Bullet For My Valentine
Scream Aim Fire
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1- Scream Aim Fire / 2- Eye of the Storm / 3- Hearts Burst Into Fire / 4- Waking The Demon / 5- Disappear / 6- Deliver Us from Evil / 7- Take It Out On Me / 8- Say Goodnight / 9- End Of Days / 10- Last To Know / 11- Forever And Always
Pour ceux qui auraient passé les deux dernières années sur la planète Mars (sans mauvais jeu de mot à propos d'un certain groupe de neo-metal branché en pleine phase ascensionnelle), on se permettra d'attirer votre attention sur un phénomène qui est en train de secouer violemment la petite chapelle fortifiée du hard rock. Il n'aura fallu en effet qu'un seul album salué par un énorme succès public, ponctué de trois premières parties de tournée des plus gros monstres du hard rock, à savoir Metallica, Iron Maiden et Guns n' Roses, pour que Bullet For My Valentine impose définitivement son empreinte dans cette scène pourtant réputée élitiste et conservatrice. De fait, ce succès fulgurant n'est pas vraiment au goût de tout le monde, et pour cause quand on connaît le domaine de prédilection des gallois : le hardcore à tendance emo, ou emocore - allons-y gaiement puisque le terme semble exister.
Il n'en fallait pas plus pour que les procès d'intention fusent de toute part dans la sphère metal, avec dénigrements et insultes en tous genres fleurissant sur les forums spécialisés à l'encontre de ces pauvres musiciens. L'histoire aurait pris une toute autre tournure si le groupe s'était contenté d'un succès d'estime, mais voilà : la vindicte métallienne n'a pu que se déchaîner face à ces pseudo-hardeux tout juste jugés bons à agiter les lycéennes gothiques en mal d'adrénaline, mais qui, ô insulte suprême crachée à la face du dieu Metal, se permettent de vendre d'avantage de disques que les vrais hard rockeurs, les bêtes de scène, les guitar heroes, en bref les mâles, les vrais, ceux qui ont ce qu'il faut là où il faut.
Cette longue introduction est importante, car même si les musiciens de Bullet For My Valentine sont populaires auprès du grand public, ils n'en gardent pas moins une immense admiration pour une scène metal qui a contribué à les influencer profondément. Avoir ainsi été rejetés par les métalleux purs et durs a donc dû être vécu comme une réelle déchirure chez ces gars encore très jeunes (tous ont entre 25 et 30 ans), bien que possédant un bagage technique et musical qui ferait pâlir n'importe quel groupe en mal de spotlights médiatiques. C'est donc avec une grosse soif de reconnaissance que les gaillards ont affûté leurs médiators pour accoucher d'un deuxième album extrêmement attendu par leurs afficionados - et par la planète entière.
D'emblée, cette assertion du "nous aussi on peut le faire" transpire littéralement sur les deux premiers titres, "Scream Aim Fire" et "Eye Of The Storm", deux titres qui se ressemblent d'ailleurs beaucoup. Exit pour un temps les envolées mélodiques, le son des guitares et les riffs y sont clairement calibrés Metallica, Matthew Tuck force sur sa voix pour lui enlever de sa douceur et Michael Thomas surexploite sa double pédale à l'extrême. Au final, l'effet recherché est bien présent : oui, les BFMV peuvent sonner comme un groupe authentiquement heavy metal. Techniquement, rien à redire, ça assure plus que correctement, sans virer au renversant. Par contre, ces deux morceaux balancés bille en tête sont bien en dessous de ce qu'ils sont capable de délivrer, pas mauvais pour autant mais clairement handicapés par une volonté de (trop) bien faire : l'exercice de style est maîtrisé, mais tristement scolaire. Bref, l'affaire semble initialement bien mal engagée pour réitérer la qualité de The Poison.
Heureusement, la suite est d'un tout autre niveau. C'est tout d'abord le classique mais efficace "Hearts Burst Into Fire" qui pointe le bout de son nez, n'apportant rien de nouveau sous le soleil mais demeurant suffisamment énergique et mélodique pour être adopté. Ce n'est qu'avec "Waking The Demon" que le frêle intérêt pour ce disque ne cède sa place à un franc enthousiasme. Boosté par une longue intro crescendo relevée d'un jeu de batterie particulièrement euphorisant, dopé par son riff monumental, sublimé par ses hurlements sauvages réalisant un contrepoint assez génial au jeu instrumental, le titre s'offre en plus le luxe d'un refrain imparable et de ponts mélodieux parfaitement ajustés : la grande classe.
Après ça, c'est vraiment du tout bon. Enfin débarrassés de leurs complexes, les gallois se rabattent sur le filon qu'ils maîtrisent le mieux : un metal certes moins traditionnel, moins couillu, mais beaucoup plus musical, rivalisant haut la main avec les maîtres du genre, Lostprophets en tête (décidemment, les gallois s'en sortent très honorablement dans cette veine), et plus encore. Le tir groupé "Disappear"-"Deliver Us from Evil"-"Take It Out On Me" est stupéfiant de punch et d'émotion, les riffs y sont percutants et bien calculés, la batterie frôle la perfection. Rarement un groupe à étiquette "emo" n'avait fait preuve d'une telle qualité, qualité au moins équivalente à celle de leur précédent album tout en allant plus loin dans la violence. Même "Say Goodnight", douce balade apaisée, se clôt sur une saillie sonore pour le moins scotchante. Et le crescendo continue jusqu'au summum de l'énergie, avec un "Last To Know" littéralement transporté par des rafales électriques supersoniques tout bonnement ébouriffantes. En guise de conclusion, "Forever And Always", gros hymne métal de stade, pompier et solennel, ne marquera pas forcément les esprits comme l'une des plus grandes réussites du groupe.
Après, tout est affaire d'école et de vision musicale. Une critique retrouvée au hasard sur un forum de discussion spécialisé en metal résume à merveille l'abîme qui peut séparer différentes visions du rock. L'individu en question vomissait sur BFMV et sur son nouvel album, qu'il jugeait, je cite, "pas assez technique et trop mélodique". Pas la peine de relancer le vieux débat de la technique et de l'émotion dans la musique, on sait d'avance que les deux parties sont irréconciliables. Dès lors, de deux choses l'une. Soit vous êtes un fan absolu de heavy metal, et il est probable que ce Scream Aim Fire ne vous contentera pas et que vous irez voir ailleurs : de ce point de vue, clairement, le pari des gallois est perdu. Soit vous appartenez à l'autre camp, ceux qui écoutent un peu de metal mais sans plus, ou ceux qui écoutent surtout du neo-metal, ou même ceux qui n'écoutent jamais de rock dur. A ceux-là, il n'y a qu'un seul conseil à donner : jetez-vous sans attendre sur cet album, et vous comprendrez rapidement pourquoi on est loin d'en avoir terminé avec Bullet For My Valentine.