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Critique d'album

Janis Joplin


Pearl


(11/01/1971 - Columbia Records - Rock et Blues - Genre : Rock)
Produit par Paul A. Rothchild

1- Move Over / 2- Cry Baby / 3- A Woman Left Lonely / 4- Half Moon / 5- Buried Alive in the Blues / 6- My Baby / 7- Me and Bobby McGee / 8- Mercedes Benz / 9- Trust Me / 10- Get It While You Can
Note de 4/5
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Note de 5.0/5 pour cet album
"L’ultime témoignage d’une légende du rock"
Franck, le 21/03/2021
( mots)

Il y a quelques jours, nous mettions à l’honneur nos chanteuses et musiciennes contemporaines à travers le dossier Les Femmes du Rock. Fermement convaincus que la réduction à une étiquette "rock féminin" n’a pas lieu d’être, il était néanmoins important de mettre à l’honneur et de soutenir les artistes féminines qui nous ont marquées récemment, que ce soit en solo ou bien en groupe. C’est donc tout naturellement que nous rendons aujourd’hui hommage à une véritable icône (et une des plus grandes chanteuses) de la planète rock - tous sexes confondus - cinquante ans après la parution de son dernier album. Dotée d’une voix exceptionnelle associée à une présence scénique qui aura marqué toute une génération, Janis Joplin représente à elle seule l’idylle rock’n’roll qui a mal tourné. De son arrivée à San Francisco en 1963 jusqu’à sa mort le 4 octobre 1970 (à la suite d’une énième overdose à l’héroïne), la jeune artiste originaire du Texas a su se créer une véritable légende en devenant une des personnalités américaines les plus incontournables à la fin des années 1960.


Cette ascension fut d’abord marquée par une performance vocale sensationnelle lors du festival pop de Monterey, en 1967, avec le groupe de ses débuts Big Brother & the Holding Company. C’est durant ce rassemblement qu’un autre jeune prodige partageant le même destin funeste, Jimi Hendrix, se fit également remarquer en jouant de la guitare avec les dents. A l’instar de Heindrix, la prestation au Monterey permit à la diva de se faire connaître auprès du grand public, mais surtout d’enchainer avec l’incroyable succès de l’album Cheap Thrills - disque phare du psychédélisme de la côte Ouest. Vendu à plus d’un million d’exemplaires dès le premier mois de sa sortie, l’album occupa de nombreuses semaines la première place des charts américains (ce n’est qu’après sa mort que la notoriété arriva jusqu’au vieux continent). Bien consciente de ses atouts vocaux, Janis Joplin débuta à partir de 1968 une carrière solo aux sonorités teintées de blues et de soul en compagnie d’une nouvelle troupe de musiciens, le Kozmic Blues Band. Il faut dire que la voix puissante et rauque de la chanteuse, qui a toujours voué une réelle admiration à Bessie Smith (chanteuse de Blues qui marqua le genre dans les années 20) se prêtait parfaitement à l’exercice. En découle l’album I Got Dem Ol' Kozmic Blues Again Mama! (1969), dont le changement de style aura fait couler beaucoup d’encre du côté de la presse spécialisée. Malgré un succès tout à fait honorable, l’album est bien loin des sommets atteins par Cheap Thrills.


Nouveau départ, nouveau groupe : Joplin enchaîne avec une tournée particulièrement exaltante à travers le Canada accompagnée du Full Tilt Boogie Band, de jeunes musiciens canadiens adeptes de country-rock. Epanouie sur le plan personnel et professionnel, Janis Joplin se fait désormais surnommer "Pearl" par ses proches en référence à ses tenues clinquantes et son indissociable boa rose autour du cou. La petite troupe entre en studio en septembre 1970 pour ce qui restera l’ultime témoignage de la reine du Blues. L’enregistrement de l’album Pearl démarre pourtant sous les meilleurs auspices : revigorée par l’énergie de son nouveau groupe, elle prend un rôle beaucoup plus actif dans les compositions. En réduisant sa consommation de drogues (mais malheureusement pas d’alcool) depuis l’expérience Woodstock - mythique festival durant lequel elle était montée sur scène dans un état second - la chanteuse semble être heureuse et particulièrement enthousiaste ; bien décidée de ne pas réitérer le semi-échec de son précédent disque. Pour finir, elle trouve le bon producteur en la personne de Paul A. Rothchild, dont l’expérience s’avère en tout point bénéfique (on lui doit notamment la plupart des albums des Doors). Le producteur, particulièrement à l’écoute des musiciens, met Joplin dans les meilleures conditions pour faire de ce nouvel album un moment d’apothéose.


Comment cela aurait-il pu être autrement avec une telle chanteuse ? C’est en effet d’une voix puissante et assurée - à l’incroyable tessiture - que Janis Joplin marque son empreinte dès le titre inaugural "Move Over", morceau incontournable aussi culte qu’intemporel. Le Full Tilt Boogie Band est loin de démériter, bien au contraire, le groupe nous embarque avec panache pour un morceau inoubliable au rythme endiablé, à l’aide d’un irrésistible duo piano et orgue. 


Mais c’est surtout avec le poignant "Cry Baby" que Joplin nous offre une véritable démonstration : un bijou vocal enregistré sous sa forme la plus brute, dont les imperfections apportent toute l’authenticité et la saveur de cet album, bien loin des artifices de studio trop souvent utilisés de nos jours. La chanteuse vit littéralement le morceau, quitte à en faire trop par moment, mais cela reste indissociable du personnage. Rothchild a bien compris qu’il n’avait aucun intérêt à contenir ce surplus de générosité, et pousse la chanteuse dans ce sens, aboutissant au grand moment qu’est "Me and Bobby McGee". Cette reprise du chanteur country Roger Miller permet à la chanteuse de s’illustrer dans un registre folk plus posé et mélancolique, avant de se déchainer sur la dernière partie.


A l’instar de "Me and Bobby McGee", plusieurs titres de l’album sont des reprises : Joplin confirme son orientation vers la soul, en réinterprétant quelques standards du genre comme Howard Tate ("Get It While You Can") et de Garnet Mimms and the Enchanters ("Cry Baby"). On retrouve d’ailleurs ces sonorités soul, voire gospel par moment, sur le vivifiant « Half Moon » au groove contagieux, ainsi que sur "My Baby" dont le refrain se voit renforcé par des chœurs accentuant cet effet.


Autre moment savoureux de l’album, le morceau "Mercedes Benz" qui nous montre encore une fois une artiste spontanée et pleine de vie. La chanteuse y chante à cappella en implorant Dieu de lui offrir une voiture de la marque allemande, car tous ses amis roulent en Porsche... Le morceau, enregistré en une seule prise par Rothchild, prend une toute autre dimension aujourd’hui ; il s’agit de la dernière prestation enregistrée de Janis Joplin. Pour la petite histoire, ce texte ironique avait été écrit lors d’une soirée dans un bar (durant la fameuse tournée canadienne) par l’artiste-poète Bob Neuwirth et Joplin. Dans un élan d’euphorie, cette dernière avait aussi tôt interprété le morceau devant un public conquis. 


Le 3 octobre 1970, le groupe s’attèle à la partie instrumentale de "Buried Alive In The Blues" - au nom terriblement prémonitoire - durant une interminable journée d’enregistrement. Joplin tourne en rond et fini par rentrer à son hôtel (en Porsche) en faisant un détour pour boire quelques coups au bar. Son corps sans vie est retrouvé le lendemain dans sa chambre. Elle avait 27 ans. Le morceau est resté instrumental sur l’album. 


Janis Joplin rejoint le tristement célèbre "club des 27", après Brian Jones et Jimi Hendrix parti lui aussi deux semaines plus tôt. Pearl, publié à titre posthume, restera l’ultime testament d’un talent brut: une voix hors norme à la fois chaleureuse, déchirante et sauvage, aussi à l’aise dans des registres comme le rock ou le blues. Une artiste dont la générosité et l’énergie sur scène cachait en réalité une personnalité marquée par son lot de souffrances et d’incertitudes. L’album aurait pu être meilleur, certains morceaux auraient pu être finalisés, la voix aurait pu être retravaillée avec des prises supplémentaires… mais qu’importe, ce disque a quelque chose d’intemporel, de sincère dans son aspect improvisé, et de poignant dans l’intensité déployée par son interprète. Janis alias "Pearl" avait ce pouvoir de transporter les gens qui venaient l’écouter, de hurler avec justesse, le tout paré d’une musicalité et d’un pathos qui prend aux tripes. Bien plus qu’une femme du rock, elle fait partie de ces artistes ayant bousculé les codes préétablis, rejoignant pour toujours le panthéon du Rock.

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