Calexico
Algiers
Produit par
1- Epic / 2- Splitter / 3- Sinner In The Sea / 4- Fortune Teller / 5- Para / 6- Algiers / 7- Maybe On Monday / 8- Puerto / 9- Better And Better / 10- No Te Vayas / 11- Hush / 12- Solstice of a Vanishing Mind
A l’écoute de certains albums qui coulent telles des rivières sereines, on a vraiment l’impression qu’écrire de la bonne musique n’a vraiment rien de compliqué. Pour autant, l’abondance de talents, même si on peut la ressentir instinctivement en appréciant les qualités d’un groupe, ne se traduit pas automatiquement par un résultat constamment probant. Prenons le cas de Calexico : une rapide rétrospective de la discographie du tandem Burns - Convertino a tôt fait de révéler une formation certes douée, détentrice d’un style très personnel, à la croisée de l’indie, de la folk et du latino, mais parfois un peu décevante dans sa délivrance. Si Garden Ruins marquait un tournant vers une pop-rock plus accessible avec un certain brio, délaissant certains à-côtés kitchs des précédents disques, Carried To Dust avait tendance à délayer le propos sur des longueurs pas forcément toujours enthousiasmantes. Il n’en fallait pas moins pour que les natifs de Tucson retournent à leurs fondamentaux, à savoir tout simplement l’écriture de beaux morceaux, simples, directs, qui touchent au coeur sans prendre de chemin détournés. Dans ce registre, Algiers fait vraiment très fort.
Difficile de comprendre ce qui a empêché Calexico d’atteindre une telle osmose émotive jusqu’ici. A l’écoute de morceaux aussi inspirés et poignants que "Epic", progression sentimentale éclatant sur fond de guitare sèche et triste, de violoncelle solennel et de petites piques électriques caressantes, on tombe presque des nues, d’autant que cette introduction précède un disque de tenue constamment élevée, à l’image du sémillant et enlevé "Splitter" qui lui fait suite, parfait de bout en bout. Que ce soit au son de trompettes pleines de soleil glissant sur une slide rêveuse ("Sinner In The Sea"), d’une folk enchanteresse de simplicité ("Fortune Teller") ou d’une étouffante déclamation de souffrance pudique ("Para"), les américains trouvent toujours le ton, le style, la mélodie justes. Impeccable jusque dans la digression instrumentale centrale ("Algiers", remarquable de pertinence), ce septième album poursuit une belle progression par la suite, même si le rythme a tendance à se faire plus contenu ("Better And Better", "Hush", prouesses folks assoupies qui rappellent presque les plus belles pièces d'orfèvre de leur collègue Samuel Beam). Ici, les morceaux americana chantés en espagnol se fondent aisément dans l’ambiance à la fois triste et solaire de l’album ("Puerto", Not Te Vayas"), tandis que le plus indie "Better And Better" va refiler des complexes à tous les songwriters américains de renom. Même le conclusif "Vanishing Minds", parfaite synthèse de l’esprit Calexico, chant à deux voix qui flanque la chair de poule, guitare slide suspendue dans l’espace, violons radieux, piano doux, traces de cuivres irradiant de sérénité, permet de conclure ce disque par un sans faute.
Alors, quel est le secret pour faire de la bonne musique ? En nous plongeant dans les interviews que Joey Burns a accordées pour promouvoir Algiers, on apprend que le groupe est passé par une phase riche en émotions de toutes sortes, entre décès de proches, mariages, naissances, sans même compter la tristement célèbre tuerie de Tucson en janvier 2011 au cours de laquelle la sénatrice démocrate Gabrielle Giffords, amie proche du groupe, à été grièvement blessée. La réponse à la question ci-dessus coule de source : pour émouvoir, il faut être soi-même ému. N’hésitez donc pas à vous laisser emporter par les sentiments simples et beaux de cet Algiers afin de goûter à la quintessence de Calexico, et surtout espérons que cet état de grâce se poursuive. Chapeau bas.