Ange
Moteur!
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1- Tant Pis l'Indien / 2- Saga / 3- Rien n'est trop beau pour toi / 4- Mourir, souffrir / 5- Touchez pas à mon ciné / 6- Détective privé / 7- Un autre jazz / 8- Moi, pas idiot ! / 9- Assis ! / 10- Chatte, chatte
Le rock progressif est déjà bien loin en 1981. Au niveau international, bien que les chefs de file du genre soient toujours en activité, ils n'ont pas échappé à la tentation d'un son plus pop, plus FM et finalement moins intense. C'est le cas de Genesis qui a sorti Duke l'année passée ou de Yes qui présentait Drama. Cette remarque pour rappeler que le virage du prog vers le pop-rock est un mal de l'époque et non quelque chose que l'on pourrait reprocher aux seuls anges.
En plus de cela, au début des années 1980 en France, le rock se résume à deux groupes qui envahissent les charts : Téléphone, avec un rock basique et efficace à la manière des Who ou des Stones et Trust, au son plus hard, avec des riffs gras à la manière d'AC/DC. Autant dire que le public français semble avoir tourné la page angélique. La vague punk n'y est pas pour rien non plus.
On avait senti sur Vu d'un Chien qu'Ange n'était pas dupe de ce qui plaisait à la nouvelle jeunesse en proposant un univers plus rock et direct. Avec Moteur !, le groupe signe un album moyen qui veut répondre au même objectif mais qui fait encore s'éloigner les afficionados.
Pourtant, ils semblaient avoir renoué avec l'idée du concept album car Moteur ! tourne autour d'un même thème, celui du cinéma. Le problème est que le concept n'est pas suffisamment développé. Au fur et à mesure des morceaux, le champ lexical du 7ème art est certes récurrent mais on ne sent pas vraiment de fil conducteur.
L'opus est en plus très inégal. Il est dans l'ensemble très rythmé, percutant avec de bons moments rock et directs dont les refrains s'installent immanquablement dans votre tête pour ne plus en sortir ("Tant Pis l'Indien, "Mourir/Souffrir", "Un Autre Jazz"). Ce que l'on peut déplorer est l'utilisation abusive des synthés qui viennent gâcher de vrais bons moments rock comme sur "Mourir/Souffrir", malgré un riff d'intro qui nous donnait l'espoir que Francis Décamps se calme un peu sur ses claviers très eigthies.
Les textes ne sont clairement plus au niveau. On a la triste et douloureuse impression que la plupart des paroles ont pour but de remplir les pistes pour ne pas les laisser vides, sans véritables recherche. Ce reproche peut être fait à l'ensemble des titres où aucun moment de poésie n'est malheureusement à décompter. Pour les pires d'entre elles, on notera "Moi pas Idiot" et son manque d'inspiration évident ainsi que "Chatte/Chatte" et son côté tendancieux lourdingue malgré une mélodie plutôt passable.
On peut compter quand même de beaux moments à l'écoute de cet album mal-aimé. "Rien N'est Trop Beau Pour toi" nous envoute de ses nappes aériennes qui entourent l'interprétation de Christian Décamps, parfaite avec le texte le moins "loupé" de l'album. Saviez-vous aussi qu'Ange s'était essayé au punk ? Bon, nous sommes loin des Ramones et autres Sex Pistols mais la rythmique de "Détective privé" s'apparente à ce style sans se prendre au sérieux et en restant agréablement en tête. On dira que c'est un punk franchouillard et rigolo.
Deux grands morceaux à retenir ! Le blues "Touchez Pas A Mon Ciné" est superbe. Tous les instruments sont exactement là où ils se doivent d'être. La progression vers les refrains est en synchro parfaite avec le chant du père Décamps. Sur cette piste, c'est surtout le pont qui mène au solo (au top !) de Robert Defer qu'il faut retenir. Ange ne se prête que rarement à ce genre d'exercice bluesy pour le saluer, surtout quand c'est bien fait. Et puis, il y a le retour de la pâte d'Ange sur "Assis !", le plus long morceau (5min 22) : déclamation du patriarche et lente mélodie avec un air de déjà vu très agréable puisqu'on pense forcément aux heures de gloire d'Au-Delà Du Délire ou Emile Jacotey.
Moteur ! amorce la descente artistique du groupe qui semble perdu au milieu d'une décennie pourtant prolifique. L'album est à conseiller aux fans inconditionnels seulement car hormis deux morceaux sublimes, il reste une parenthèse dans la carrière des Francs-Comtois.