réagissant certainement au son de l’harmonica de Gilmour. On y voit clairement l’esprit de détente et de complicité qui régnait au sein du Floyd à l’époque.
Plan des eaux bouillonnantes du Vésuve sur fond de corbeaux angoissants, retour à la genèse. Le mystérieux passage expérimental de "Echoes" est telle une traversée, une lente progression dans l’inconnu et la peur de la mort. Plus de discernement, on ferme les yeux et on se perd, à tel point que l’on doute toujours de la résurrection, et pourtant, comme toujours, l’éclaircie succède à la tempête, encore plus belle qui si elle ne s‘était jamais dissipée… La remontée s’installe lentement et envahit l’auditeur, de plus en plus fort, de plus en plus profondément, elle s’écoule et se répand jusqu’à l’explosion… et la plénitude. La reprise se fait majestueuse, d’une douceur incomparable, l’harmonie fragile des voix de Wright et Gilmour, symbole d’espoir, « So I throw the windows wide and call to you across the sky »… Puis s’estompe l’intensité, se laissant aller au rythme des broderies du guitariste et claviériste jusqu’à l’écho final…

Ainsi s’achève l’expérience, la preuve que la musique de Pink Floyd peut exprimer son aura en dehors de la reconnaissance du public, dans un lieu et un contexte auxquels elle s’associe, faisant ressortir sa sensibilité dans sa plus belle expression. Un projet unique pour un groupe qui a toujours su se démarquer. Il est l’aboutissement d’une recherche transformée en véritable déluge technologique (pour l’époque) et le point de passage obligatoire à la conception de Dark Side of the Moon. Le Live at Pompei est aujourd’hui considéré comme l’apogée de Pink Floyd par les puristes de la recherche sonore et du psychédélisme, et représente l’image du groupe que l’on se doit de garder. Loin des histoires de fric ou d’égo, simplement quatre mecs heureux de jouer, ensemble.
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Commentaires
Maxime, le 30/01/2016 à 12:08
Superbe critique !