Faith No More
Sol Invictus
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1- Sol Invictus / 2- Superhero / 3- Sunny Side Up / 4- Separation Anxiety / 5- Cone Of Shame / 6- Rise Of The Fall / 7- Black Friday / 8- Motherfucker / 9- Matador / 10- From The Dead
Exercice critique saisissant s'il en est : rendre un verdict sur un disque qui ne nous parle pas du tout. Aucun intérêt, nous direz-vous ? Peut-être. Sauf que Sol Invictus, sonnant la résurrection de Faith No More, a recueilli çà et là les éloges les plus diverses, devenant pour nombre de nos confrères l'un des albums de 2015. On s'est donc senti obligé d'en parler, sauf qu'à l'heure de d'attribuer la critique, personne ne s'est porté volontaire. Voilà pourquoi nous nous sommes repliés derrière ce petit procédé plus ou moins malhonnête : chacun à notre tour, les rédacteurs sensés être intéressés par Mike Patton & Co vont vous expliquer pourquoi Sol Invictus, voire Faith No More, ne leur parle(nt) pas.
Et je commence. Faith No More, ça a toujours été plus ou moins du théâtre, du tape à l’œil. En osant tout et en revêtant leurs morceaux de n'importe quelle couleur musicale, ils en oublient souvent le corps de leurs morceaux, ici le riff, là la mélodie. Patton a beau cabotiner, jouer au "Matador", culbuter les mamans ("Motherfucker"), susurrer, bramer, enjôler, dégobiller, tandis que ses petits copains troussent une bossa nova assaisonnée au funk punk, à moins qu'ils ne versent dans le classico-metal ibérique à la sauce guatémaltèque (et on exagère à peine), il manque toujours un point d'ancrage, une direction, un intérêt autre que vestimentaire. Sol Invictus ne déroge pas à la règle. Sans parler qu'ici on frôle le déjà entendu ("Super Hero", qui sent un peu trop le Queen pour être honnête par moments) ou l'abrutissant ("Sunny Side Up", avec un Patton franchement irritant dans ses partis pris vocaux). Et derrière, ça peine à décoller : le motif de guitare de "Separation Anxiety" n'a pas grand intérêt, "Rise of the Fall" imbrique des couleurs musicales disparates sans que celles-ci, prises séparément, n'en vaillent la peine. Ça gueule pour rien, ça se calme sans aucune raison, et dès que le bordel se fait moins bordélique, on s'ennuie sec ("Black Friday", titre dans lequel il ne se passe rien). Du Faith No More égal à lui-même, en quelque sorte. Sans moi, les gars.
Décrire Faith No More est tout simplement impossible. Pourquoi ? Car Faith No More ne ressemble à rien. Ce qui peut être parfois interprété comme une qualité certaine. Mais pas dans ce cas. Leur musique a toujours été un capharnaüm pseudo-énervé jouant sur les nuances et les élévations et chutes émotionnelles successives pour tenter de charmer les quelques courageux qui osent pousser l'écoute jusqu'au bout. Sol Invictus n'échappe pas à la règle. Sans aucune construction intelligible, sans aucune lecture claire, des morceaux sans queue ni tête s'enchaînent comme pour distiller la piètre palette d'interprète de Mike Patton. Chanteur médiocre, voire mauvais, surjouant un côté prophétique pompeux (l'insupportable "Cone Of Shame"), il tente en vain de faire monter la tension de morceaux qui s'achèvent quasi-tous sur un final abrupt, retombant aussi vite dans l'oubli une fois le titre terminé ("Sunny Side Up", "Sol Invictus"). Soit, musicalement Faith No More tente beaucoup de choses. Encore faut-il que ces choses possèdent un semblant d'intérêt. "Rise Of The Fall" superpose grossièrement des phases syncopées et des refrains plus rock en oubliant tout le liant nécessaire à ce type de rock hybride, substance indispensable pour en faire une galette à peu près digeste. Et comme à chaque fois avec Faith No More, c'est raté. Pour moi, ça sera régime sec.
Ce Sol Invictus devait être un événement, au moins en raison du temps passé depuis le dernier disque de Faith No More. Le moins qu'on puisse dire, c'est que la bande de Mike Patton sait comment nous déstabiliser. Des changements de line-up très fréquents, et une tendance à sortir des clous dans ses compositions qui laisse souvent son public le cul entre deux chaises, ayant d'un côté envie de crier au génie, et de l'autre de conspuer des morceaux qui ne ressemble à rien et ne semblent pas aboutis.
Le simple fait que Sol Invictus marque le retour attendu d'un groupe qui a quand même marqué les années 90 peut expliquer cet engouement pour un album qui n'a rien de vraiment exceptionnel. Un album qui a en tout cas traversé notre rédaction, est passé de mains en mains, d'oreilles en oreilles, sans donner l'envie à aucun de nous de développer une chronique entière à son sujet. Pour la peine, vous en aurez trois. Petits veinards.
Faith No More a tenté de développer dans Sol Invictus un univers très compliqué à faire tenir debout. Des riffs très costauds, surtout à la basse, un chant agressif, combinés à des phases de claviers presque gothiques. Quand beaucoup essayent de séparer ces deux ambiances, Faith No More a voulu les empiler. "Superhero" est un parfait exemple de tout ce que le disque tente. La façon dont s'empile à la fin du morceau la guitare et le piano donne une cacophonie qui ne s'apprécie vraiment qu'après plusieurs écoutes.
Plusieurs écoutes, c'est sans doute ce qu'il faut pour apprécier Sol Invictus. Faith No More a le mérite de vouloir explorer plus loin que ce que le rock prétendument alternatif d'aujourd'hui essaye de faire (ou n'essaye pas d'ailleurs). "Separation Anxiety" est d'une puissance extraordinaire, et "Matador" (qui se développe sur 6 minutes) est la pièce maîtresse d'un disque qui finalement impose à l'écoute une atmosphère assez dérangeante.
Pourtant, Faith No More semble ne pas assumer sa démarche jusqu'au bout. Que font des morceaux comme "Black Friday", "Motherfucker" ou "From The Dead" dans un disque de cet acabit ? L'envie de ratisser plus large avec des titres moins recherchés ? C'est ce manque de cohérence qui rend l'écoute de Sol Invictus difficile à traiter. Pour autant, on a affaire à un album qui sort vraiment du lot. Pas forcément du point de vu de la qualité, mais dans ses intentions. Au final, on souhaiterait plus souvent être déçu par ce genre de disque que de se manger les mêmes albums préformatés à longueur de semaine.