Hellfest 2016, deuxième dimanche de sabbat
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Introduction
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- La Vallée, refuge des étrangers
- Enfer et damnation
- La fin de Sabbath
La fin de Sabbath
Et à la der des der. Même si Ozzy est coutumier des tournées d’adieux qui n’en sont pas vraiment, on commence à se douter qu’avec pas loin de 70 piges au compteur, les membres de Black Sabbath ne comptent pas faire de vieux os. Autant s’en aller avec panache et en apothéose, et c’est justement le but de cette tournée The End qui prendra fin, c’est le cas de le dire, le 7 février 2017 à la Genting Arena de Birmingham, là où tout a commencé. En attendant, le Sab revient honorer le Hellfest de sa présence pour la deuxième fois en trois ans, et il n’était pas question de manquer ça. D’abord parce que leur passage de 2014 avait été un grand moment, ensuite parce que qu’on le veuille ou non, Sabbath reste l’un des derniers piliers du classic rock encore en activité après que Rush ait pris sa retraite, même si nous pouvons encore composer avec des Stones décatis ou un Deep Purple qui ne ressemble en rien à son équipe star. Tout privés de Bill Ward qu’ils soient, les ferronniers des Midlands restent incontournables, même s’ils s’accrochent à leur étiquette heavy metal, même s’ils se produisent dans un festival aussi référencé que le Hellfest.
“C’est qui, Black Sabbath ?” “C’est eux qui ont inventé le heavy metal !”, tel est le dialogue que je surprends non loin de moi tandis que j’essaye de me dégager un point de vue idyllique sur la main stage. Penser qu’il n’y ait que les métalleux à vraiment connaître la riche œuvre de l’un des groupes piliers des 70’s, c’est à se frapper la tête contre les murs, mais ainsi va la vie, et après tout, les membres de Sabbath eux-mêmes sont en grande partie responsable de leur propre catalogage, so… D’ailleurs, les prémices du concert brossent les headbangers dans le sens du poil. Sur l’écran géant apparaît une cinématique animée dans laquelle un démon infernal naît d’un œuf alienoïde, grandit en force et en fureur puis incendie les lieux en embrasant au passage le logo Black Sabbath. L’animation, digne d’une cinématique PS4 tendance haute, est franchement pas mal foutue et crée son petit effet dans l’assistance. “Oh là, on va avoir droit à du lourd, là !” Tu ne crois pas si bien dire, mon bonhomme. A peine le film achevé que la scène se trouve plongée dans l’obscurité et que retentit le célèbre triton de “Black Sabbath”. Silence glacé dans l’assemblée, la magie opère. Ozzy apparaît seul sur scène, silhouette spectrale effrayant la foule par ses harangues glacées, tandis que les autres font surface lorsque le refrain se met en branle et que les moteurs atteignent le point de fusion. La machinerie sabbathienne se montre parfaitement huilée, et même si la foule connaît par cœur le morceau en question, il fonctionne toujours aussi bien, plus de quarante-cinq années après avoir été joué pour la première fois. Pendant ce temps-là, à l’écran, d’impressionnants effets spéciaux viennent envelopper les instrumentistes qui semblent s’enflammer sur scène, le réalisateur prenant un plaisir tout particulier à filmer en gros plan les mains de Tony Iommi et ses prothèses digitales, les fameux heavy metal fingers. C’est ce qui s’appelle touche la légende du bout des doigts, d’autant que l’homme, à la six cordes, se montre intraitable tant avec ses riffs qu’avec ses soli chargés de blues.
Si le Sab soigne sa mise en scène, il n’en oublie pas de sonner. On ne va pas refaire ici l’apologie de la paire Iommi - Butler, si ce n’est pour rasséner une évidence, une seule : en terme de lourdeur et de maîtrise de la distorsion, on ne fait pas mieux depuis 1969. Black Sabbath sonne heavy, mais Black Sabbath prend aussi du plaisir, à l’instar d’un Ozzy Osbourne heureux comme un gosse d’arpenter la scène, d’invectiver la foule, de gesticuler, de balancer ses “I can’t fucking hear you!” et ses “God bless you all!”. Moins taquin qu’en 2014, Ozzy semble plus concerné, comme conscient d’une certain gravité entourant ce groupe qui va bientôt tirer sa révérence. Pas question de foirer le coup, et cette fois-ci, la sauce prend directement et reste liée jusqu’au bout. Lui qu’on avait connu approximatif voire franchement faux à l’occasion se révèle intransigeant sur le plan vocal, presque à son niveau des années 70 - exception faite de quelques aigus intelligemment évités. Derrière ses fûts, Tony Clufetos essaye de donner le change à Bill Ward, et il y arrive bien, le bougre. A certains moments néanmoins, on sent de très légères périodes de flottement. “Ça ralentit, là, non ?” En fait non, c’est juste que le sens de la mesure chez Sabbath n’a rien de la rigueur métronomique des superstars du metal. Iommi et Butler jouent de respirations, de contrastes, appuient certaines notes et en retiennent d’autres, habitués en cela par un Ward qui, en son temps, maltraitait la rythmique au gré de ses humeurs et de son inspiration. Le guitariste et le bassiste, eux, dessoudent comme en 40 et en font voir de toutes les couleurs à un batteur pourtant loin d’être manchot. Force est pourtant de constater que ce dernier a parfaitement su s’adapter au style jazzy-percussionniste de Ward, même si on aurait bien sûr souhaité voir l’original participer aux réjouissances.
Quant à la tracklist, faisons court : elle est parfaite. Autant en 2014 il fallait évidemment laisser une bonne place au récent (et néanmoins pas dégueu) 13, autant là, il s’agit de jouer sur la fibre nostalgique et d’y aller à fond. Résultat : Paranoid garde une place de choix (ah, ce “Faeries Wear Boots”, quel pied), mais on retrouve avec bonheur une bonne moitié du mastodonte Master Of Reality, un petit “Snowblind” des grands-mères histoire de saluer Vol. 4, et même, à ma plus grande joie, le rarissime “Dirty Women”, le meilleur morceau de Technical Ecstasy et de mon point de vue l’une des meilleures compositions de Sabbath. La foule des metalheads peut ainsi redécouvrir ce heavy rock à l’ancienne, cette alternance de blues et de coulées de plomb en fusion, ces soli à chaque fois improvisés (Iommi est incapable de rejouer deux fois le même solo à l’identique), cette basse tantôt funèbre, tantôt électrique. Comme il est bon de se laisser emporter par un “War Pigs” tellement essentiel, tellement riche de sons, de styles et de nuances, chaque nouveau riff emportant le titre dans de nouvelles directions. Tout le set est au petit oignons : le solo de basse à la wah-wah de Butler sur “N.I.B.”, le “Rat Salad” interprété par Clufetos là encore dans la plus grande tradition des cogneurs de Birmingham (Bonham et Ward, pour le pas les nommer), le metal chrétien (si si, relisez les paroles) “After Forever”, d’une pesanteur et d’une allégresse peu communes, etc etc. Si on voulait faire la fine bouche, on ferait remarquer que la fête n’a pas été complète en l’absence des deux pièces immenses que sont “Supernaut” et “Sweet Leaf”, mais bon, en deux heures, il fallait bien faire des choix.
Et lorsqu’Ozzy annonce la cessation des hostilités, c’est l’abyssal “Children Of The Grave” qui se charge de mettre un point final à la prestation, “sauf si vous faites un putain de vacarme”, lance Ozzy d’un air gouailleur. Et il faut croire que la plèbe aime Sabbath, même si le contraire eût été étonnant. Les quatre hommes peuvent donc remonter sur scène pour profiter du triomphe qui leur est fait. C’est bien sûr “Paranoid” qui clôt l’envoi, mais Ozzy, Iommi et Butler restent ensuite longuement sur scène, souriants, sereins, fiers de leur coup d’éclat. Malgré d’innombrables tribulations ayant entaché le nom du groupe pendant des dizaines d’années, Black Sabbath peut enfin raccrocher le cœur tranquille et la tête haute. Belle émotion pour l’un des plus fabuleux concerts auquel il m’ait été donné d’assister. Et s’il a fallu pour ça supporter les vrais-faux disciples parfois difficilement supportables du Sab, la récompense fut au bout du chemin. So long, Birmingham boyz, and keep on rocking…
Setlist :
Black Sabbath
Fairies Wear Boots
After Forever
Into the Void
Snowblind
War Pigs
Behind the Wall of Sleep
N.I.B.
Rat Salad
Iron Man
Dirty Women
Children of the Grave
Rappel :
Paranoid