David Bowie
Heathen
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1- Sunday / 2- Cactus / 3- Slip Away / 4- Slow Burn / 5- Afraid / 6- I've Been Waiting For You / 7- I Would Be Your Slave / 8- I Took A Trip On A Gemini Spaceship / 9- The Angels Have Gone / 10- Everyone Says 'Hi' / 11- A Better Future / 12- Heathen
Il est d’usage de dire que, depuis sa trilogie berlinoise de la fin des années 70, David Bowie n’a plus rien fait de bien convaincant. Pourtant, tout fan de Bowie sait que depuis le milieu des années 90, le Thin White Duke nous livre régulièrement quelques disques de très bonnes factures, voire carrément cultes (si on oublie le médiocre Hours...). Parmi eux, Heathen, s’il n’est clairement pas son meilleur album, est tout de même une vraie réussite.
Le livret déjà, dont les illustrations surréalistes regorgent de références religieuses, picturales et scientifiques, mériteraient un article à lui tout seul. Mais plongeons nous plutôt dans les méandres de ce disque profond et surprenant.
Après les sonorités futuristes, voire technoïdes, de Outside et Earthling, Bowie s’éloignent du monde des machines, et flirte avec des ambiances plus éthérées. Le son est toujours aussi moderne : pas question de donner dans la nostalgie ! "I Would Be Your Slave", avec ses discrètes boucles électroniques, est là pour le rappeler, tandis qu’"I Took A Trip On A Gimini Spaceship" (hommage à Uncle Floyd, le chanteur country qui lui a inspiré le nom de son célèbre Ziggy) revendiquent clairement les sonorités des albums précédents du Duke. Mais pourtant, on donnerait volontiers cinq ans de sa vie pour pouvoir s’élever vers les cieux sur des chansons planantes comme "Sunday", "5.15 The Angels Have Gone" ou même "Heathen (The Rays)". Après Mars et la Terre, Bowie s'installe ici entre les temps, sur un nuage, et il s'y sent bien. Un territoire du plus sur lequel il plante son drapeau.
Mais, à la manière de sa pochette (certains y voient le reflet du même visage inexpressif qui ornait déjà l’excellent Heroes), Bowie semble pour la première fois regarder sans peur vers son passé, l’assumer sans le plagier. Quelques ballades comme "Slip Away", ne sont pas sans rappeler un "Life On Mars?", et il est difficile de ne pas penser au début des 70 quand résonnent les premières notes d’"Afraid" ou de "Cactus" (une reprise des Pixies qui dégage les mêmes fumets chewing-gum qu’un bon vieux Devo).
Un retour aux sources qui s’expliquent aisément : Tony Visconti, après 22 années d’infidélité, est à nouveau derrière les manettes ! A noter quelques guests inattendus : un jeune premier (de 33 ans) en la personne de Dave Grohl sur "I’ve Been Waiting For You" (chanson écrite par un autre énervé, Neil Young), tandis que le dinosaure Pete Townshend ramène ses guitares sur "Slow Burn".
A la croisée des chemins, entre spiritualité et électronique, modernité et racines, Heathen est une œuvre intemporelle, avec un son terriblement particulier, définitivement Bowie. Seules fautes de goût, en fin de galette : le niais "Everyone Says Hi" et le vieillot "A Better Future", deux ingrédients de trop dont on se serait bien passé.