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Critique d'album

Deftones


Koi No Yokan


(12/11/2012 - Reprise - Metal alternatif - Genre : Hard / Métal)
Produit par Nick Raskulinecz

1- Swerve City / 2- Romantic Dreams / 3- Leathers / 4- Poltergeist / 5- Entombed / 6- Graphic Nature / 7- Tempest / 8- Gauze / 9- Rosemary / 10- Goon Squad / 11- What Happened to You?
Note de 5/5
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Note de 3.0/5 pour cet album
"Le gang de Sacramento perpétue avec brio son métal urbain, fébrile et hanté."
Maxime, le 09/01/2013
( mots)

Si les rock'n roll high schools avaient le bon goût d'exister, nul doute que Deftones serait un cas d'école, un exemple à brandir dès lors que se pose la problématique "que faire après avoir publié un chef d'oeuvre  ?" Une question aigüe à laquelle le quintet de Sacramento a dû se confronter en accouchant dans la douleur de White Pony, car sortir un tel disque relève à la fois de la bénédiction et de la malédiction. Une bénédiction, parce qu'avec ce troisième album, le groupe s'est affranchi du carcan étroit du néo-métal, un genre qui a rapidement trouvé ses limites, à l'heure où Korn tente de le maintenir désespérément en vie à coups de perfusions dubstep. Renouvelant son public sans jamais renier ses fondamentaux par la grâce de son magnum opus, Deftones est parvenu à se tailler une place unique sur l'échiquier décibélique américain, pourtant jamais avare de grands chamboulements.

Mais très vite point la terrible interrogation, celle qui a flingué la discographie de tant de groupes : que faire après ? Un choix cornélien s'impose alors, partir dans une nouvelle direction ou bien capitaliser sur la formule gagnante que l'on est parvenu à synthétiser ? Chino Moreno et ses troupes ont au départ hésité, livrant sur leur album homonyme (2003) un compromis maladroit entre un retour vanté à leur son originel et la poursuite des expérimentations en cours. Finalement, à l'issue d'une période incertaine où le groupe multiplie les ébauches avortées, les musiciens entérinent la seconde option, perpétuant le compromis entre l'orthodoxie métallique de Stephen Carpenter et les aspirations éthérées de Moreno que White Pony avait si difficilement arraché mais brillamment accompli. Depuis plus d'une décennie, Deftones fait ainsi fructifier avec un bonheur égal son alchimie périlleuse au carrefour des styles, quelque part entre grunge et post-rock, et ni le side-project planant du chanteur (Team Sleep), ni la reconduction de Nick Raskulinecz au poste de producteur en lieu et place de l'historique Terry Date, ni même le remplacement contraint de Chi Cheng par Sergio Vega ne l'a fait dévier de cette trajectoire.

Dès lors, on n'ajoutera rien de plus sur ce Koi No Yokan que l'on aurait pu déjà dire au sujet de Saturday Night Wrist ou Diamond Eyes. Dès cette véritable déferlante de mandales que constitue "Swerve City", le combo admoneste avec une rage intacte les saillies d'un style qu'il maîtrise à la perfection. Stephen Carpenter tronçonne de son ESG 8 cordes (!) les salves de riffs saturés de distorsion dont il a le secret, tandis que Moreno alterne les ponts vaporeux et les refrains écorchés avec une immuable schizophrénie. Rompus au jeu du bon/mauvais flic, les compères s'échangent les rôles, celui qui infligera la baffe et celui qui prodiguera la caresse, tandis que Frank Delgado tapisse l'arrière-plan sonore de discrètes nappes électro. Dès les premières minutes, Deftones exhale son atmosphère unique, et l'on a à nouveau la sensation d'être embarqué dans un voyage nocturne autour du périphérique de L.A. filmé par Michael Mann, tandis que le tonnerre zèbre le ciel sur les mesures telluriques de "Graphic Nature".

Mais celui qu'on est le plus ravi de retrouver reste sans conteste Abe Cunningham. Il faudrait sans cesse faire l'éloge de ce discret mais prodigieux batteur, la façon qu'il a de marquer chaque temps à fond de caisse, sa frappe sèche, son jeu tonique dont n'échappe pourtant aucun groove distinct. Sa science percussive pulse au rythme d'un coeur transi le long de "Romantic Dreams", ou gicle dans la carotide comme une montée d'adrénaline sur "Goon Squad". Le son Deftones demeure aussi pertinent aux dernières lueurs de 2012 qu'il l'était aux premiers feux du nouveau millénaire, et une partie non négligeable de ce mérite revient au petit Abe. On retrouve ainsi ses marques au fur et à mesure que les pistes se dévident et que les écoutes répétées nous acclimatent à ces 11 nouveaux titres, l'occasion de constater que le groupe a préféré rompre avec l'alternance de titres rageurs/plages atmosphériques pour compacter ces deux mouvements au sein même des morceaux. "Leathers" et "Goon Squad" se déploient ainsi lentement sur quelques arpèges vaporeux avant de fracasser le mur du son de plus belle. La grâce a le droit de cité, mais elle trouvera toujours l'agressivité comme inéluctable issue.

Privé d'interludes trip-hop et d'oeillades appuyées au rap, l'album gagne en cohérence sur ses prédécesseurs, et livre avec une intensité parfois ébouriffante ce pur concentré de violence suave qui constitue la marque de fabrique du gang. Seulement, une fois que l'on cesse de s'émerveiller devant l'armada sonique déployée, cette homogénéité tourne souvent à la redondance, la faute à trop de titres moyens qui plombent l'ensemble ("Leathers", "Poltergheist", "What Happened To You?"). Si le combo a le bon goût de férailler dans les bornes généreusement délimitées par l'équidé immaculé, il n'en retrouve qu'épisodiquement la qualité d'écriture. C'est lorsqu'il reconquiert le niveau de songwriting sur lequel il s'était hissé avec White Pony que Deftones se révèle grandiose : "Entombed" est une véritable merveille, une supplique désespérée, une prière ardente lancée dans un ultime souffle au milieu d'un monde au bord du chaos, tandis que "Tempest" et "Romantic Dreams", de quelques coudées au dessus du reste, dégagent cet enivrant romantisme crépusculaire qui sied si bien aux Californiens, jamais aussi convaincants, au fond, que lorsqu'ils se rapprochent de leur axe Depeche Mode/Cure plutôt que de leur néo-Pantera qui constitue leur ordinaire.

S'il constitue probablement le meilleur album qu'a publié Deftones depuis White Pony, Koi No Yokan ne fait au final qu'en affirmer la suprématie, dans ses temps faibles comme dans ses pics d'intensité. Le quintet excelle dans le style qu'il a longuement forgé, mais il est probable qu'il ne fera jamais mieux que le coup de force qu'il a publié il y a maintenant 12 ans, condamnant le reste de sa discographie à évoluer sous son ombre terrifiante. Reste à l'amateur ce passionnant travail d'exploration : chercher dans les tréfonds de ce hard rock urbain, fébrile et hanté ses pépites enfouies.

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