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Critique d'album

Gary Clark Jr.


The Story of Sonny Boy Slim


(11/09/2015 - Warner Bros - Blues / Garage - Genre : Rock)
Produit par Gary Clark Jr

1- The Healing / 2- Grinder / 3- Star / 4- Our Love / 5- Church / 6- Hold On / 7- Cold Blooded / 8- Wings / 9- BYOB / 10- Can't Sleep / 11- Stay / 12- Shake / 13- Down To Ride
Note de 4.5/5
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Note de 3.0/5 pour cet album
"Le futur du blues est bien là, aussi déconcertant soit-il"
Etienne, le 17/09/2015
( mots)

Pourquoi les bluesman auraient-ils encore quelque chose à dire en 2015 ? Le genre semble tourner en rond depuis de nombreuses années, la faute à des codes musicaux très stricts dont certains essaient de s’affranchir sans réel succès, et ceux qui ont fait les grandes heures du blues dans les années 60, 70 voire 80 nous quittent (B.B. King, Gary Moore) laissant derrière eux un héritage trop lourd pour les seules épaules des quelques émérites représentants (Joe Bonamassa, Kenny Wayne Sheperd, Philip Sayce) qui tentent de raviver la flamme d’un courant musical en voie d’extinction. C’était sans compter sur un certain Gary Clark Jr, qui bouscule les codes du genre et apporte une modernité aussi irrévérencieuse que jouissive à ce blues américain poussiéreux.


Le jeune Gary Clark s’est révélé aux yeux du grand public en inondant l’édition 2010 du Crossroads Festival de son blues lumineux, inspiré et autrement plus testostéroné que les mièvreries d’un John Mayer plus occupé à briser les coeurs des minettes du showbiz qu’à vraiment composer des albums dignes de ce nom. Son premier effort Blak And Blu, sorti en 2012, à l’artwork un brin psychédélique qui n’était pas sans rappeler un certain Jimi Hendrix, avait marqué les esprits tant par ce son de guitare hors pair que par son manque de cohérence flagrant, résultant d’une volonté exacerbée d’étaler l’ensemble de sa palette d’influences rock, soul, funk, folk et donc blues. Autant dire que ce deuxième album se devait de gagner en maitrise pour éviter la même écoute partant dans tous les sens, labyrinthe sonore interminable dont l’issue s’avèrerait franchement moyenne.


Exit les célèbres Rob Cavallo (producteur de Phil Collins et Black Sabbath, sacré grand écart soit dit en passant) et Mike Elizendo qui a produit The Hunter de Mastodon et écrit In Da Club de 50 Cent (grand écart abyssal pour le coup…), l’histoire de Sonny Boy inspirée du chanteur et harmoniciste de blues Sonny Boy Williamson, compositeur de Bring It On Home et Eyesight To The Blind, est produite par Gary lui-même, le libérant de toute contrainte mercantile et marketing. Le texan aborde donc ce nouvel album dans de bonnes prédispositions, ayant visiblement tiré les leçons de Blak and Blu et revenant à un processus d’enregistrement et de compositions authentique et sincère, après tout le seul credo du pur blues qui suinte l’Amérique. Et c’est toute la culture afro-américaine des années 70 qui se révèle aux sons des choeurs féminins pastoraux qui accompagnent la voix de tête du guitariste, notamment sur "Star" et ses paroles très simplistes aux faux-airs de pop song, qui semble décidé à gagner en cohérence. Pour la plupart regroupés sous la bannière soul, les titres de l’histoire de Sonny Boy sont riches en sonorités et en textures, les cuivres chaleureux côtoyant sans mal la guitare wah-wah de Clark sur "Star" ou encore sur "Wings" où une boite à rythme (à moins qu’on est à faire à une batterie drôlement mixée) porte un titre à la multitude de couches vocales dans la pure tradition du R’n’B. Clark ne manque pas d’ailleurs de verser dans la contestation politique et la critique sociale en évoquant dans "Hold On" les problèmes récurrents de la communauté afro-américaine, qui font toujours écho aujourd’hui: "Seems like new news is the old news from a different angle/Another mother on TV crying 'cause her boy didn't make it". Du vrai blues américain on vous avait dit.


Du blues oui, mais pas que, loin de là. Si l’ensemble gagne en cohérence, Gary Clark Jr peine à  se détacher de ses influences et intègre un florilège de sons différents, "The Healing" ouvrant l’album sur une minute totalement contradictoire et déconcertante. Des vieux enregistrements de Sonny Boy précèdent un rythme énorme tiré tout droit d’un album de Jay-Z saupoudré de quelques menus phrasés de guitares bluesy et nourri aux "Yeah, Yeah, Yeah" qu’un Drake ou un Kravitz, au choix, n’aurait pas renié. Le titre voit un Gary Clark Jr s’adonner à un chant clair maitrisé et sensible déclarant son amour à une musique salvatrice, régénératice  ("This music is my healing") et le guitariste balaie toutes les attentes des conservateurs en proposant une relecture moderne du genre dès l’entame de ce nouvel album, assurément réussie tant les grondements de sa guitare préparent un solo imminent et endiablé qui ravira les fans du genre. C’est d’ailleurs sans sommation que le texan assène le coup de grâce "Grindler" dès le deuxième titre, où il fait rugir son instrument comme jamais et où cette distorsion grasse et puissante qui a tant plu à Eric Clapton et Jimmie Vaughan (pas mal comme mentors) est magnifiée. 


Le problème reste qu’après ces deux excellents titres, légèrement similaires notamment sur l’introduction, le soufflet retombe vite et ne remontera jamais vraiment. La faute à ce côté soul très prononcé et rébarbatif à la longue; on ne compte plus les chansons aux choeurs féminins, voix de tête et midtempo lancinant (la triplette "Star", "Hold On" et "Wings" en est le parfait exemple), mais également à un Gary Clark Jr visionnaire, entreprenant et courageux, qui comme lors de son premier effort, se perd en variations de styles et diversités réussies, certes, mais déconcertantes. "Our Love" est une ballade sensible et subtile où le lyrisme d’un Elvis côtoie la fragilité d’un Marvin Gaye, mais verse irrévocablement dans une déclaration pataude et vieillotte, soutenue par des arpèges tout aussi mielleux. "Cold Blooded" et "Can’t Sleep" sont chacune des hymnes funk à la guitare claire en retrait et à la basse gonflée à bloc, où Gary distille voix de tête et chant singulier, qui propulse "Can’t Sleep" au rang de hit en devenir et aceptise "Cold Blooded" au plus haut point. Et puis la folk a droit à son moment de gloire avec le très chaleureux "Church", ses indéniables influences gospel et ses accords chauds particulièrement bien enregistrés où l’on a l’impression exaltante que les cordes vibrent juste sous nos doigts. La meilleure chanson de l’album, par ailleurs. Histoire de changer un peu, on part dans le Mississippi avec les frères Coen dans un "Shake" éraillé et boueux, capté à l’ancienne, avec une slide guitar démente, sans filtre, comme pour servir le blues tel qu’il est et tel qu’il devrait être. Bref, un enchevêtrement sonore complexe, riche qui peut plaire aux impatients qui se lassent vite, mais qui manque de recherche et s’affiche à nous comme un énième étalage (le second en fait) du talent du bonhomme. Talent porté par un sens de la guitare rare, qui n’est absolument pas mis en valeur dans The Story of Sonny Boy Slim.


Car Gary Clark Jr ne devrait pas avoir à rougir de son talent et pourtant cet album laisse à penser qu’il a jugé bon de ne pas surexposer son instrument au prix d’une perte de crédibilité artistique globale. Soit. On aurait aimé pourtant entendre grincer plus longtemps le solo de "Grinder" ou être emporté par le final de "The Healing" mais non, le texan a choisi la parcimonie de la guitare pour servir la richesse des arrangements, en manquant toutefois indéniablement d’équilibre. Les fous du plectre pourront se réjouir avec "Stay" et son solo syncopé dans l’esprit de ce que faisait B.B. King, et ses longs accords qui sonnent jusqu’au larsen à la limite de l’audibilité. Un des grands moments de cet album, que suivra "Down To Ride", énigme musicale qui aurait pu figurer sur l’excellent Currents de Tame Impala ou sur n’importe quel album de Prince tant ses nappes de claviers électroniques et sa boite à rythme détonne et voit un petit riff funky piquer la curiosité jusqu’à ce solo tout en fuzz qui clôturera une piste extraterrestre plutôt efficace, mais surtout à des années lumières des douze précédentes. Un sacré culot.


Gary Clark Jr s’émancipe en nous racontant l’histoire de Sonny Boy Slim et propose un album sincère et authentique, véritable reflet de tout ce qu’a pu proposer la culture américaine depuis un demi-siècle. L’homme abandonne la guitare et le musicien privilégie un résultat d’ensemble en manquant toutefois d’un équilibre et d’une ligne musicale claire. On se perd dans cette histoire qui nous emmène partout à la fois et les sensibilités de chacun ne peuvent trouver un écho passionné dans chaque titre, condamnant l’écoute à un enchainement de hauts et de bas, de révélations et de déceptions. Il faut reconnaitre au jeune texan un courage hors-normes (cf le grand écart entre le premier et le dernier titre) et un talent indéniable. Il a raccourci son deuxième effort et a réussi à condenser sa généreuse livraison, mais il a encore besoin de temps pour réussir à canaliser ses intentions musicales. Ce qu’on pouvait lui pardonner pour son premier effort n’est plus excusable aujourd’hui et on sort perturbé d’une écoute franchement pas évidente à aborder, de par sa diversité. Le blues, musique passionnelle, spirituelle, presque charnelle, semble pourtant avoir trouver un regain d’intérêt au travers des compositions chaleureuses et modernes de Clark. Reste que bien malin sera celui qui arrive à prédire quelle direction musicale va prendre le texan pour son prochain effort ? Gageons qu’elle soit aussi assumée et moins disparate.


Chansons conseillées: "Grinder" et "Church"

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