The Tallest Man on Earth
There's No Leaving Now
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A défaut d'être le type le plus grand sur Terre, le Suédois Kristian Matsson est le principal porteur d'une représentation de la folk finalement très commune. Celle d'un minimalisme assumé, d'une folk traditionnelle que Dylan et Drake ont façonné dans leurs jeunes années. Celle qui ne s'embarrasse pas, qui campe sur quelques touches de piano ou quelques arpèges de guitare et ne considère pas l'émotion brute comme une vilaine chose à recouvrir d'un voile pudique. En trois albums produits entre 2008 et 2012, The Tallest Man On Earth a prouvé qu'il était l'un des meilleurs compositeurs de son époque et surtout, un chanteur de grand talent, capable de sublimer ses tracas et ses belles histoires juste en l'ouvrant bien haut
Car au-delà de ses mélodies immédiates, son identité est marquée par cette voix un peu nasale et un peu héroïque, toujours chargée à bonne dose d'une émotion ultra instable, mais surtout ultra communicative. Le gaillard chante fort, remplit l'espace que ses instruments laissent vacant et sans que l'on s'en rende compte, emporte tout sur son passage. Ce timbre pincé, souvent comparé à celui de Dylan résonne et il résonne toujours juste. Sans naïveté ni prétention, il chante avec habileté et précision, portant sur ses épaules tour à tour les douleurs les plus usuelles et l’allégresse des beaux jours. Puis il embarque dans son élan ces mélodies, simples, mais de cette simplicité salvatrice, cette simplicité qui replace les jolies choses à la portée de tous. La musique c'est parfois compliqué, mais il faut toujours un temps où la musique doit être accessible, proche de nous, où elle doit être un réconfort utile. The Tallest Man On Earth est presque cet ami qui vous veut du bien et qui s'en fout de passer pour le benêt de service. Parce qu'avant tout, il crée de la beauté. Et si ça ce n'est pas à la portée de tous, la goûter et se laisser fondre, ça l'est.
Difficile de faire ressortir du lot un album de sa récente discographie, mais le petit dernierThere's No Leaving Now semble être la synergie de tout les atouts du Suédois. L'album d'un type sûr de sa force et qui n'a plus rien à prouver après deux premiers jets largement salués. En fait, Kristian, c'est un peu ce type qui fait des sculptures géantes avec des allumettes, sans le côté freak qui va avec. Avec quelques touches de piano, il nous sert une ballade ultra percutante ("There's No Leaving Now"), comme il nous emballe en deux temps trois mouvements avec deux guitares ("1904", "Criminals"). Rien ne lui semble impossible, ni même compliqué, tout est fluide, autant dans la confession ("Little Brother") que dans l'ardeur ("Wind And Walls").
Alors certes, il n'a pas inventé l'eau tiède, il ne fait que porter plus haut les couleurs d'un genre qui se complexifie d'expérimentations en expérimentations. Lui, ne garde que la sève, se limite, se cantonne. There's No Leaving Now, comme ses grands frères, à la longue, tourne un peu en rond, s'évapore dès qu'il s'achève et ne nous hante pas la nuit venue, ni même le matin suivant, ni même jamais. C'est vrai. Mais il demeure un délicieux moment, un instantané désarmant de simplicité et de charme.