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Critique d'album

Big Big Train


Grimspound


(28/04/2017 - English Electric - Rock progressif - Genre : Rock)
Produit par Big Big Train

1- Brave Captain / 2- On the Racing Line / 3- Experimental Gentlemen / 4- Meadowland / 5- Grimspound / 6- The Ivy Gate / 7- A Mead Hall in Winter / 8- As the Crow Flies
Note de 4.5/5
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Note de 4.5/5 pour cet album
"Le frère jumeau de Folklore n'a pas à rougir. Plus retors sans doute, mais tout aussi formidable."
Nicolas, le 21/09/2017
( mots)

Suite des pérégrinations corbelliennes - si l’on peut s’exprimer ainsi - de Big Big Train tandis que ledit corbeau, immortalisé en gros plan sur la pochette de Folklore, prend son envol sur celle de Grimspound, nom pour le moins étrange qui correspond en fait à un site archéologique anglais situé à Dartmoor dans le Devon, datant de 1300 avant Jésus Christ, fait d’une vingtaine de huttes disposées en cercle et entourées d’un petit muret en pierre. Le nom est dérivé de Grim, dieu de la guerre anglo-saxon apparenté à une certain Wodan, dit encore Odin. D’où le - ou plutôt les - corbeau(x) des artworks que l’on peut certainement assimiler à Hugin (la pensée) et Munin (la mémoire), attributs essentiels du dieu des dieux scandinaves et belle allégorie de l’état d’esprit dans lequel opère l’octet de Bournemouth. Lire à cet effet l’excellente novélisation de la Mythologie Viking par Neil Gaiman récemment publiée en français au Diable Vauvert, mais je m’égare.


Dans les faits, Grimspound reprend les choses là où Folklore les avait laissées - que les retardataires cliquent ici pour de plus amples détails. Disposant de matériel en quantité après la parution de l’album bleu, les Big Big Train comptaient initialement sortir un EP rassemblant ces compositions surnuméraires avant de se rendre compte que l’étoffe d’ores et déjà déroulée méritait certainement d’être retaillée, retouchée, afin de confectionner un costume à la hauteur de l’enjeu. Retour donc de la fine équipe en studio, nouvelles séances de jam, et à l’arrivée nous n’avons pas droit à un EP mais à deux albums, ou plus précisément à un et demi… mais nous y reviendrons lorsque nous conclurons notre voyage avec The Second Brightest Star. Place pour l’heure à ce Grimspound beige qui, bien que s’apparentant à un recueil de B-Sides, n’en a pour autant ni les travers qualitatifs, ni l’éclatement, réalisant de façon assez surprenante un album studio tout à fait légitime qui dégage une atmosphère propre, parfaitement en adéquation avec celle de Folklore mais pour autant différente, plus calme, plus mature, plus madrée. Et n’ayant pas l’avantage de jouir des pièces attractives que sont “Folklore” ou “Wassail” par exemple… mais si vous lisez ces lignes, c’est que vous avez déjà été convaincu par l’opus n°11 de Big Big Train et que vous n’avez donc plus besoin que l’on vous tienne par la main pour aller à la rencontre du n°12.


Grimspound s’avère nettement plus “progressif” que son grand frère, entendre par là qu’il fait appel à des compositions moins évidentes, moins balisées mais aussi plus longues, dans lesquels il vous faudra aller chercher les moments de bravoure. Rien que l’introductif “Brave Captain” affiche une douzaine de minutes au compteur, mais on retrouve là du Big Big Train dans sa forme quintessentielle, avec un thème fort - le même héros de l’aviation britannique que dans “London Plane” - narré par la voix d’un David Longdon se remémorant ses souvenirs de jeunesse lorsqu’il découvrait, ébahi avec ses yeux d’enfants, la statue du pilote au sein d’un mémorial campagnard. On notera au passage que le livret de Grimspound, tout aussi magnifique que celui de son prédécesseur, expose de longs témoignages explicatifs sur chacune des chansons qui nous narrent par le détail la façon dont chaque histoire est venue aux songwriters et comment ils en ont abordé l’écriture. “Brave Captain”, donc, commence par un air solennel entonné par un chanteur émerveillé et nostalgique, laissant place à une bataille aérienne instrumentale portée successivement par chacun des membres du groupe, la violoniste Rachel Hall endossant le poste de soliste tout aussi bien que le guitariste Dave Gregory, avant que le thème principal ne se réinvite, scintillant dans le feu d’un ciel crépusculaire en même temps que l’avion s’éloigne. Des morceaux de bravoure de cet acabit, on en trouve deux autres sur Grimspound : le martial “Experimental Gentlemen” traitant lui de l’une des premières expéditions scientifiques dans l’arctique, frappant tantôt d’un direct du gauche tout en affectant à maintes reprises de nous prendre par surprise par un contournement sournois, et le roboratif “A Mead Hall in Winter” - on dépasse ici les quinze minutes -, initialement puissant, bravache, sûr de son fait. Frontal mais sachant se dévergonder par instants sauvages. Lorsque Rachell Hall entre en scène, l’ambiance change et se fait plus épique, extatique, tandis que Rikard Sjöblom est ici à la manœuvre, signant la musique du titre et enrobant l’ensemble de ses claviers habités, ménageant une belle joute basse-violon en son coeur. On bascule alors en plein trip 70’s, et l’on pensera à Genesis - bien sûr - mais aussi à Yes, Jethro Tull, Caravan, rien que ça. Seul Steven Wilson, sur son Raven That Refused To Sing - tiens, encore un corbac -, égale un tel niveau de références et un tel éclat dans leur digestion. La fin de cette pépite se montre totalement survoltée, libre, indomptable tant il est impossible de retenir les synthés et les guitares. Du très grand art, même s’il faut tout de même aimer perdre complètement pied.


Mais l’album peut également se montrer plus concis, en témoigne l’instrumental pur “On The Racing Line” tout entier aux ordres du duo de claviériste Manners - Sjöblom qui se livrent à un festival contenu de prouesses pianistiques tandis que la basse de Greg Spawton et la batterie jazzy de Nick D’Virgilio jouent les chefs d’orchestre, rejointes à la marge par les quatre autres et par un violoncelle des plus affectés. La courte balade “Meadowland” se place pour sa part dans un trip folk tout en délicatesse, guitare acoustique, violon irlandais, orgue subtil ; c’est chaud, émouvant, magnifique. L’éponyme “Grimspound” est quant à elle si belle que l’on a de la peine à comprendre comment diable un thème pareil a-t-il pu échouer à se retrouver sur le disque princeps. La mélodie vocale empreinte de grâce navigue entre tristesse et optimisme lorsque le couplet bascule sur le refrain, tandis que la flûte de Dave Longdon se charge de nous emporter avec elle dans ce voyage archéologique ancestral, en visite dans une civilisation depuis longtemps éteinte, adepte de la nature et du grand air. Si l’on veut chipoter, on osera dire que le développement central, lorsque le chanteur laisse la magie opérer seule, manque un peu de subtilité dans son motif celte qui en fait un poil trop, mais vraiment un poil. Rien à voir avec le sensationnel “The Ivy Gate”, l’un des autres temps forts du disque et une totale réussite. À nouveau l’Irlande s’invite au gré d’un banjo, d’une flûte, d’un violon virginal, et l’on a alors peine à se rendre compte que Gregory et Poole sont également de la partie, discrets mais essentiels, tout en slides, touchers caressants, nuances graciles. La chanteuse qui donne la réplique à Longdon n’est autre que Judy Dyble, l’une des instigatrices de Fairport Convention, et son apport est essentiel à ce petit bijou qui, à mi-chemin, bascule dans le heavy rock à la Deep Purple, lourd des volutes de fumée âcres des orgues, des coups de rein des guitares, avant de se réconcilier dans un final grandiose qui s’achève dans le dépouillement. Magique, qu’on vous dit. Ainsi surgit - enfin - le fameux corbeau (“As the Crow Flies”), chant serein sur riff acoustique haché avant que la contemplation ne s’impose, piano élégiaque, flûte évanescente, balayages d’archets surnaturels, petites giclées de six cordes, Dyble se joignant à nouveau à Dave Longdon dans une sorte d’apothéose vocale. Simple, limpide, pur. Superbe.


Si Grimspound se montre volontiers plus retors que son charmeur de grand frère, ne vous y trompez pas : à peu de choses prêt, ils se valent. Impossible d’aimer l’un sans se pâmer pour l’autre, et vice versa, au point même que les compositions ont tendance à se confondre les unes avec les autres en un grand ensemble fusionnel. Un vrai double album même pas conçu comme tel mais qui ne peut que vous poursuivre des semaines, voire des mois durant. À essayer d’urgence, et rendez-vous bientôt ici-même pour la fin des sessions de Folklore avec la cerise sur le gâteau, l’inespéré The Second Brightest Star qui, vous le verrez, recèle encore de bien des joyaux.

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