Ken Hensley
My Book of Answers
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Depuis 1980, date de son départ d’Uriah Heep (dans des circonstances qui lui ont toujours laissé un profond sentiment d’amertume), Ken Hensley a sorti une douzaine d’efforts en solo (ou avec des groupes de circonstance). Aucun d’entre eux n’a marqué l’imaginaire rock. A l’analyse, il est possible que l’anglais ait souffert d’un manque de perspectives sur son propre travail. Dans "son" groupe londonien, il était en concurrence avec des personnalités fortes qui l’ont poussé dans ses ultimes retranchements créatifs (ensuite dans des nuages plus poudreux). Il y a laissé ses meilleurs textes ("If I Had The Time", par exemple) et ses meilleures mélodies ("Rain", par exemple aussi).
Comme sa pochette déroutante (mais involontairement très "arty"), My Book Of Answers pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Une chose est certaine : c’est peut-être le meilleur album solo du vieux maître. A ceci près que ce n’est pas vraiment un album solo. C’est le fruit de la rencontre improbable (déjà largement documentée) entre Kenneth William David Hensley, musicien anglais, et Vladimir Emelin Pavlovich, fan russe obstiné et poète post-adolescent auto-proclamé.
Marier le romantisme russe dans tout ce qu’il a d’exalté (et de déprimant) avec l’héritage poétique du spiritisme ("Circle Of Hands", "Lady In Black", …) n’était pas un pari gagné d’avance. Mais, pour paraphraser Jacky, le rouge post-communiste et le noir post-victorien se sont épousés le temps d’un crépuscule.
Et c’est magnifique. Même si les textes sont parfois source(s) de circonspection. Tout le monde sait que le traducteur est un traître. Les originaux en russe ont été traduits en anglais moyen puis retravaillé en anglais authentique. Ca nous fait deux sources de trahison. Et parfois, ça gratte un peu aux entournures (la naïveté de "Cover Girl", par exemple).
Huit titres sur neuf sont des originaux. Par contre, "Right Here, Right Now" recycle joliment "Hanging Tree" (co-écrit en son temps avec Jack William), la première plage de Firefly (1977) qui marquait l’intronisation de John Lawton (et consommait le douloureux divorce d’avec David Byron).
Dans l’ensemble, les morceaux se déclinent en deux catégories : les "très bons" et les "très très bons".
Parmi les "très très bons" (mais tout cela est amplement subjectif), il y a le christique "Lost (My Guardian)", le fraternel "I Light The Fire (In My Heart)", l’excellent "Right Here, Right Now" (déjà cité), le sublimement choral "Stand (Chase The Beast Away)" le très sinistre "The Darkest Hour" et le final "Suddenly".
Les complétistes noteront que la version CD contient en bonus une version alternative de "The Darkest Hour", ce qui provoque un immense sentiment de frustration chez l’acquéreur du très beau vinyle gatefold…
Rédigé d’un trait à la mémoire de quelqu’un que j’aimais vraiment beaucoup. Et, putain, la boîte de Kleenex est vide…