Can
Future Days
Produit par
1- Future Days / 2- Spray / 3- Moonshake / 4- Bel Air
Si ce n’est un âge d’or, Future Days referme, en 1973, une période importante pour Can, figure incontournable du Krautrock basée à Cologne. En effet, il s’agit du dernier album sur lequel officie le chanteur japonais Damo Suzuki, voix emblématique de la formation sur la trilogie commencée avec Tago Mago et Ege Bamyasi, auxquels il faudrait ajouter Soundtracks, compilation de B.O. parue en 1970. Poussé (et converti) par sa femme témoin de Jéhovah, Suzuki abandonne un temps le rock après l’enregistrement de Future Days alors même que Can était au sommet de sa gloire, parcourant glorieusement l’Europe, de l’Angleterre à la France (que le groupe visite à deux reprises en 1973, avant et après l’enregistrement de cet opus).
Dans cette série, Future Days marque une progression, une évolution dans l’esthétique de Can. Tago Mago déployait un psychédélisme jazzy qui laissait une large place à l’improvisation, Ege Bamyasi était plus structuré (même dans ses passages expérimentaux), varié et relativement accessible. Future Days renoue avec les longues plages planantes de Tago Mago mais sa perspective minimalistes et ses structures répétitives l’éloignent des divagations bavardes de son prédécesseur.
En effet, l’album est une longue fresque atmosphérique divisée en quatre parties, une œuvre propice à la méditation dotée d’une esthétique qu’on pourrait qualifier d’ambient avant l’heure. Mis à part le court "Moonshake", aussi bref que zappaien où s’affirme un chant beaucoup plus appliqué qu’à l’habitude, les trois autres pistes sont très longues, répétitives, planantes, jouant sur l’atmosphère générale plutôt que sur une quelconque mélodie.
Ainsi, la brise et l’eau évoquées par "Future Days", entre autres expériences bruitistes, glissent vers un rythme caribéen bercé de percussions et de petits traits de guitare lancinants. Novateur dans ses métissages, "Spray" hybride des aspérités bluesy (à la basse), funk (à la guitare), des claviers cinématographiques (entre films d’action et d’horreur) et dissonants. Occupant toute une face (et vingt minutes), "Bel Air" s’ouvre sur une pompe et des nappes hypnotiques, puis dans un long crescendo, le titre laisse arriver plusieurs variations qui se mettent progressivement en place, menées par les claviers ou la guitare et portées par un jeu de batterie exceptionnel. La grande qualité de l’opus, régulièrement soulevée, est le traitement sonore qui permet de s’évader dans les mondes musicaux inventés par le groupe.
Considérant ces trois albums studio comme un tout cohérent, on peut avoir le sentiment qu’une boucle s’est bouclée avec Future Days et que pour le Can période Damo Suzuki, l’essentiel avait été dit. Au sein de cette trilogie, cet opus apparaît comme une synthèse et un aboutissement, plus monolithique que le varié Ege Bamyasi et plus structuré que Tago Mago. C’est en ce sens, une pièce majeure du Krautrock dont la postérité n’est plus à démontrer : King Buffalo par exemple, a dû prendre des notes en l’écoutant.
À écouter : "Spray", "Moonshake"