
Schizophrenic Rock
Il ne fait plus aucun doute que l'usage des drogues, principalement hallucinogènes, a joué un rôle essentiel dans la production rock. Elles ont nourri des courants tout entiers comme le psychédélisme et alimenté l'inspiration de centaines d'artistes dans l'écriture et la composition de leurs titres, jusqu'à devenir le sujet central de certaines chansons comme "White Rabbit" de Jefferson Airplane ou "Brown Sugar" des Rolling Stones. Chez certains musiciens, la consommation de drogue a eu des effets désastreux, conduisant leurs esprits divaguant vers des territoires vierges dont ils n'ont pu revenir, persuadés d'atteindre des niveaux supérieurs de conscience, comme le promettaient certains prophètes de l'acide comme Timothy Leary.
Souvent, dans ces cas difficiles que l'histoire du rock compte, hélas, en nombre, les effets indésirables de l'acide et du cannabis ont réveillé des troubles psychiatriques profonds et sévères avec lesquels ils se sont confondus, nourrissant l'hallucination, la paranoïa, le délire, parfois la catatonie, allant jusqu'à perturber violemment les mécanismes de pensée, autant de symptômes liés à la schizophrénie. Le psychédélisme garantissait la « révélation de l'âme », mais ces artistes, en s'égarant dans leur exploration, n'y ont trouvé que le « fractionnement de leurs esprits » (traduction étymologique du terme schizophrénie).
Trouble psychotique majeur connu de longue date, mais compris récemment (ce qui l'a rendu difficilement décelable dans les années soixante et soixante-dix), cette maladie affecte environ un pour cent de la population mondiale et le peuple du rock n'y échappe pas. Dans le malheur, la souffrance quotidienne et le combat chronique, les artistes qui en souffrent parviennent à tenir le fil d'Ariane de leur musique et transformer leur maladie en source d'inspiration. En pareil cas, ils élaborent des œuvres uniques, souvent complexes et tortueuses, qui ont, pour certaines, marqué profondément l'histoire de la musique contemporaine et assis leurs auteurs parmi les plus grands génies du rock. La schizophrénie a fait naître de nombreuses chansons qui en portent le nom et influencé des artistes récents comme Wesley Willis ou Daniel Johnston, l'initiateur du mouvement Lo-fi. La maladie a essentiellement frappé le monde du rock sur son versant psychédélique, affectant quelques-uns des grands génies créateurs du genre, au point de laisser supposer que les perturbations schizophréniques ont, d'une certaine façon, participé à son émergence.
À travers une galerie de portraits emblématiques du rock psyché, ce dossier se donne pour but de souligner l'importance et la singularité de certaines œuvres, d'explorer un univers artistique qui plonge à l'intérieur de l'esprit humain et, surtout, de rendre hommage au combat mené contre la maladie par ces artistes.
- Introduction
- Brian Wilson, la tête pensante des Beach Boys
- Syd Barrett, l'âme tourmentée de Pink Floyd
- Peter Green, l'esprit créateur de Fleetwood Mac
- Alexander « Skip » Spence et Bob Mosley, le souffle paranoïaque de Moby Grape
- Roky Erickson, le cœur hanté du 13th Floor Elevators
- Arthur Lee, le génie déchiré de Love
- Jim Gordon, l'esprit-frappeur de Derek & The Dominos
- Sky Saxon, la déroutante conscience des Seeds
- Arthur Brown, le dieu infernal du Crazy World