Molybaron

Au moment de sa sortie en 2021, nous voyions dans le deuxième album de Molybaron (The Mutiny) le "blockbuster metal dont le public français avait besoin". Et pour cause, le groupe franco-irlandais mené par le chanteur-guitariste Gary Kelly avait fait forte impression au sein de la rédaction en exposant une force de frappe assez inédite sur la scène hexagonale. L’onde de choc générée avait même mis en alerte certains labels internationaux dont le prestigieux InsideOut Music (label spécialisé dans les musiques progressives, hébergeant notamment Dream Theater, Riverside, Haken, Leprous, Pure Reason Revolution, rien que ça !) qui s’empressa d’intégrer le quatuor dans son écurie.

Jouant désormais dans la cour des grands, le groupe est très vite revenu aux affaires, débutant l’enregistrement d’un nouvel opus dès la fin de l’année 2022. Sans pour autant dévier dans sa feuille de route initiale (qui dit label, dit engagements et planning à respecter…), le groupe a su gérer un remaniement d’effectif imprévu en se séparant de son guitariste originel Steven André, remplacé au pied levé par Florian Soum. Ce dernier a d’ailleurs parfaitement su raccrocher les wagons, tout en ajoutant sa patte lors de la phase créative à l’occasion de plusieurs solos de guitare répartis à travers l’album (ce qui est plutôt gratifiant quand on connait le perfectionnisme et la mainmise de Kelly sur le travail d’écriture et de composition).

Afin d’appréhender comme il se doit ce nouvel album, prenons le temps de clarifier un point : si Molybaron est régulièrement associé - de manière assez inexplicable - à une mouvance progressive, sachez qu’il n’en est rien, le groupe s’illustrant plutôt - et c’est très bien comme cela - pour son approche directe et énergique de la musique. Cet aspect semble d’ailleurs renforcé sur ce troisième opus intitulé Something Ominous, le groupe n’y allant pas par quatre chemins comme en atteste le titre "Vampires" (single précoce dévoilé quasiment 1 an avant la sortie officielle de l’album) : rythmiques soutenues, guitares acérées, refrain ravageur et entêtant, et toujours ce sens du groove qui fait toute la différence.

Attendu au tournant, ce troisième album tient finalement toutes ses promesses, enchaînant les moments de bravoures et les compos toutes plus redoutables les unes que les autres. On notera également une qualité de production revue à la hausse, mettant à son avantage le jeu des différents protagonistes, tout en renforçant la profondeur d’écoute grâce à un usage réfléchi de notes de piano et nappes de synthés. A ce titre, mentionnons l’excellente prestation du batteur Camille Greneron, ce dernier pouvant enfin montrer l’étendue de son talent (bien qu’il ait rejoint le groupe dès 2019, il s’agit en fait de sa première intervention sur un opus studio de Molybaron) à travers un jeu de percussion dynamique et nuancé qui s’adapte aisément aux différentes virevoltes rythmiques imposées par les compositions. Fidèle au poste, Sébastien de Saint-Angel martèle le tempo avec une basse mis au premier plan, renforçant d’autant plus cette sensation d’unité et de puissance à l’écoute.

Si la musique de Molybaron n’a rien de novatrice en soi, celle-ci véhicule une certaine singularité grâce à un brassage stylistique maitrisé (concocté à partir d’éléments de heavy metal, de rock alternatif ou encore de stoner) et au phrasé atypique du chanteur irlandais, qui à lui-seul amène les compositions dans des directions complètement inattendues : on pensera aux effluves celtiques émanant du refrain de "Set Alight" ou encore à l’improbable esthétique hip-hop/hardcore de "Billion Dollar Shakedown". Tous ces attributs pourraient - dans une certaine mesure - rapprocher le style Molybaron de celui des groupes estampillés "fusion" ; une association d’autant plus pertinente que certains aspects de la musique en question évoquent par moment System of A Down.

De manière générale, le style molybaronien se traduit plutôt par un rock musclé aux touches heavy, générateur de groove et de mélodies instantanée. Si l’efficacité est de mise, le combo gagnera certainement à étoffer ses refrains, certains se reposant un peu trop sur une répétition du titre de la chanson ("Breakdown", "Dead on Arrival"…) ; un côté itératif qui était pourtant nettement moins marqué sur le précédent album. Ce n’est bien sûr qu’un détail au vu de la qualité de la marchandise, d’autant plus que ce nouvel opus élargit le portefeuille du groupe en nous laissant entrevoir une facette plus intimiste et personnelle à l’occasion du très touchant "Daylight Dies in Darkness".

Something Ominous constitue ainsi une confirmation mais aussi une belle progression dans l’ascension du groupe franco-irlandais qui dispose désormais de tous les ingrédients pour se hisser parmi les plus hautes sphères du metal moderne. Nous avons d’ailleurs pu assister dernièrement à une prestation live très convaincante du quatuor en compagnie de Soen (Cf. compte-rendu concert), nous confortant dans l’idée que Molybaron est en mesure de se distinguer sur la scène internationale et ne se cantonnera pas indéfiniment à jouer les premières parties… 

A écouter : "Vampires", "Set Alight", "Billion Dollar Shakedown", "Reality Show"