Discorama 2000's : les incontournables français
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Introduction
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2009-2010
Exsonvaldes : Near The Edge Of Something Beautiful
mars 2009
Identité. Voilà un mot qui pose problème quand on parle de rock français. Il n'est pas ici question de débattre de l'identité nationale, vaste blague sémantique détournée à des fins politiques oiseuses, mais de mettre en exergue un certain manque de singularité chez nombre de formations hexagonales qui ont choisi de s'exprimer dans la langue de Shakespeare mais dont l'anglais n'est pas la langue maternelle. Bien sûr, on ne peut nier le besoin évident qu'ont ces groupes de s'abreuver à la source du rock n' roll et de s'immerger dans la musique de leurs modèles anglo-saxons, mais encore faut-il digérer ces influences pour en ressortir quelque chose de neuf, de frais et d'original. Rares sont ceux à y être parvenu, et Exsonvaldes en fait partie.
Ces quatre parisiens ont écouté la même musique que nous dans leur jeunesse. Comme nous, ils se sont gavés de Nirvana, ils ont fait des overdoses de Radiohead, mais ils ont également été fouiller plus loin, du côté de la scène indépendante américaine où règn(ai)ent en maître les Pavements, Chokebore et plus récemment les excellents Death Cab For Cutie. Pourtant, fait assez étonnant, rien de tout cela ne transparaît dans leur musique. Le fait est donc établi : les Exsonvaldes ont totalement réussi à se baigner dans le rock anglo-saxon et à en resortir quelque chose de parfaitement inédit, avec un côté French Touch probablement appréciable à l'étranger. Il y a chez ces quatre garçons un vrai talent de songwriting, une sorte de poésie douce-amère aussi chaleureuse que tragique, mais aussi et surtout une personnalité forte et sensible.
Si Time We Spent Together posait les bases d'un édifice solide, Near The Edge Of Something Beautiful assure au groupe une assise sereine qui lui permettra de monter encore plus haut. Parfaitement aiguillés par Alex Firla (Phoenix), les instrumentistes y affinent leur propos, osent plus de variété en laissant une importante place aux guitares sèches, et poussent leur sens mélodique un cran plus loin, avec à la clé quelques petits miracles. A ce titre, "Lali" s'impose immédiatement dans sa grâce et son émotion, magnifié par la voix fêlée et lancinante de Simon Beaudoux : avec ce morceau, le groupe tient tout simplement le single parfait, son single. Plus généralement, le début de l'album s'avère d'une tenue remarquable, entre un "A Day Like Today" sensible et chaleureux et un sensationnel "Near The Edge Of Something Beautiful" armé de ses arpèges magnétiques. Cette belle entrée en matière se place dans un cheminement exponentiel dans lequel les guitares déchargent de plus en plus d'énergie ("Everything I See") pour aller jusqu'à faire de l'ombre aux britishs sur leur terrain ("Sunlight", grisant). Face à de tels joyaux, on est tout prêts à pardonner un noyau central un poil moins passionnant, et on espère surtout qu'Exsonvaldes transformera une nouvelle fois cet essai à l'avenir pour s'installer durablement dans le paysage rock français, voire, pourquoi pas, international.
Nicolas
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Ladylike Dragons : Heart Burst
octobre 2009
S'attaquer à un dossier sur le rock français revient fatalement à faire un choix, parfois cruel et douloureux, mais souvent engagé et, osons énoncer le mot, militant. Il ne s'agit pas ici d'aller dans le sens des orientations politiques proférées par certains groupes, mais plutôt de mettre en lumière le combat qui s'engage très vite lorsque l'on veut défendre sa propre vision de la musique rock hexagonale. Parce que les artistes français touchent à quelque chose de particulier en nous, parce que l'on s'en sent plus proches, le facteur émotif entre rapidement en considération dès lors qu'il s'agit de privilégier untel plutôt qu'un autre. Mais le rock français a aussi cette particularité d'être sans cesse en recherche : rares sont les formations à tirer leur épingle du jeu, et alors que quelques élus se pavanent éhontément sur les plateaux de télévision, souvent aidés de façon plus ou moins compréhensible par des médias spécialisés prompts à nous dispenser leur vision de la scène hexagonale, nombreux sont les oubliés qui galèrent dans l'ombre et qui attendent en vain un peu d'attention.
A ce titre, le revival garage-rock se révèle particulièrement représentatif d'une tendance proprement désolante. Ayant explosé en France avec cinq bonnes années de retard sur le reste du monde, cette mode a été le prétexte à la mise en lumière de jeunes groupes pas forcément meilleurs que les autres, mais qui ont eu la chance d'arriver au bon endroit, au bon moment et avec les bons appuis. Dès lors, nous ne reviendrons pas une nouvelle fois sur le succès populaire d'estime glané par les BB Brunes, Plasticines et autres Naast (qui ça ?) ni sur la franche désaffection des amateurs de rock à leur encontre. Le fait est qu'un tel éclairage appelle forcément une réponse ou, soyons clairs, une riposte de la part de ceux qui ne souhaitent pas que le rock de leur pays se résume à des bobos en pantalons slims qui doivent plus leur succès à leur statut de groupe néo-branchouille parisien labellisé Rock N' Folk qu'à leur talent.
Notre riposte à nous, à albumrock, c'est de défendre bec et ongle les Ladylike Dragons. Ces trois jeunes seine-et-marnais nous ont tapé dans l'oreille dès leur premier EP, et plusieurs rédacteurs se sont attelés à suivre avec une réelle envie leur évolution tant sur scène qu'en studio, évolution débouchant sur un premier album d'une grande qualité. Heart Burst réalise la synthèse parfaite entre garage 60's et power pop, la rencontre éclatante entre les Strokes et Supergrass, le tout avec un culot énorme et un bonne dose de talent. Les ex Olympic Dragons (honte au comité olymique français d'avoir fait pression sur le groupe pour qu'il change de nom) peuvent notamment s'appuyer sur le chant puissant et expressif de Cindy Jacquemin, une grande voix comme on en rencontre peu. Pour le reste, un seul mot d'ordre : spontanéïté. De l'énergie, du punch, et des riffs comme s'il en pleuvait, ressuscitant allègrement les Kinks ("13 Minutes") et faisant la nique aux Libertines ("My Need Of Naughtyness"). Mais l'album ne se résume pas qu'à des salves de guitares hargneuses et à de l'énergie incontrôlée. Sur ce premier jet studio, le groupe s'essaie à quelques audaces parfaitement maitrisées, entre arragements symphoniques royaux ("City And The Lights", terrible) et émotion richement contenue ("The Wisdom Of My Faith", "Campfire"). C'est dire si cet album frappe fort là où ça fait mal. Après ça, comment peut-on encore croire que les BB Brunes sont les sauveurs du rock français, hein ? On se le demande. Et on espère surtout que les Ladylike Dragons vont très rapidement leur damer le pion. Si ça, ce n'est pas du militantisme...
Nicolas
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Benjamin Biolay : La Superbe
octobre 2009
On savait Biolay auteur, on savait Biolay compositeur, restait encore à trouver le Biolay interprète. Et sur La Superbe, le dandy a su pousser suffisamment bien la chansonnette pour qu'un charme inaliénable opère, à la fois intimiste et symphonique. Il en ressort un double-album sans fausse note, oserait-on même dire d'une beauté invariable confondante, surtout venant d'un artiste qui nous avait si souvent habitué à des albums inégaux. Un double-album pour vingt-trois titres, autant dire une aubaine pour le compositeur hétéroclite et talentueux qu'il est. Car avec La Superbe, Benjamin Biolay parcourt une diversité de ton et d'ambiance avec brio, le chemin balisé d'un voyage épique et blasé à la fois. La Superbe est un album difficile à catégoriser. À la fois pop sur "Si Tu Suis Mon Regard" ou "Lyon Presqu'île", divinement électro sur "Buenos Aires", ou carrément intime en tête-à-tête avec son piano dans un "Ton Héritage" poignant, Biolay colore chaque genre de son amertume glacée.
Mais cet album est avant tout un journal intime, Biolay se livre sans retenue, parfois érotique, cynique, naïf ou même un brin autiste, mais toujours très juste dans ses mots. L'auteur s'illustre notamment dans "La Superbe", générique illuminé, mélancolique et fataliste, où des violons lancinants se heurtent à une boîte à rythme froide et stoïque. Ou bien ironique dans un "L'espoir Fait Vivre" enlevé, dense et peuplé de synthés qui se superposent. Et puis ce coup d'éclat, le duo qu'il forme avec Jeanne Cherhal propose avec "Brandt Rhapsodie" une illustration concrète de la vie de couple, la rencontre, les promesses puis la longue déliquescence, la perte de désir et la séparation inéluctable. Et que dire du Biolay compositeur, le multi-instrumentaliste a concocté ses vingt-trois titres comme un artisan, presque seul avec ses bonnes idées. De l'album se dégage une impression de maîtrise et un côte dandy qui colle à la peau du bonhomme. Car il est vrai que certains titres respirent des fragrances d'ambiances cosys, de l'amoureux et mélodique "Night Shop", du sensuel "Padam" jusqu'à l'acoustique "Raté", Biolay manie le léger avec sérieux et le drame avec distance. Sa voix de crooner ivre glisse sur les mots, rampe, s'accroche mais n'abdique jamais. Le Biolay chanteur a su trouver l'alchimie parfaite entre sa voix de clown triste, ses paroles résignées et ses compositions élégantes.
On trouvera bien quelques bémols. Oui, Biolay n'est pas encore un chanteur hors pair (encore que...), oui Biolay n'a finalement fait que du Biolay mais en mieux et non, Biolay n'a pas inventé l'eau chaude, mais La Superbe est un album complet, beau et varié, sans doute l'un des meilleurs de sa génération. Il s'est offert le scalp de ses détracteurs et les vivats de l'ensemble du prisme journalistique français, mais surtout une légitimité pour vingt ans et un public enfin conquis pour de bon.
Kévin
Eiffel : A Tout Moment
décembre 2009
Ainsi, Noir Désir n'est plus. Dans les faits, la formation bordelaise, quoiqu'absente (ou presque) des années 2000, a laissé planer son ombre sur une grande partie du paysage rock hexagonal, entraînant à sa suite une vaste armée d'erzats peinant malgré tout à égaler l'original. Mais l'occultation obligée (et prémonitoire) du groupe à partir de 2003 a tout de même occasionné un impact majeur sur la production française tout comme sur l'émergence de jeunes successeurs qui, eux, n'aspirent plus à s'exprimer dans la langue de Molière. Ainsi les Dolly, Luke, Deportivo, Blankass, Kaolin et autres "héritiers" de Noir Dés', rayonnants au début des années 2000, s'effacent-ils progressivement de nos consciences pour laisser la place aux Phoenix, Izia, Tahiti 80, Cocoon, Hey Hey My My, Pamela Hute et autres groupes authentiquement français mais invariablement anglophones, et ce n'est pas ce début de décennie 2010 qui verra la tendance s'inverser. Même les pathétiques Kyo ont fini par céder leur place à Empyr, entreprise guère plus convaincante, certes, but in english please. Malgré tout, si cette règle s'avère de plus en plus vérifiée à mesure que le temps passe, Eiffel en est probablement l'exception la plus singulière.
Là encore, il n'y a aucune place pour le hasard. Alors que Bertrand Cantat fut contraint de se terrer au fond de sa cellule puis de sa campagne bordelaise, Romain Humeau se trouva être le seul chanteur et parolier ayant un bagage littéraire suffisamment étoffé pour relayer avec crédibilité le rock français poétique à texte. Sans faire oublier Noir Désir mais en en revendiquant tout de même la filiation, Eiffel a accouché, avec plus ou moins de douleur, de quatre albums d'une qualité constamment croissante, réconciliant les guitares électriques rugueuses et les écrits raffinés, et se réclamant autant de Brel que des Pixies - sacré grand écart, quand même. Pourtant, il faut bien le reconnaître, le groupe n'a pas encore vraiment trouvé son public. Pourquoi ? Vaste question. On peut bien sûr évoquer d'incessants changements de line-up, une vision probablement trop littéraire du rock n' roll, et certainement un manque d'attention de la part d'Universal qui n'a jamais vraiment cru en Eiffel et qui n'a pas hésité à éjecter le groupe en 2007 faute de ventes d'albums jugées suffisantes. Mais peut-être que le public français n'était tout simplement pas prêt à accorder sa confiance à Romain Humeau alors que Noir Désir promettait un retour fracassant. Désormais, l'affaire semble bien différente. Tandis que Cantat et Humeau multiplient les collaborations et les apparitions communes, parmi lesquelles les récents concerts bordelais qui ont nourri l'espoir de toute une génération de fans, comment ne pas imaginer Eiffel en successeur légitime de Noir Dés ? L'avenir et le public trancheront.
En attendant le cinquième album du quatuor parisien, sur lequel, n'en doutons pas, Bertrand Cantat aura droit à une place substantielle, on peut encore s'octroyer quelques tours de platines supplémentaires des quatre albums du groupe et plus particulièrement d'A Tout Moment. Parce que cet opus, s'il reste dans la continuité des trois autres, montre une évolution substantielle vers une musique plus nuancée et, osons le dire, mieux maitrisée. Symbole de cette subtilité sereine, "A Tout Moment La Rue", sous ses allures révolutionnaires inquiétantes, réalise la parfaite image sonique du climat oppressant qui règne au sein des masses populaires avides de changement. Une fois n'est pas coutume, le single a été assez généreusement diffusé sur les ondes, preuve que, là aussi, les choses commencent à bouger. Le reste de l'album est à l'avenant, les réfractaires aux écrits maniérés et métaphoriques de Romain Humeau resteront toujours de marbre, mais les autres se satisferons amplement des 12 morceaux qui composent ce disque, particulièrement des magnifiques nuances de cordes de "Minouche", des dissonances truculentes de "Je M'Obstine", de la folk habitée de "Sous Ton Aile" ou encore des guitares rageuses de "Ma Blonde". C'est un fait : Eiffel n'a désormais plus rien à prouver, que ce soit en studio ou en live. Ne reste plus que la consécration populaire...
Nicolas
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Pamela Hute : Turtle Tales From Overseas
mai 2010
Drôle d'histoire qu'est cet album au plaisant nom. En 2009, Pamela Hute et ses deux acolytes Ernest Lo et Igor Bolender, se prennent par la main et sortent leur opus de treize titres en autoproduit. Alors qu'il allait poindre, Vincent Frèrebeau, patron de Tôt ou Tard (Thomas Fersen, Peter Von Poehl…) lève les bras au ciel et stoppe l'engrenage en leur proposant de les prendre sous son aile, avec Guess What!, son nouveau label. Sitôt dit sitôt fait, Turtle tales from overseas passe par d'autres mains, et sort en 2010.
''Clair-obscur'', terme rapidement utilisé dans multiples bouches, dès qu'un contraste est à pointer du doigt. Si l'on s'arrête à la définition pure, basée sur l'art pictural, le clair-obscur ''crée des effets de contrastes parfois violents'' ou encore il ''permet d’augmenter la tension dramatique, de figer les attitudes à un moment précis, de mettre en volume les personnages et de donner l’illusion du relief''. Toutes ces descriptions définissent plutôt adroitement l'album de Pamela Hute, qui touche sous divers aspects cette fameuse opposition. Partons pour commencer de la pochette, qui pose le ton, toute de sobriété et d'ombre vêtue. Le visage a moitié visible, de grosses lunettes vissées sur le nez, le regard mal posé, tout ce sombre et ce mystère de prime abord intrigue, et n'appelle qu'à être percé. Le titre à lui seul interpelle également, Turtle tales from Overseas, soit ''Contes de tortue outre-mer''. Creusons. Douze morceaux, dont les titres passent de ''Hysterical'' à ''You call me dear'' ou ''Pink safari'' sans aucun soucis éthique, et nous n'allons pas nous en plaindre. On passe également du rock ciselé, pétillant et électrique, (''Taste it'', ''Umbrella'', ''Hysterical'') à du plus ténébreux, jouant sur les lenteurs et sur le sourd (''Chocolate soup'', ''Friend'', ''Tell me more''). On croise également du très sombre et mélancolique, ambiance comme aiment les filles (''Pink safari''), mais aussi du pêchu, sans guitare et aux allures fifties, total décalage avec le reste de l'album (''Parachute'').
Poussons le vice et zoomons encore. La bipolarité est travaillée jusque dans le cœur même des morceaux. Outre cette voix cristalline mélangée à un son bien rockeur-tatoué, on ne s'étonne pas lorsqu'un morceau attaque sobrement pour éclater en plein milieu, comme une crise passagère. Une instrumentation de mâles, habillée et gérée par une voix des plus féminines. Ou peut-être l'inverse, on ne sait plus, on perd le sens de la logique, et on vacille tout le long de l'opus. Tantôt Dolly, tantôt The XX, Pamela Hute conjugue le rock au féminin sans hésitation et sans retenue, ce qui n'est pas pour déplaire à ses écouteurs.
Emilie