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R.E.M. : Rapide coup d’œil sur 30 ans de musique.


Collectif, le 03/09/2015

Reckoning


16 Avril 1984


Magnifique deuxième pierre d'un futur édifice musical gigantesque


En 1984, le punk est (déjà) mort et le métal est un registre réservé aux initiés (la scène de San Francisco, la fameuse Bay Area d’Exodus, Possessed et Metallica, verse dans un thrash marginal). La new-wave écrase tout, les arrangements mielleux des synthétiseurs couvrent toutes les ondes et même Bruce Springsteen, qualifié en 1975 comme le futur du rock ’n roll par le critique Jon Landau, verse (avec brio pour autant) dans les expérimentations surproduites et populistes du rock FM. Ailleurs, quatre jeunes irlandais émergent du tumulte dublinois et se tracent une voie royale vers un succès planétaire, à grands coups de chants guerriers et de guitares incisives à l’écho déjà singulier. Restent quatre rockers d’Athens sortant leur deuxième album, après un Murmur quasi-parfait, comme un savant mélange garage rock et de post-punk agrémenté d’une fragilité vocale inimitable, en totale contradiction avec les sonorités exacerbées du rock 80's. Noyé dans un monde musical où l’inspiration semble permanente et où les nouveautés fleurissent autant qu’elles dépérissent, le temps de la confirmation est venu pour R.E.M. qui, non-content d’être bourré de talent, livre avec Reckoning un opus majeur posant les bases de tout leur répertoire pop à venir.


Si l'enregistrement de Murmur avait été chahuté par un changement soudain de producteur, Stephen Hague prenant la porte sur demande expresse du groupe laissant sa place à Mitch Easter et Don Dixon, celui de Reckoning se déroule dans des conditions plus clémentes, même si le groupe peut se targuer d'une certaine notoriété naissante au vu des critiques élogieuses ayant suivi la sortie de son premier album. Le contexte négatif de Murmur avait catalysé l'écriture des textes sombres de Stipe, il n'empêche que celui-ci ne change pas son laïus mélancolique et verse dans une poésie noire teintée d'un thème marin prépondérant dans l'album: "Find my Harborcoat" ("Harborcoat"), "Seven Chinese Brothers swallow in the ocean" ("Seven Chinese Brothers"), "These river of suggestion are driving me away" ("So. Central Rain). Le sujet des paroles restent néanmoins plus superficiel et moins critique que ce que proposera le groupe par la suite: Document et Green font clairement étalage de revendications politiques, là où Monster critique la culture de masse et Lifes Rich Pageant soutient l'écologie.


Musicalement, Reckoning s'oriente davantage dans les contrées pop avec un mixage plus équilibré que sur Murmur: les grondements de la basse n'écrasent plus le groupe et le chant de Michael Stipe est clairement plus distinct, s'alliant à merveille aux vocalises de Mike Mills et Bill Berry sur les refrains de "Harborcoat" ou "Second Guessing". La guitare de Peter Burk est quant à elle très travaillée et les nombreux effets (phasing notamment) ajoutés à ce son habituellement plutôt simple confèrent une ambiance aquatique ("Pretty Persuasion", "Letter Never Sent") en totale adéquation avec le thème de l'album ("So. Central Rain"). Rythmiquement, Reckoning suit le même chemin que Murmur, tout en fractures et tempos rapides, avec une exécution cependant plus directe, l'écho de la caisse claire s'effaçant et trouvant un claquant jouissif. Dans sa quasi intégralité, Reckoning se veut contradictoire tant son exécution rythmée et entrainante contraste avec les sujets abordés par Stipe. « Don't Go Back to Rockville » et sa dualité sonore et textuelle voit un refrain enjoué et repris en choeur se conclure sur un "Waste another year" mélancolique et décharné de tout accompagnement musical. C'est un fait, R.E.M. est un groupe sérieux dans ses propos et sert habilement ceux-ci en les liant à une musicalité harmonieuse.


Le lyrisme de Stipe prend également de l'ampleur sur cet album, par le mixage c'est un fait mais également, par une maitrîse vocale accrue. "Time After Time" est d'un prophétisme lancinant et qui, a-posteriori, se pose comme le modèle encore brut d'un "Try Not to Breathe" ou d'un "Until the Day is Done". Les textes courts de l'auteur sont interprétés avec cette fragilité singulière, ce timbre chancelant et sincère qui touche le coeur et happe l'attention. C'est la pureté de la voix cristalline de Stipe qui frappe à l'écoute de Reckoning: elle accompagnera dès lors chacun des efforts du groupe d'Athens. Ni forte, ni criarde, ni éraillée, ni caverneuse, elle flotte en permanence sur la musique du groupe ("Harborcoat" et ses tremolos) et place, parfois à contre courant, des mots simples à la résonance complexe ("Letter Never Sent" et son évocation des inondations géorgiennes de 1984). Artistiquement, la bande à Stipe peut se targuer d'orner son deuxième effort d'une peinture intrigante, travaillée avec un artiste local, Howard Finster, par ailleurs très sombre et finalement bien représentative des paroles de Stipe. Reckoning aspire donc à une cohérence forte tant dans sa direction musicale que plus généralement artistique.


Album largement plébiscité et premier du groupe à faire son entrée dans les charts anglais, R.E.M. voit Reckoning (associé à Murmur) comme l'étendard du rock alternatif américain, celui qui influencera toute une pléthore de formations diverses, l'ami Bob Mould et ses sbires de Hüsker Dü en tête. On ne finira plus de parler de R.E.M. après Reckoning, qui réussit son pari fou de confirmer le talent du groupe après Murmur, probablement le meilleur premier album de la décennie avec Pretty Hate Machine de Nine Inch Nails. Une confirmation de talent pourtant teintée d'expériences sonores et musicales radicalement différentes, appuyant un peu plus l'adoubement du groupe en tant que pionnier d'un nouveau genre.


La portée de l'oeuvre de R.E.M. au travers de cet album est encore embryonnaire, même si chacun accordera un grand crédit au groupe après ces deux premiers efforts. Là où Murmur était un rock sombre, épuré, inquiétant et d'un lyrisme cristallin, Reckoning est réjouissant, travaillé, entrainant et d'une noirceur abyssale dissimulée sous un apparat de mélodies pop enjouées. Avec ces deux albums majeurs, voire cultes n'ayons pas peur des mots, le groupe d'Athens vient d'apposer les deux premières briques de la cathédrale musicale qu'il créera 25 années durant. C'est la recherche du plus fin équilibre entre ses deux genres aussi distincts que liés qui aboutira aux sommets discographiques du groupe, Document en tête. A ce titre, "Pretty Persuasion" a inspiré la genèse d'Accelerate et même sur Collapse Into Now, on se plait à retrouver ce qui a éveillé la curiosité à l'écoute de ces deux premiers efforts, parfois très subrepticement le temps d'un accord de guitare, d'un décrochement vocal impromptu, mais toujours avec cette émotion indéfectible. C'est le propre des grands groupes: surprendre, changer, évoluer, renier, expérimenter, mais toujours faire vibrer, singulièrement. Des grands groupes, que dis-je ? Des légendes.


Etienne

En savoir plus sur R.E.M.,
Commentaires
QazorleGrand, le 17/10/2015 à 16:04
Bravo pour le dossier ; vous m'avez donné envie de réécouter leurs albums ! Petit bémol perso : Accelerate exhibe ses biceps rock mais tombe à plat pour moi, Collapse into Now me semblant bien meilleur ! Document est un grand disque rock de REM et Up un disque trop sous estimé !
Francois, le 19/09/2015 à 16:01
It's the end of the world...as we (used to) know it...and I feel sad !