Neu!
Neu! 2
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En reprenant la même pochette que celle figurant sur leur premier album, à mi-chemin entre le pop’art et le situationnisme (le grand "Nouveau !" étant ici seulement tagué d’un "2" rose fluo), Neu! dévoile le programme de sa nouvelle production : la répétitivité, obsession des deux artistes à la manœuvre. Celle-ci est au cœur de ce deuxième album, d’abord sur la pochette, puis dans l’esthétique générale : en ajoutant la forte présence de sons électroniques tout au long de l’album , ne peut-on pas y lire une critique ou une célébration de l’industrialisation, de ses gestes mécaniques et de l’uniformisation de la production ?
Répétitivité dans l’esthétique générale, avec une première face qui s’ouvre sur l’interminable "Für Immer", longue pièce planante qui agence seulement quelques variations minimales, une montée en puissance et des effets sur les enregistrements, dont on détecte encore l’influence sur la nouvelle génération space-rock à l’image de King Buffalo. Le motorisme (motorik), rythme métronomique et robotique, envahit "Lila Engel" qui enrichit son propos d’une guitare électrique punk, tandis que l’approche bruitiste de "Spitzenqualität" évoque la manufacture à travers l’écho appliqué aux percussions. Plus minimaliste encore, "Gedenkminute" sonne les vêpres derrière une imitation de la brise hivernale.
Répétitivité encore, quant au concept qui guide la deuxième face, dont certains salueront l’audace expérimentale quand d’autre déploreront un remplissage à la limite du foutage de gueule. Il s’agit de variations rythmiques apportées à plusieurs titres, principalement aux deux singles précédemment sortis en 1972 et intégrés à l’album, d’une part "Super", qui explique l’influence prêtée à Neu! sur la scène punk à venir avec son riff minimaliste et énervé, d’autre part "Neushnee", un titre planant doté d’une guitare new-wave avant l’heure. Pour transformer "Super", il y a aura "Super 16", une version ralentie à l’extrême à l’ambiance angoissante pleine de bruits industriels, et "Super 78", une version accélérée qui sonne comme une crise d’épilepsie électronique couverte d’hurlements. "Neushnee 78" en est l’équivalent pour l’autre morceau, où la guitare sonne d’abord comme une boite à musique et auquel l’accélération apporte de façon surprenante des aspérités hindoustanis. Enfin, "Hallo Excentrico!", n’est autre qu’"Hallogallo" au ralenti, un titre présent sur le premier opus, et "Cassetto" est une boucle brutalement coupée à plusieurs reprises, résultat provoqué par un problème dans la lecture d’une cassette. Avant-gardiste à coup sûr, cette seconde face est aussi opportuniste puisque le groupe manquait d’argent et de temps à cause d’un label un peu radin (malgré le succès obtenu par leur premier opus), ce qui rendit les bidouillages nécessaires pour compléter l’opus.
Comme le dit un journaliste dans une citation validée par le groupe, c’était une "solution Pop’art à un problème pop". C’est peut-être cette expression qui résume au mieux cet opus bancal mais fondamental dans l’histoire des musiques populaires.
À écouter : "Für Immer", "Super"