The Strokes
Future Present Past
Produit par Gus Oberg
1- Drag Queen / 2- OBLIVIUS / 3- Threat of Joy / 4- OBLIVIUS (Moretti Remix)
Comme quoi. On avait certainement enterré un peu trop tôt les Strokes, ces ex-minets new yorkais portés aux nues trop vite et trop fort et qui, depuis Is This It, n’avaient cessé de baisser tant en terme de discographie que d’estime auprès de l’intelligentsia rock. Dernier méfait en date, Comedown Machine montrait un quintette qui n’était plus que l’ombre de lui-même, assujetti à un leader faisant la pluie et le beau temps au sein d’un disque non pas indigent, mais tristement inégal, alternant les moments élégiaques et les sorties de route navrantes. Dès lors, on sentait Casa et les siens condamnés à faire survivre leur mythe en réactivant leurs Strokes au gré de leurs caprices et de leurs besoins financiers. Comme quoi.
Non pas que Future Present Past soit irrésistible, loin de là. Mais il y a dans cet EP très court (trois titres et un remix, très dispensable d’ailleurs) une volonté, une attitude, une ouverture à un futur non pas figé mais riche de promesses. Parce que qu’on le veuille ou non, les Strokes ont commis des morceaux géniaux. Pas forcément des albums entiers - ce n’est pas ici que vous verrez chanter les louanges d’Is This It - mais quand même : “Hard To Explain”, “Reptilia”, “Machu Pichu”, “Juice Box”, “Heart In A Cage”, ce sont des mother fucking good titles. Du temps de leur superbe, les cinq hommes n’avaient pas leur pareil pour pondre des ritournelles entêtantes et les accompagner de lignes instrumentales splendides. Le génie des Albert Hammond, Jr., Nick Valensi et Nikolai Fraiture n’est pas à rechercher dans une technique à tout crin, mais au contraire dans la façon qu’ils ont de lier leurs partitions au chant désabusé de Julian Casablancas, réalisant un empilement de sons et de textures d’une effarante limpidité. Tout y sonne parfaitement juste, clair et aéré. Mais l’insolente facilité avec laquelle les cinq américains sont capables d’écrire des tubes est certainement responsable de leurs déboires actuels. A force de se savoir bons, ils en sont venus à se comporter comme des enfants gâtés, Casa cristallisant des torts probablement partagés et jouant les divas en imposant ses vues eighties à un projet auparavant parfaitement équilibré tout en s’ébattant dans une carrière solo qui frôle l’indigence. Angles en avait fait les frais, tandis que Comedown Machine abdiquait l’ensemble du groupe au chanteur à la moue poupine. Dès lors, tout semblait perdu.
Sauf que Future Present Past offre un point de vue neuf sur l’image que nous renvoie les natifs de Manhattan. “Drag Queen”, déjà, nous plonge d’emblée en pleine cold wave avec ses nappes de synthé poisseuses et ses instruments engloutissant la voix badine d’un Casa repoussé loin, très loin en arrière fond. Il y a du rythme, du son, de l’attitude et un certain regard porté sur eux-mêmes, cf les courts solo dissonants d’Hammond Jr qui singent leur propre héritage. Changement de ton avec “Oblivious”, un morceau qui renoue avec les lignes instrumentales évidentes des Strokes, chaque gratteux troussant sa parto dans son coin tout en bâtissant un socle d’une solidité effarante, sans parler d’un refrain lâchant la bride d’un chanteur qui n’a plus qu’à expulser tout ce qu’il a dans le ventre, ni même d’arpèges magnétiques réinventant complètement le morceau en fin de piste. Plus calme, plus cool, “Threat Of Joy” se balade d’une ambiance à une autre, porté par un Julian Casablancas qui semble enfin impliqué, concerné par son sujet, et dès lors, l’équilibre des forces en présence semble rétabli tellement on est heureux de réentendre chaque instrumentiste apporter sa pierre à l’édifice. Seul point d’ombre ici, le médiocre remix synthético-psychédélique d’”Oblivious”, sans le moindre intérêt car tuant toute la construction Strokesienne au profit de nappes de claviers abrutissantes et de vocoders Daft Punkiens.
De quoi espérer un retour en grâce ? Certainement, surtout en imaginant que les petites frappes ont gardé leurs meilleures cartouches en réserve pour un sixième album studio à venir. Croisons les doigts, et contentons-nous largement de cet EP aussi réussi qu’inespéré.