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Pink Floyd, from discovery to immersion


Nicolas, le 16/01/2012

Psychédéliques sixties : psychédélires et psychédélices (troisième partie)


Les folkeux ne seront pas épargnées, d'ailleurs pourquoi le seraient-ils? La musique populaire anglaise, à l'instar de la country, a toujours mis en valeur des qualités champêtres. Aux États-Unis, le Grateful Dead ou les Byrds ne se sont pas privés d'explorer cette piste, l'Angleterre n'a pas été moins réticente dans la mesure où l'idée d'aller plus loin dans l'exploration de sa propre conscience n'était pas antinomique avec la tradition folk. Tout comme Dylan délaissant la guitare acoustique au fameux festival de Newport en 1966, des groupes comme Lindisfarne, Pentangle, l'Incredible String Band mêlant acoustique et instrumentation exotique ou Fairport Convention avec son fabuleux guitariste Richard Thompson vont imprégner leur bucolisme de schémas plus électriques. La différenciation avec le folk-rock sera, à cet égard, très peu instrumentale; on peut simplement dire ces groupes s'intégraient dans une perspective contre culturelle et n'hésitaient pas, par conséquent, à s'ouvrir à l'idée d'expérimentations soniques. Donovan par exemple, surnommé le "Dylan anglais, après quelques hits acoustiques et pacifistes engrangera plusieurs 45 tours fleurant bon le psyche-foilk: "Mellow Yellow", "Sunshine Superman" et "Hurdy Gurdy Man". On discerne alors comment la fonction du troubadour baladin va trouver sa justification dans dans ce cheminement qui se fait alors gorgé de spiritualités.

On peut y voir comme un parallèle avec ce que pourraient être ces Chansons de Geste sixties telles qu'on a pu les trouver dans les groupes pré-cités (le transfigurant "Meet On The Ledge" de Fairport Convention par exemple) mais aussi chez ni plus ni moins que les Rolling Stones, du moins quand Brian Jones y était encore actif. 'Lady Jane" (chanson cryptique puisque pouvant faire référence à la marijuana) est accompagnée au dulcimer (peut-on trouver plus médiéval) et même un titre comme "Mother's Little Helper" avec son riff orientaliste lancinant n'est pas éloigné de ce que pourrait être un mantra. L'apogée de Brian Jones sera l'album Their Satanic Majesties Request.


Bien qu'injustement décrié ce disque restera comme le plus créatif du groupe. Il fourmille d'instrumentations discordantes mais aussi foisonnantes (innombrables effets spéciaux, utilisation du mellotron, rythmes africains, etc.) et se situe délibérément ailleurs dans l'espace ("In Another Land") mais également dans le temps. "Citadel" et "Gomper" ont des effluves moyen-âgeuses, "The lantern" semble être sis à une époque indéterminée et "2000 Man" tout comme "2000 Light Years From Home" sont sur un registre semblable à celui d'"Astronomy Domine". Le morceau le plus accrocheur lui-même, le "single" "She's A Rainbow" est un parfait exemple de mélodie glorieusement ornée de piano et d'harmonies psychédéliques. Les deux versions de "Sing This All Together" insistent sur ce que l'aspect "mantra" peut avoir d'hypnotique et on peut comprendre que Les Stones aient pu souhaiter apporter un juste réponse à Sergent Pepper's.

Qu'ils y soient parvenus est une autre affaire car si ce disque souffre d'une chose, c'est bien d'être trop démonstratif, voire volontariste. Plutôt que de gloser, une fois de plus (et de trop !), sur l'album des Fab Four il conviendrait plutôt de se pencher sur le diptyque liverpuldien qui le précède, le "double A-Side single" constitué de "Penny lane" et "Strawberry Fields Forever".

Le premier titre est une évocation lumineuse, merveilleusement arrangée, de la vie quotidienne de cette rue de Liverpool fréquentée par le groupe. Il s'agit d'un tableau réaliste social ou sociétal ancré dans la réalité. L'autre morceau est également un lieu situé dans le même quartier, mais, plutôt que de cultiver la même tangibilité, il glisse de manière insidieuse dans cette autre réalité telle qu'elle peut être invoquée par le rêve, l'inconscient, l'hallucination dont il importe peu de savoir qui la provoquerait: "Living is easy with eyes closed misunderstanding all you see. Les Beatles synthétisent ici à merveille et avec subtilité ce que plonger dans l'exploration de soi veut dire et l'optimisme qui, à l'époque, en était généré: "It's getting hard to be someone but it all works out." On ne peut qu'être pantois devant ces deux éclairs de finesse et de distinction, à mille lieux de ce didactisme un peu lourd qui caractérisait d'autres productions. De ce point de vue, "Lucy In The Sky With Diamonds" se révèle presque trop probant, évident, comparé à ces deux morceaux.

On le voit donc, le psychédélisme britannique imprègnera toutes les strates de la scène musicale et, tout comme la contre-culture hippie s'interroge sur la tangibilité des choses, il va en conséquence remettre en question la perception même que nous pouvons avoir de la dite réalité.


Une des facultés qu'on prête à la drogue (en particulier le L.S.D.) va au-delà de l'aspect purement "récréatif" : c'est de rendre notre esprit plus affuté et par conséquent d'élargir nos sensations.

À San Francisco, le Jefferson Airplane disait sur "White Rabbit": "feed your head"; les Who, quant à eux semblaient se montrer attentifs à cette notion de sens en éveil avec la vision surmultipliée développée dans "I Can See For Miles".

D'autres groupes, d'emblée, épousent la cause psychédélique. The Crazy World of Arthur Brown et son pyrotechnique et unique tube, "Fire" ou The Smoke, par exemple, dont le nom est plus évocateur que les paroles de leur seul "hit", "My Friend Jack". Il s'agit d'une chanson pop-rock accrocheuse arrangée à grands renforts de distorsion et de feedback : "My friend Jack eats sugar lumps.../ He's been traveling everywhere. Les morceaux avalés sont vraisemblablement d'une nature différente de celle du glucose, tout comme les voyages mentionnés sont autre chose que des simples excursions d'agrément puisque le "trip" était le nom que l'on donnait aussi aux expériences sous acide.

Citons, également, Tomorrow, auteur d'un album éponyme copieusement orchestré de bruits divers et de mélodies biscornues comme "My White Bicycle" hommage aux "Provos", ce mouvement contestataire qui proposait des bicyclettes blanches gratuitement et en libre service aux habitants d'Amsterdam. Petite heure de gloire pour ce "combo" dont le line-up incluait à la six cordes Steve Howe, le futur guitariste de Yes.

La même verve et la même veine animaient un groupe comme The (Social) Deviants qui, après quelques albums très dadaïstes, donna ensuite naissance aux Pink Fairies

Dans la même veine, on néglige un peu trop un combo comme The Move, exemplaire à plus d'un titre de cette scène psychédélique sur le fond comme sur la forme. Originaire De Birmingham, ce groupe était dirigé par un compositeur-chanteur hors pair, Roy Wood. Ajoutons à cela qu'il était coaché par un manager, Tony Secunda, dont les méthodes fracassantes (postes de télévisions détruits, effigies politiques lacérées) inspireront sans doute plus tard Malcolm McLaren avec les Sex Pistols. Leurs premiers "singles", accrocheurs en diable sont des merveilles d'inventivité psychédélique. Harmonies vocales confondantes, effets spéciaux ahurissants (échos, phasing, larsen, etc.) "Night Of Fear" (dons l'into ravageuse est empruntée à l'Ouverture 1812 de Tchaïkosky) est une exploration tonitruante dans ce que peut être une nuit cauchemardesque induite par ce qu'on voudra bien imaginer. Le "B side", "Disturbance", sonne comme un voyage chaotique dans le royaume de l'aliénation et pose ainsi le problème de la folie mentale. Viendra ensuite "I Can Hear The Grass Grow" qui pourrait être comme interprété comme la magnification de ce que serait notre ouïe sous certaines influences tout comme un évidence quant à la nature de l'herbe dont il s'agit.

Leur premier album, éponyme, essayera de prolonger le fil (en particulier avec le récit schizophrène contenu dans "Cherry Blossom Clinic") peu après un troisième "single" plus mesuré, "Flowers In The Rain". Suivra ensuite, "Wild Tiger Woman" plus anodin et ensuite un "Blackberry Way", étonnante composition pop pétrie d'harmonies vocales et d'un humour grinçant dont l'humeur n'est pas sans évoquer le "Waterloo Sunset" des Kinks. En 1970, changement de direction puisque Wood suggère à Jeff Lynne de rejoindre le groupe. Shazam les verra s'orienter vers une musique plus "ambitieuse" (dont une reprise de "Cherrry Blossom Clinic" plus déconstruite) qui lorgnera du côté d'un certain Sergent.

Entre temps le groupe, signé sur Decca, avait intégré Deram, une branche du label dédié aux musiques "autres".

Peu à peu The Move, sous l'influence de Lynne, s'orienteront vers une pop plus "grand public", signent chez Harvest (la branche "indépendante" de E.M.I.) avant qu'ils ne décident de se renommer et d'adopter le patronyme d'Electric Light Orchestra, puis de E.L.O. A ce moment-là, Wood était parti et on connait la suite…

Baissers de rideaux


La carrière des Move est représentative à plus d'un titre de la lente évolution de la musique au seuil des années 70. Tout comme Harvest, une autre "major" de l'époque (Phonogram) avait créé un label dédié à ce qu'on nommait encore l'"underground", il s'agissait de Vertigo et l'une des premières signatures en fut Black Sabbath. A peu près à la même époque, Girgio Gomelsky, ancien manager des Stones fondait Marmalade, un label alternatif qui signa The Blosson Toes dont les deux albums prenaient une direction "psyché-progressive" et Virgin Records était créée. Un de ses premiers succès (Tubular Bells de Mike Oldfield) signifiait de façon indéniable combien le rock s'orientait différemment vers la "progressive music" avec des groupes comme Yes, King Crimson, Emerson Lake & Palmer ou... le Pink Floyd.

Celui-ci était signé sur Harvest (au même titre que Deep Purple par exemple) tout comme Syd Barrett dont The Madcap Laughs sortira début 70 en même temps et sur le même label que celui d'un autre non conformiste, Kevin Ayers. Ayant quitté The Soft Machine, le chanteur compositeur allait nous offrir ce qui sera peut-être un des derniers albums qu'on pourrait qualifier de psychédélique dans son inspiration, Joy Of A Toy. Sous son titre et en dépit d'une certaine nonchalance, Ayers va nous délivrer quelques titres du plus bel effet (psychédélique cela va sans dire). "Stop This Train (Again Doing It)" s'avère être un road-song diabolique et hantant, tout comme le chevrotant "Girl On A Swing" peut se montrer habité. "The Lady Rachel" parvient à conjuguer Chanson de Geste et psychédelia presque gothique; le tout donnant à l'album ce parfum inquiétant de comptines enfantines mais à la lisière de la rupture.
Un peu comme le disque de Barrett en tant qu'instantané de cette déliquescence mentale occasionnée par un L.S.D. qui aggravera certaines tendances schizophréniques de l'ancien vocaliste du Floyd, une page va se tourner musicalement mais aussi sociétalement.

L'utopie de Woodstock a, entretemps, laissé place au cauchemar d'Altamont, l'ère des concerts gratuits semble alors peu à peu révolue tout comme l'idéologie du Summer of Love même si le Pink Floyd nouvelle mouture présentera Atom Heart Mother en avant-première à Hyde Park.

Il est vrai que, depuis quelques années, le L.S.D. avait été interdit aux U.S.A comme en Angleterre et que les descentes d'acide n'étaient sans doute pas à la hauteur des montées espérées et qu'il y avait sans doute une certaine candeur à penser qu'un stupéfiant quelconque pouvait transformer n'importe qui en être sage et avisé.
La musique elle-même on l'a vu avait nécessité d'évoluer et, de la même manière que la société se normalisait peu à peu face aux crises économiques successives, le rock opérait une évolution générale vers un certain classicisme, que ce soit le jazz-rock, le space-rock planant, le rock progressif ou l'alliage entre rock et "grande musique". Le Melody Maker, un hebdomadaire musical de l'époque (une période où, en Grande-Bretagne, on en trouvait trois !) posait même la question: "Has Rock become despectable? Même si les réponses ne peuvent être que nuancées, l'interrogation qui émanait du magazine prouvait bien qu'il se lénifiait quelque peu. L'activiste radical américain pouvait alors se permettre de dire ceci sans qu'on puisse trop lui apporter contradiction: "The '60s are gone, dope will never be as cheap, sex never as free, and the rock and roll never as great."

Citation polémique, certes, il est vrai que les punks n'avaient pas encore jailli de la sphère rock pour lui permettre de se réveiller. Mais ceci est une autre histoire…
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Commentaires
Sylv, le 05/08/2018 à 09:40
A momentary lapse of reason n'est pas que passable : cet excellent album contient au moins deux joyaux et est très sous-estimé. Hormis The Final Cut, aucun album du Floyd n'est raté et au moins quatre sont des chefs-d'oeuvre : Meddle, The dark side of the moon, Wish you were here et The wall. Étant donné le sublime absolu auquel atteignent certains morceaux de leur oeuvre (Echoes, The Great gig ont he sky, Shine on you crazy diamond I to V parmi d'autres) et leurs extraordinaires innovations musicales, conceptuelles et scéniques, les Pink Floyd me semblent être le meilleur groupe de tous les temps. Loin devant les Beatles, les Doors et a fortiori les Stones.